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Actualité
29.10.2018
Protection des frontières extérieures de l’UE, gestion des données sur internet, accueil des migrants… 90 étudiants en droit européen à l’Université catholique de Lille ont écrit et adopté trois résolutions le 23 octobre, lors d’une séance fictive du Parlement européen. Parmi leurs solutions pour faire face aux enjeux actuels : un gouvernement communautaire, avec un ministre européen de l’Ecologie, et un impôt commun payé par les citoyens en fonction de leurs revenus afin de financer les actions mises en œuvre à l’échelle de l’Union.
90 étudiants de l’Université catholique de Lille ont participé à l’exercice – Crédits : Marie Guitton / Toute l’Europe
« Chers membres du Parlement européen, vous avez maintenant 10 minutes précises pour soumettre vos amendements, puis nous voterons… » Mardi 23 octobre, la pression monte dans l’hémicycle en marbre de la préfecture du Nord, sous le regard attentif d’illustres personnages peints.
Les étudiants s’agitent, passent d’un banc à l’autre pour récolter quelques signatures avant de déposer leurs textes à la présidente. « Car oui, je suis la présidente du Parlement européen, je suis une femme, nous sommes au 21e siècle », sourit Charlotte Pasquier. Installée à Bruxelles, cette juriste du cabinet d’avocats international Linklaters est issue de la même formation que les jeunes qui siègent en face d’elle ce jour-là : 90 étudiants en première année de licence en droit européen multilingue, inscrits à l’Université catholique de Lille.
A peine deux mois après la rentrée, la Faculté de droit a voulu leur donner un aperçu concret du processus d’écriture et d’adoption des textes européens. Avant de se réunir pour une séance de vote fictive dans les locaux vernis de la préfecture, les juristes en herbe ont donc été appelés à rédiger trois résolutions : l’une sur la gouvernance de l’UE, l’autre sur « l’accueil des migrants et la protection des frontières extérieures », la dernière sur les données personnelles et « la protection de la vie privée ».
« Le vivre ensemble en Europe est un bien commun. Il faut le préserver en faisant preuve d’humanité », les a encouragés une dernière fois Denis Vinckier, conseiller UDI des Hauts-de-France, le jour de la conclusion de ces travaux. « Le territoire a besoin de vous. Vous avez vocation à être les dirigeants de demain », a-t-il ajouté.
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Trois résolutions pour nourrir les réflexions des décideurs
Endossant ces responsabilités avec un peu d’avance, les jeunes âgés d’environ 18 ans ont donc enfilé les habits des députés européens le 23 octobre. Et répartis en groupes politiques, c’est en anglais qu’ils ont conduit leurs débats.
« A l’article 20 de la résolution sur la gouvernance, vous soulignez que l’intégration des étrangers pourrait être faite par l’apprentissage d’une langue européenne. D’accord, mais comment fait-on concrètement ? », lance ainsi une eurodéputée junior à ses « confrères » du centre-droit, à l’initiative de la clause en question. « La présidente attire l’attention des représentants sur l’article 31 qui parle de la faiblesse de la Constitution européenne, alors que celle-ci n’existe pas… », souligne pour sa part Charlotte Pasquier.
Au fil de la séance, des amendements sont déposés par les étudiants pour supprimer, préciser, nuancer, corriger, déplacer certaines clauses… Jusqu’à obtenir trois résolutions qui pourront nourrir, pour de vrai cette fois, les réflexions des décideurs français. Car l’exercice s’inscrit dans le cadre des Consultations citoyennes sur l’Europe, organisées dans les États membres jusqu’à la fin de ce mois d’octobre. Compilés, les résultats des mille évènements labellisés en France depuis avril feront en principe l’objet d’une restitution par Emmanuel Macron à ses homologues lors du Conseil européen des 13 et 14 décembre prochains.
Malgré le jeu de rôles calqué sur la véritable répartition des groupes politiques au Parlement européen, les étudiants de Lille ont donc voulu mettre du leur dans les propositions adoptées. Le 23 octobre, sur l’immigration notamment, les débats vont bon train : « Etiez-vous saouls lorsque vous avez rédigé vos propositions ?! », s’emporte un « centriste » contre ses ennemis jurés d’extrême-droite. Trois clauses soumises par ces derniers sont supprimées en un tour de main par les jeunes : la réduction des subventions aux associations qui soutiennent les migrants, la déchéance de nationalité pour les personnes impliquées dans les actes de terrorisme, et l’abolition des sanctions contre les pays européens qui ne respectent pas les quotas d’accueil de migrants.
Au contraire, les étudiants adoptent une clause « condamnant fortement les patrouilles de frontière officieuses ou illégales qui pourchassent des réfugiés et leur refusent le droit à la sécurité« . Et une autre qui « encourage » la coopération entre les Etats membres, « refusant fortement le règlement de Dublin, qui rend le premier pays d’entrée responsable de la procédure d’asile ».
Plus d’Europe, plus de solidarité, plus de protection
Soutien aux actions de sauvetage des migrants, création d’une « institution » pour les aider à s’intégrer en apprenant la langue du pays d’accueil, instauration d’un certain nombre de places réservées à l’université et amélioration de leur accès à l’emploi… Les propositions débattues sont nombreuses en faveur des nouveaux arrivants.
Du point de vue de la gouvernance, la nouvelle génération d’étudiants en droit européen se range résolument du côté de l’Europe, voire d’une Europe fédérale, et prône la mise en place d’un « gouvernement européen composé de différents départements, avec un ministre de l’Ecologie ». Pour abonder le budget commun, elle « propose un pouvoir central de taxation pour tous les citoyens européens proportionnellement à leurs revenus ». Une armée européenne verrait aussi le jour. Tandis que pour rendre intelligible le rôle des institutions, un cours sur l’UE serait instauré dans tous les lycées du continent.
Dès 6 ans, les élèves devraient aussi apprendre une seconde langue parmi celles des Etats membres. Mais l’heure tourne à Lille ! La séance de ce Parlement européen improvisé va bientôt être levée. Les étudiants embrayent donc rapidement sur la protection des données personnelles. Cette génération née à l’ère des réseaux sociaux n’est pas sourde aux problématiques actuelles. Sur la table des discussions, elle pose en vrac la possibilité pour chacun de contrôler l’utilisation qui est faite de ses informations de navigation ; l’obligation pour les sites internet d’expliquer simplement et synthétiquement leurs conditions de fonctionnement ; l’interdiction de vendre les données utilisateurs aux publicitaires ; la création d’une autorité supranationale dotée d’un pouvoir d’enquête pour la protection des données ; la sensibilisation des plus jeunes à ces enjeux ; voire une restriction de leur accès à internet, compte tenu de leur « plus grande vulnérabilité »…
Des vocations européennes
Reste à imaginer que cette relève avisée poursuivra ses études pour écrire de vraies lois un jour. « Notre étudiant type devient avocat en droit européen des affaires dans les grandes capitales », explique Aurélien Raccah, professeur de droit européen qui précise que cette licence lilloise enregistre une croissance de 20 % chaque année depuis sa création en 2007.
D’une façon générale, les cursus universitaires actuels ne prépareraient pas assez bien les jeunes Français à prendre des fonctions européennes, selon Charlotte Pasquier, issue de la seconde promotion. « Déjà, tout ce qui est en anglais, c’est très compliqué en France, observe-t-elle. Et puis, pour avoir aussi étudié à l’étranger, je trouve que c’est très théorique ici. Des exercices comme la simulation d’aujourd’hui, on devrait en faire plus souvent, et assez tôt, afin que les gens se rendent compte du rôle d’un député et d’un parti politique, de la façon dont ils sont représentés, du fonctionnement de la Commission ou du Conseil européen… Moi, il m’a fallu des années pour comprendre la réalité de la chose. Alors que la pratique, on vient de le voir, ce n’est pas si compliqué. »