Les institutions européennes sont-elles paritaires ?

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Actualité


28.11.2018

La parité au sein des institutions européennes s’améliore depuis vingt-cinq ans, même si les femmes restent minoritaires aussi bien à la Commission qu’au Conseil et au Parlement européens. Ce dernier, meilleur élève des trois et considéré comme le plus représentatif de la population européenne, atteint le piètre résultat de 36 % d’eurodéputées.

Parité femmes-hommes

Parité femmes-hommes – Crédits : Triloks, iStocks

Le principe d’égalité homme-femme est inscrit dans le traité de Rome (1957), qui assure aux citoyens de l’Union européenne des salaires égaux, puis dans celui de Maastricht (1992), qui l’érige en objectif-clé de l’UE. Ce dernier marque un véritable tournant dans la vie des Européennes, en leur fournissant une base juridique contre certaines discriminations, les inégalités de chances et les traitements inappropriés au travail. Enfin, le traité de Lisbonne (2009), qui précise les valeurs de l’Union, enracine le principe d' »égalité entre femmes et hommes » – en changeant d’ailleurs opportunément l’ordre des deux termes.

L’histoire de l’Union démontre toutefois une toute autre réalité. Car outre les manquements à la parité ou encore les inégalités de salaire persistantes, les femmes n’occupent pas non plus une place égale à celle des hommes au sein des institutions européennes et de celles des Etats membres. Il faut en effet attendre 1979 pour voir une femme occuper un poste de chef de gouvernement, en l’occurrence Margaret Thatcher au Royaume-Uni, et prendre la présidence d’une institution de l’UE : Simone Veil au Parlement européen. Depuis, la part des femmes en politique européenne reste minoritaire, malgré une évidente amélioration au fil du temps. Ainsi, si l’UE se porte garante de l’égalité homme-femme, peut-elle prétendre à être un modèle dans ce domaine ?

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Une évolution lente et disproportionnelle

Les chiffres sur la féminisation du pouvoir dans l’UE restent difficiles à trouver. La Commission et le Conseil européen, par exemple, ne publient pas d’informations qui renseigneraient sur le nombre exact de femmes en leur sein. Seul le Parlement dénombre explicitement le nombre de femmes députées, ainsi que leurs rôles, généralement dans un rapport annuel publié lors de la Journée de la Femme.

La comparaison des données des trois institutions est néanmoins sans équivoque : la part des femmes dans les institutions européennes a certes augmenté, mais de manière lente. On constate qu’en vingt ans, le pourcentage de femmes a gagné 11 points au Parlement européen, 12 à la Commission et seulement 4 au sein du Conseil européen (qui regroupe les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres). Sans pour autant qu’aucune de ces institutions n’atteigne la parité, et sachant que le Vieux Continent est, depuis plusieurs décennies, peuplé de plus de femmes que d’hommes.

Le Parlement accueille plus de femmes que les autres institutions

La place des femmes dans les trois institutions reste donc minoritaire. Cependant, il est évident que certaines institutions sont plus ouvertes aux femmes que d’autres. C’est le cas notamment du Parlement européen, qui compte dans ses rangs 36,1% d’eurodéputées, soit un chiffre plus élevé que dans la majorité des parlements nationaux de l’Union. En effet, à l’exception de huit pays (Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Pays-Bas, Slovénie et Suède), la part des femmes députées est plus importante au Parlement européen que dans les assemblées nationales. 

La parité dans les parlements nationaux

Par ailleurs, même s’il y a plus de femmes siégeant au Parlement européen que dans les deux autres institutions européennes, leur place aux principaux postes de pouvoir reste minoritaire. Ainsi, si la parité est respectée concernant les présidences de commissions – 12 sur 24 reviennent à des femmes – ça n’est pas le cas concernant les postes de vice-présidents de l’institution, de questeurs, de chefs de délégations et de groupes politiques.

Une majorité d’hommes aux commandes de la Commission européenne

La part des femmes au sein de la Commission européenne offre une perspective différente. Sur 28 commissaires, seulement 9 sont des femmes, mais avec des portefeuilles extrêmement variés. Federica Mogherini, vice-présidente de la Commission et haute-représentante pour les Affaires étrangères et la sécurité, est la femme qui se situe en haut de la hiérarchie. Ses huit collègues se partagent les domaines du commerce, des transports, du marché intérieur, de la concurrence ou de l’économie numérique. Même si leur place reste minoritaire, ces femmes ont les mêmes pouvoirs exécutifs que leurs confrères masculins, dans des domaines non-stéréotypés. La parité est toutefois encore loin d’être atteinte, Jean-Claude Juncker, président de la Commission, ayant même dû insister auprès des Etats membres pour qu’ils proposent des personnalités féminines lors de la composition de son collège en 2014.

Par ailleurs, les directions générales (DG) de l’exécutif européen dessinent un autre tableau. En effet, certaines sont encore largement moins féminisées que d’autres. Au sein de la DG TAXUD, s’occupant de la fiscalité et des affaires douanières, seuls 8 postes de chef d’unité sur 30 sont ainsi détenus par des femmes. De même, pour la DG ECFIN, gérant les affaires économiques et financières, sur 53 unités, 12 seulement sont chapeautées par des Européennes. Les sujets réputés moins « masculins », tels que l’environnement ou les affaires sociales, montrent une proportion de femmes plus conséquente. Ainsi, 42% des chefs d’unité de la DG Environnement sont des femmes, et 47% de la DG Emploi.

Les stéréotypes sur les femmes en politique n’ont pas disparu

Il s’en suit donc une question-clé : comment la cause des Européennes peut-elle progresser si les institutions censées les représenter ne sont elles-mêmes pas paritaires ? Cette question n’est pas nouvelle : déjà, en 1994, 47% des citoyens européens – 57% de femmes et 37% d’hommes – souhaitaient davantage de femmes candidates aux élections européennes. Mais également interrogés sur les domaines où une présence accrue de femmes serait bénéfique, les sondés avaient majoritairement répondu : politique familiale, éducation, enseignement ou défense des consommateurs. Soit des portefeuilles très « genrés ».

Un eurobaromètre de la Commission européenne, publié en juin 2017 et consacré à l’égalité des sexes, révèle que les mentalités n’évoluent que très lentement. En effet, 35% des citoyens européens interrogés estiment que les hommes sont plus ambitieux que les femmes, tandis que 17% sont convaincus que les femmes n’ont pas les qualités nécessaires pour faire de la politique. Notons néanmoins que 86% des sondés affirment qu’ils font confiance aux femmes pour représenter leurs intérêts (contre 82% pour les hommes), alors que la part des personnes souhaitant voir davantage de femmes politiques monte à 54%. Des chiffres identiques à ceux d’une précédente étude de la Commission européenne publiée en 2012.

Il reste désormais à voir si les élections européennes de 2019 confirmeront la progression du nombre de femmes impliquées dans la politique de l’UE.

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Article dirigé par Toute l’Europe et réalisé avec des élèves de Sciences Po dans le cadre d’un projet collectif

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