Les auditions des commissaires européens par les eurodéputés (mode d’emploi)

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Actualité


27.09.2019

Marie Guitton

Une fois tous les cinq ans, après les élections européennes, les membres de la Commission européenne sont renouvelés. Au cœur de ce processus de « recrutement » : les eurodéputés, qui auditionnent et évaluent les futurs commissaires.

En 2014, le Français Pierre Moscovici avait été auditionné par la commission des Affaires économiques du Parlement européen - Crédits : Capture d'écran / Parlement européen

En 2014, le Français Pierre Moscovici avait été auditionné par la commission des Affaires économiques du Parlement européen – Crédits : Capture d’écran / Parlement européen

Combien y a-t-il de commissaires européens, et à quoi servent-ils ?

Pour exercer ses fonctions législatives et exécutives, la Commission européenne est composée d’un commissaire européen par Etat membre, y compris son président. Cette équipe, appelée le « collège des commissaires », est renouvelée une fois tous les cinq ans après les élections européennes.

Un commissaire en moins en 2019
Après les élections européennes de mai 2019, le Royaume-Uni, s’apprêtant à quitter l’UE, a décidé de ne pas désigner de nouveau commissaire. De 2019 à 2024, si le Brexit a bien lieu, la Commission européenne ne comptera donc que 27 commissaires. Si le Brexit est annulé, le Royaume-Uni devra en revanche bel et bien désigner un commissaire européen, qui suivra le même processus de recrutement que ses pairs déjà entrés en fonction.

A l’exception du président de la Commission européenne, qui supervise le collège, les autres commissaires sont chacun chargés d’un portefeuille, comme l’Economie, la Justice, l’Environnement, l’Agriculture ou les Affaires étrangères (on parle alors du « Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité« ).

Dans les domaines qui leur sont confiés, ces commissaires élaborent des propositions de législations européennes, mettent en œuvre la politique de l’UE, exécutent le budget européen, et surveillent la bonne application du droit européen dans les Etats membres. Pour mener à bien ces missions, ils s’appuient sur les Directions générales de la Commission européenne, placées sous leur autorité et composées chacune de nombreux fonctionnaires européens. 

Comment sont choisis les commissaires européens ?

Rapidement après les élections européennes, « en tenant compte du résultat » de ce scrutin, les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres, réunis au sein du Conseil européen, proposent le nom du futur président de la Commission européenne. Ce candidat doit ensuite être élu, à la majorité, par les eurodéputés du Parlement européen.

Comment est « élu » le président de la Commission européenne ?

Ursula von der Leyen, élue en juillet 2019
L’Allemande Ursula von der Leyen a été élue par le Parlement européen en juillet 2019. Elle prendra la suite de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne. Son mandat, censé durer jusqu’en 2024, débutera après la validation du reste de son collège. 

Le président de la Commission européenne est donc le premier commissaire à être choisi, avant les autres membres de son collège. C’est ensuite le Conseil de l’UE, en accord avec le nouveau président, qui adopte la liste des candidats à l’ensemble des postes de commissaires. Dans la pratique, chaque Etat membre propose un candidat originaire de son pays, puis des discussions ont lieu avec le futur président de la Commission pour leur attribuer un portefeuille à chacun.

Une fois la liste finalisée, tous les potentiels futurs membres de la Commission sont « soumis, en tant que collège, à un vote d’approbation du Parlement européen« . Avant de pouvoir être officiellement nommés par le Conseil européen.

En 2019, un vote d’approbation prévu le 23 octobre
Le nouveau collège de commissaires emmenés par Ursula von der Leyen doit être soumis au vote d’approbation des eurodéputés le 23 octobre 2019, au cours d’une session plénière à Strasbourg. Cette date pourrait néanmoins être modifiée, en fonction du déroulement des auditions des commissaires, prévues du 30 septembre au 8 octobre.

A quoi servent les auditions des commissaires devant le Parlement européen ?

Pour éviter que l’ensemble du collège des commissaires soit « retoqué » par les eurodéputés, tout un processus de vérification des compétences et de la probité des futurs commissaires a lieu en amont du vote d’approbation.

Ce processus se découpe en plusieurs étapes, généralement aux mois de septembre et octobre suivants les élections européennes :

Pour commencer, les risques de conflit d’intérêts entre le patrimoine financier et le portefeuille confié à chaque candidat sont évalués par la commission des Affaires juridiques du Parlement européen.

Ensuite, les candidats répondent à des questions écrites et orales des eurodéputés. Bien que des tractations aient parfois eu lieu sur la base d’intérêts partisans, l’objectif de ces auditions est en principe de vérifier que les commissaires proposés respectent les critères énoncés à l’article 17 du traité sur l’Union européenne : « Les membres de la Commission sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen, et parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance. »

En effet, même si chaque Etat membre propose un commissaire, ce dernier n’est pas censé représenter les intérêts de son pays une fois installé à la Commission européenne. Le TUE stipule que « les membres de la Commission ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucun gouvernement, institution, organe ou organisme. Ils s’abstiennent de tout acte incompatible avec leurs fonctions ou l’exécution de leurs tâches.« 

Comment sont évalués les risques de conflit d’intérêt ?

Une fois désigné, chaque candidat doit donc soumettre une déclaration d’intérêt à la commission des Affaires juridiques du Parlement européen.

Tous les intérêts financiers d’une valeur supérieure à 10 000 euros doivent être déclarés, ainsi que les intérêts financiers des enfants mineurs « lorsqu’ils pourraient être susceptibles de générer un conflit d’intérêts« , ou encore l’appartenance à des associations, partis politiques, syndicats, ONG ou autres organes « si leurs activités visent à influencer ou à affecter l’exercice de fonctions publiques« , explique le Parlement européen.

Depuis une réforme du règlement intérieur du Parlement en 2016, l’avis positif de la commission des Affaires juridiques est un préalable, une précondition, à la suite du processus de « recrutement » : les auditions des commissaires.

Si un conflit d’intérêt est décelé, la commission parlementaire peut rédiger des recommandations (elle peut par exemple encourager le candidat à vendre les actions qu’il détient dans un certain secteur), ou déclarer que le candidat n’est pas en position d’exercer les fonctions qu’on envisage de lui confier. Dans un tel cas, le règlement du Parlement prévoit la « suspension de la procédure de désignation« , jusqu’à ce que le conflit d’intérêts ait été résolu ou que le président de la Commission européenne ait tenu compte de cet avis négatif, par exemple en changeant le portefeuille du candidat ou en demandant à l’Etat membre concerné de remplacer son commissaire désigné.

En 2019, deux candidats sur la sellette
Fin septembre 2019, la commission des Affaires juridiques du Parlement européen a refusé de donner son feu vert aux commissaires roumain (Rovana Plumb (PSE), désignée aux Transports) et hongrois (László Trócsányi (PPE), désigné au Voisinage et à l’Elargissement).

Qui sont les futurs commissaires européens ?

Comment se déroulent les auditions ?

Une fois écarté tout risque de conflit d’intérêts, les commissaires désignés répondent aux questions des eurodéputés.

D’abord à l’écrit : deux questions leur sont adressées sur leur compétence générale, leur engagement européen, leur indépendance, la gestion de leur futur portefeuille et leur coopération avec le Parlement. Et une demi-douzaine d’autres portent sur leurs priorités et les législations qu’ils proposeront au regard de la feuille de route présentée par le futur président de la Commission européenne.

Sur cette base, les eurodéputés affutent les questions qu’ils poseront lors des auditions des commissaires. C’est la dernière étape – orale cette fois – du processus de « recrutement » : pendant trois heures chacun, les candidats sont auditionnés par les commissions spécialisées du Parlement européen, en fonction de leur(s) domaine(s) de compétence. Par exemple, le futur commissaire à l’Economie peut être entendu par la commission des Affaires économiques et monétaire du Parlement européen, mais aussi (et en même temps) par celle de l’Emploi et des affaires sociales, si son portefeuille englobe ce champ.

Au cours de son audition, le candidat entendu commence par une déclaration de 15 minutes. Puis 25 questions d’une minute chacune lui sont posées par des eurodéputés de chaque famille politique européenne, auxquelles il doit répondre en 3 minutes. Une très courte question de suivi peut lui redonner la parole pour qu’il précise sa réponse en 1 minute supplémentaire. A la fin de l’audition, le commissaire désigné peut faire une dernière déclaration de 5 minutes.

Comment la performance des commissaires est-elle évaluée ?

Le jour même, ou le lendemain de l’audition d’un commissaire, un comité réduit (comprenant le président de la commission qui l’a auditionné et un représentant de chaque groupe politique) se réunit à huis clos pour évaluer sa performance.

Depuis la réforme du règlement intérieur du Parlement européen en 2016, le candidat auditionné doit emporter l’approbation des deux tiers des membres de ce comité (contre une « large majorité » précédemment). Sinon, d’autres questions écrites peuvent encore lui être adressées et une audition complémentaire d’une heure et demie organisée. A l’issue, un nouveau vote aux deux tiers est organisé au sein du comité réduit. Si le commissaire désigné n’est toujours pas approuvé, toute la commission parlementaire est alors appelée à se prononcer, à la majorité simple. 

Les résultats de ces votes concernant les commissaires sont transférés à la conférence des présidents du Parlement européen, qui réunit le président de l’institution et les présidents de tous les groupes politiques. C’est elle qui déclare la clôture des auditions et autorise la publication de l’ensemble des lettres d’évaluation.

Que se passe-t-il en cas d’évaluation négative ?

Si un candidat n’a pas été approuvé après son audition, la conférence des présidents s’adresse au futur président de la Commission européenne.

La requête peut par exemple porter sur l’intitulé d’un portefeuille, ce qui peut être corrigé relativement rapidement. En revanche, si le Parlement européen appelle au remplacement d’un commissaire désigné, la procédure peut recommencer du début pour son éventuel remplaçant. Et le vote d’approbation final du collège de commissaire, être repoussé.

Par exemple, après les élections européennes de 2009, en pleine crise économique et financière, les divisions étaient telles que la commission sortante avait dû continuer à travailler plus longtemps que prévu… Le nouveau collège de commissaires, adoubé tardivement par le Parlement, n’avait pu faire sa rentrée qu’au mois de février 2010… avec quatre mois de retard.

Des commissaires sont régulièrement retoqués
En 2014, les réponses de la candidate slovène à l’Energie, Alenka Bratusek, n’avaient pas vraiment convaincu les membres de la commission spécialisée. En 2004, c’est un Italien proposé à la Justice, Rocco Buttiglione, qui avait été vivement critiqué par les parlementaires pour ses positions sur la famille et l’homosexualité. Ces deux candidats avaient finalement été remplacés.

Comment se déroule le vote d’approbation final, en session plénière ?

Après la clôture des auditions, le président élu présente son équipe et son programme devant l’ensemble des eurodéputés du Parlement européen, en session plénière à Strasbourg. La déclaration est suivie d’un débat, au cours duquel tous les groupes politiques peuvent prendre la parole.

Enfin, a lieu un vote par appel nominal (nominatif), à la majorité simple. Si elle est approuvée, la nouvelle Commission peut alors être officiellement nommée par le Conseil européen, réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement, statuant eux à la majorité qualifiée (55 % des Etats membres représentant 65 % de la population de l’UE).

Habituellement, si aucun retard n’est pris, la nouvelle Commission entre en fonction le 1er novembre.

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