
Grain de sel : C’est donc Antonio Costa , portuguais qui succède à Charles Michel à la présidence du Conseil européen. il a érté élu à la majorité qualifiée renforcée pour deux ans demi renouvelable une fois (au moins 72 % des Etats membres expriment un vote favorable et les Etats représnetnent au moins 65 % de la population de l’UE).
Pour rappel, les États sont en grande partie dirigés par des gouvernements PPE augurant de possibles oppositions à sa vision. Alors qu’il a décrété à ce sujet vouloir tester de nouvelles méthodes de travail qui donnent plus de pouvoir aux 27 ambassadeurs de l’UE, un de ses défis concerne la bonne relation institutionnelle avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen quelque peu malmenée du temps de Charles Michel.
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Président du Conseil : quel rôle ?
Le rôle du président du Conseil européen est défini par le Traité sur l’Union européenne (TUE) :
- présider et animer les travaux du Conseil européen ;
- assurer la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen en coopération avec le président de la Commission européenne, et sur la base des travaux du Conseil des affaires générales (lire ci-dessous) ;
- œuvrer pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen ;
- présenter au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil européen ainsi qu’un rapport écrit annuel.
- assurer, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, en coopération avec le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
- Enfin, il représente l’UE lors des sommets internationaux, en compagnie de la présidence de la Commission.
C’est une fonction encore récente: 2009 qui doit s’articuler avec la présidence tournante du Conseil de l’UE.
Le président convoque les réunions du Conseil européen deux fois par semestre et en cas de force majeure . Au moins un mois avant la réunion du Conseil européen, il soumet au Conseil des Affaires générales (CAG) – – un projet d’ordre du jour ainsi qu’un “projet d’orientation pour le Conseil européen”. Ces deux textes font l’objet d’un débat au CAG.
Jeu d’équilibriste politique
Le choix du président du Conseil européen dépend de ce subtil jeu d’équilibriste diplomatique mené par les Etats membres pour se répartir les “top jobs” de l’UE. Une équation complexe qui tente de respecter une certaine équité entre les pays de l’Ouest, de l’Est, du Nord, et du Sud mais aussi les familles politiques ou encore la parité.
Quelles ambitions pour Costa ?
Ces derniers mois, le Portuguais a fait le tour des capitales européennes pour connaître les priorités des dirigeants de l’UE pour les cinq années à venir, alors que l’Union fait face à des enjeux majeurs, telle que le dossier ukrainien, l’anticipation la « guerre commerciale » avec la Chine, Donald Trump à la Maison-Blanche , le budget pluriannuel de l’Union mais aussi la pérennité du Green Deal.
Qui est il ? Un responsable politique pragmatique
Né le 17 juillet 1961 à Lisbonne, António Costa est le fils d’une journaliste politique et d’un écrivain communiste. Il descend d’une grande famille de l’ancien comptoir colonial de Goa, en Inde. Après des études en droit et en sciences politiques, il devient avocat avant d’être nommé, à 34 ans, secrétaire d’État aux Affaires parlementaires dans le gouvernement minoritaire d’António Guterres, l’actuel secrétaire général de l’ONU. Il occupera ensuite le poste de ministre de la Justice. Son pragmatisme lui a permis d’étendre son influence au-delà de sa famille politique, les socialistes. En 2020, il rend visite au Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orbán et contribue à le convaincre de ne pas bloquer le plan de relance européen post-Covid, crucial pour le Portugal. Habile tacticien, a prouvé qu’il était capable de mener des négociations délicates ou de transformer ses revers en opportunités.
Un contexte chargé
Malgré quatre décennies d’expérience et sa réputation de responsable compétent, António Costa ne s’attend pas à un mandat de tout repos. Seuls quatre Premiers ministres européens sont de centre gauche, dont le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, dont le pays traverse une période difficile, et le chancelier allemand Olaf Scholz, sera confronté à des élections anticipées et vraisemblablement les perdra.
Il devra composer avec l’affaiblissement du couple franco-allemand. Dans ce contexte la présidence de la Pologne pourra t elle aider?
Une nouvelle approche
António Costa propose une nouvelle approche institutionnelle, en donnant aux 27 ambassadeurs de l’UE la possibilité de participer au COREPER — responsable de la préparation des travaux de toutes les sessions du Conseil — et de finaliser les communiqués des sommets avant que les dirigeants de l’Union ne se réunissent pour discuter et souhaite aussi organiser des « retraites » au cours desquelles les dirigeants de l’UE se rencontreront « dans le cadre de réunions informelles pour discuter sans la pression de produire des conclusions sur papier »
Une nouvelle dynamique institutionnelle ?
Durant la précédente législature, les tensions entre Charles Michel et Ursula von der Leyen étaient visibles lors des sommets internationaux.
António Costa bâtisseur de consensus?
Organiser des réunions de coordination avant le sommet de l’UE,pour nous assurer que l’agenda ést construit de manière à ce que personne ne marche sur personne d’autre avec un accent sur les relations avec la Conférence des présidents du PE.
António Costa, socialiste venu du Sud
Depuis sa prise de fonction le 1er décembre, le nouveau président du Conseil européen, António Costa, 63 ans, a respecté un agenda bien rempli : visite en Ukraine avec un entretien avec le président Zelensky ; réunion de travail avec la présidente de la Commission européenne pour afficher l’apaisement des relations entre les deux côtés de la rue de la Loi ; rencontre préparatoire avec les dirigeants des Balkans occidentaux avant le sommet le 18 décembre.
António Costa s’est rendu à Londres le 13 décembre pour rencontrer le Premier ministre britannique Keir Starmer, instigateur du « EU Reset ».
Il présidera son premier Conseil le 19 décembre. En moins de deux semaines, l’ancien Premier ministre portugais (2015-2024) occupe le terrain bien décie à assurer la continuité et la stabilité des travaux du Conseil européen en vertu de l’article 15 §5 TUE,
Après Herman Van Rompuy (2009-2014), Donald Tusk (2014-2019) et Charles Michel (2019-2024), António Costa est le quatrième président du Conseil européen. Sa désignation est intervenue dans un contexte où les dirigeants espèrent renforcer le rôle de médiation du président du Conseil, notamment après des épisodes de relations tendues entre les institutions européennes sous le mandat précédent.
La création du Conseil européen avait symbolisé le rapprochement franco-allemand. Donald Tusk symbolisait la réunification du continent, António Costa entend incarner une certaine réconciliation . Le choix d’António Costa peut être perçu comme celui d’un symbole d’ouverture et de diversité, à l’heure où les ennemis de l’Union européenne attaquent son modèle et ses valeurs. António Costa incarne l’un des multiples héritages postcoloniaux du continent européen. Sous son gouvernement, le Portugal avait d’ailleurs amorcé un débat public sur la mémoire coloniale, notamment avec des initiatives comme la reconnaissance des crimes liés à l’esclavage et la création d’un musée des Découvertes. Il peut donc être perçu comme capable de faire de la diversité un atout, incarnant une Europe moderne et ouverte sur le monde, en rupture avec les divisions héritées du passé et celles que d’autres tentent de réintroduire.
Dans un hommage rendu à Mário Soares à la Fondation Gulbenkian à l’occasion des cent ans de la naissance de l’ancien Premier ministre et président de la République disparu en 2017, António Costa a tenu à se revendiquer de l’engagement européen porté alors par la figure de la transition démocratique du Portugal, dont l’intégration dans la Communauté économique européenne en 1986 a profondément changé la société, en s’appropriant les valeurs de l’intégration, de la tolérance et du cosmopolitisme ».
Le rôle de président du Conseil européen est complexe en raison des mécanismes de prise de décision européens. Dans la plupart des cas, la décision repose sur la majorité qualifiée : 55 % des États membres (au moins 15 sur 27) qui doivent représenter 65 % de la population de l’Union européenne.
Son expérience et son engagement en faveur d’une Europe solidaire et stratégique pourraient faire de lui un président visionnaire et opérationnel. Son passé démontre qu’il possède les compétences pour gérer des situations complexes et mobiliser les acteurs européens autour d’objectifs communs. Ce pragmatisme ferme lorqu’il s’agit de la défense des valeurs communautaires (constant sur l’Ukraine) et non confrontationnel, est une ligne de fond que l’on retrouve dans l’ensemble de ses positions , comme par exemple favoriser la qualité des relations commerciales avec la Chine ; tirer le meilleur parti possible des relations avec la future présidence de Donald Trump ; jouer la prudence du consensus préalable sur les propositions française de réformes institutionnelles de l’Union ; privilégier, concernant la Palestine et à la différence de son ancien ministre des Affaires étrangères, l’établissement d’un consensus communautaire en amont d’une reconnaissance de l’Etat palestinien, à préférer selon lui aux initiatives individuelles des Etats membres comme l’Irlande et l’Espagne ; ou encore, en intra-communautaire,privilégier le maintien du dialogue avec Viktor Orban sur les confrontations court-termistes.
De nouvelles méthodes de travail
Durant neuf années comme Premier ministre[6], António Costa a assisté à près de quarante Conseils européens et s’est fait remarquer pour sa capacité à défendre les intérêts de son pays mais toujours dans un intérêt commun et européen. Fervent défenseur d’une révision du Pacte de stabilité et de croissance, il prône une approche qui favorise davantage les investissements à long terme. Il s’est fait remarquer pour son habileté à bâtir des consensus entre des camps divisés en particulier avec les pays dits frugaux sur les questions budgétaires. Toutefois, il n’a pas hésité à adopter une posture ferme pour défendre les intérêts du Portugal, notamment dans la négociation des fonds structurels et de cohésion. Sa bonne connaissance de ce sujet peut s’expliquer par son expérience comme maire de Lisbonne[9] pendant sept ans.
Lors de la présidence portugaise du Conseil de l’Union au premier semestre 2021, il a annoncé trois priorités : une reprise économique durable, la transition numérique et verte, et le renforcement de la souveraineté stratégique, avec notamment l’entrée en vigueur des premiers financements NextGenerationEU. António Costa a plaidé pour une réponse collective face à des crises qui transcendent les frontières, en insistant sur la nécessité d’un mécanisme européen robuste pour soutenir les économies les plus touchées. Ardent défenseur de l’émission de dette commune, un sujet sensible, afin de financer les mesures de relance, il a réussi à trouver un écho de cette position, autrefois marginale, en juillet 2020, lorsque le plan NextGenerationEU a été approuvé.
il a proposé dès son discours d’inauguration une méthode pour les réunions du Conseil, dont la durée sera réduite désormais de deux à un jour.
Perçu comme moins technocrate que Charles Michel, António Costa semble annoncer une méthode plus engageante et fédératrice, adaptée aux défis géopolitiques complexes pour les cinq prochains semestres.
Fabio Tomasic, assistant de recherche à la Fondation Robert Schuman.
[1] Trois personnalités représentent l’Union européenne au niveau international. On se rappelle ici notamment du sofagate.
[2] Pendant près de cinquante ans, le Portugal a vécu sous un régime autoritaire. La fin de la dictature de Salazar et de l’Estado Novo (1926-1974), avec la Révolution des Œillets marque le début d’une transition démocratique complexe dans un contexte de décolonisation.
[3] Dans ce documentaire, Sommets, dans le secret des négociations européennes, on suit l’emploi du temps chargé de Charles Michel, avec quelques scènes où l’on saisit bien la nécessité d’amener les représentants des Etats, parfois peu coopératifs, à s’accorder.
[4] Par exemple l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne de juin 2024, décidée à l’unanimité par le Conseil européen.
[5] Il doit aussi en rendre compte au Parlement européen, institution qu’Antonio Costa connaît puisqu’il a occupé le siège de vice-président de 2004 à 2005.
[6] Selon l’article 201 de la Constitution portugaise, le Premier ministre est le chef du gouvernement, chargé de conduire la politique générale du pays et de représenter le Portugal dans les relations internationales.
[7] Les réalisations sont marquées par une maîtrise de l’inflation (environ 1%), une baisse de la dette publique (passant de 130% à 118% en 2019), une réduction du chômage (5,6% en juillet 2020 contre 12% en 2015) et une croissance de 18% du PIB.
[8] D’ailleurs, en 2019, alors qu’il est déjà pressenti au poste de président du Conseil, António Costa a choisi de ne pas se porter candidat, préférant se consacrer aux réformes au Portugal et à la gestion de la présidence portugaise du Conseil de l’Union en 2021.
[9] Il est maire de la ville qui accueille la signature du dernier traité réformant les institutions européennes, en 2009.
[10] Le Portugal a fêté les cinquante ans de la « révolution des œillets » en 2024.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
Ressources :
- https://www.euractiv.fr/section/institutions/news/antonio-costa-prend-la-tete-du-conseil-europeen-avec-pour-ambition-de-reformer-son-fonctionnement/
- Discours prononcé par le nouveau président du Conseil européen, M. António Costa, à l’occasion de la cérémonie de passation de pouvoir avec le président sortant, M. Charles Michel.
- A la présidence du Conseil européen, António Costa, un socialiste venu du Sud