Référendums, consultations, ICE… comment promouvoir la participation des citoyens en Europe ?

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Actualité


29.03.2019

Steven Kakon

Les institutions européennes tentent, depuis l’adoption du traité de Maastricht en 1992, de se rapprocher des citoyens. Quels canaux permettent aujourd’hui aux Européens de mieux faire entendre leur voix ? Sont-ils efficaces ? Comment pourraient-ils être améliorés ?

Crédits : AndreyPopov / iStock

Crédits : AndreyPopov / iStock

L’Union européenne peut être considérée comme une démocratie représentative – avec l’élection des eurodéputés au suffrage universel direct tous les cinq ans. Mais la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen s’interroge : pourquoi ne pas y ajouter une dose de démocratie directe, considérée – selon une étude commandée en 2009 – comme un « acquis en terme de légitimité politique sur le processus de construction européenne » ?

La question nourrit la recherche académique dans un contexte de défiance « élevée » vis-à-vis de l’Union européenne, celle-ci semblant souffrir actuellement d’un déficit de légitimité démocratique. En effet, 48% des Européens déclarent avoir « plutôt pas confiance » à l’égard des institutions européennes.

Depuis les années 1990, les citoyens européens sont soucieux d’être plus étroitement associés au processus, marquant le début d’un processus de politisation des affaires européennes. Au point que nous serions passés du « consensus permissif » au « dissensus contraignant« , selon Liesbet Hooghe et Gary Marks, tous deux enseignants à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill aux Etats-Unis. Ainsi, alors qu’ils étaient plus passifs avant l’adoption du traité de Maastricht, les citoyens réclament dorénavant une association plus étroite aux décisions de l’UE.

Une meilleure prise en compte des préférences citoyennes au niveau de l’Union européenne pourrait en effet permettre de redonner confiance aux électeurs, alors que l’abstention dépasse les 50% depuis longtemps lors des scrutins européens, particulièrement chez les jeunes. Selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de 2011, le renforcement des relations entre les autorités et les citoyens est un élément constitutif de la « bonne gouvernance« .

Les Européens ont déjà la possibilité d’être associés à divers processus décisionnels via des mécanismes de participation directe, demeurant cependant embryonnaires. Les référendums nationaux, par exemple, ou encore les initiatives citoyennes et des débats publics sur l’Europe. Un projet de 2009 pour la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen détaille également un projet d’enquêtes publiques consultatives qui pourraient être instaurées au niveau de l’Union. Ces mécanismes ont des forces, mais également des faiblesses.

Les référendums nationaux portant sur des questions européennes

Dans l’histoire de la construction européenne, les référendums « européens » organisés par les Etats membres ont généralement illustré le manque de confiance des citoyens vis-à-vis de celle-ci.

En 1992, le peuple danois a refusé une première fois le traité de Maastricht avant de l’accepter en échange d’une clause d’opting-out (qui permet d’exempter un Etat membre de participer à certaines politiques). Les Français, eux, ne l’ont approuvé que de justesse. Mais en 2005, c’est leur rejet – et celui des Néerlandais – du traité établissant une constitution pour l’Europe (TECE) qui a créé un véritable psychodrame, marquant la prise de conscience qu’un fossé s’était creusé entre l’Union et ses citoyens. Le référendum sur le Brexit, voté le 23 juin 2016, doit désormais entraîner la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Dès lors, une série de critiques ont été adressées aux référendums ayant trait à l’Europe. L’Union européenne et sa structure complexe à multi-niveaux ne sont pas « en mesure de répondre institutionnellement aux difficultés engendrées par un scrutin négatif« , écrit Frédéric Esposito en 2010 dans une contribution à l’ouvrage Europe : de l’intégration à la Fédération (2010). Aussi, dans une contribution académique de 2005, Andreas Follesdal (de l’université d’Oslo) et Simon Hix (qui enseigne à la London School of Economics) rapportent une autre limite, régulièrement mise en avant : ces référendums sur l’UE offrent la possibilité aux citoyens de s’exprimer sur des sujets constitutionnels, mais pas sur les contenus spécifiques des politiques.

De son côté, Andreas Auer, professeur émérite à l’université de Zurich, émet des réserves sur leur valeur démocratique et leur signification en matière d’intégration européenne. Le juriste suisse relève notamment le fait que ces référendums « européens » sont organisés dans des cadres constitutionnels purement nationaux. Pour lui, c’est une grossière erreur de les avoir tolérés au sein des Etats membres, alors même qu’ils portent sur des sujets vitaux. Cela aurait encouragé des effets anti-intégration qui ont bloqué les initiatives, voire conduit à l’idée de quitter l’Union. Le référendum européen, tel qu’il est institué aujourd’hui, aurait donc eu l’effet contraire à celui escompté de promouvoir une démocratie participative.

Quand bien même ces enjeux restent dominés par des préoccupations nationales, l’expérience référendaire dans les Etats membres permet néanmoins d’assurer une promotion du débat public, argumente Frédéric Esposito. En favorisant une meilleure perception tant des acteurs que des enjeux sur le plan national et européen, ces référendums offrent une opportunité d’apprentissage tout à fait unique aux citoyens européens, ajoute le chercheur de l’université de Genève. Au final, selon lui, la participation à des scrutins européens rapprocherait bel et bien les citoyens des décideurs politiques.

Mais l’UE pourrait aller bien plus loin. Selon certains universitaires, elle pourrait intégrer dans son ordre légal un référendum obligatoire, en s’inspirant du système institutionnel suisse. Andreas Auer s’est d’ailleurs indigné que l’UE ne l’ait pas déjà fait. Ici, toute modification des traités serait automatiquement soumise au vote populaire. La consultation populaire unique à l’échelle de l’Europe serait suivie d’une ratification par les Etats membres. Selon l’analyse de Julien Milquet pour le Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation (CPCP), « l’UE y gagnerait donc en transparence, en clarté, en efficacité, mais également en démocratie ». Idée séduisante sur le papier, ce changement constituerait un véritable challenge et un enjeu politique. Car il s’agirait d' »intégrer institutionnellement » les référendums, « de façon à communautariser au lieu d’individualiser le résultat d’un vote populaire ou parlementaire d’un Etat« , souligne Frédéric Esposito. Le challenge résulte également dans le fait que les référendums ne font pas partie de la tradition de nombreux Etats membres. Enfin, il paraît hautement improbable qu’un Etat membre accepte de se voir imposer un traité qu’il aurait majoritairement refusé.

Les consultations citoyennes européennes

Au-delà des référendums, les « consultations citoyennes » permettent aussi d’intégrer les citoyens dans les processus de décision. Si des arènes de débat émergent lentement dans l’UE, l’organisation de votes sur les questions courantes européennes dans les différents Etats membres n’en est encore qu’au stade de simple proposition.

Les débats publics sont caractéristiques de la démocratie participative. A l’heure actuelle, des concertations dynamiques sous forme de débats libres sont organisés ponctuellement par des acteurs locaux. Avec pour objectif de collecter de l’information et parfois de la faire remonter dans les instances de l’Union. La Commission européenne propose aussi aux Européens de donner leur avis au cours du processus législatif (mécanismes de retour d’information) et organise des « dialogues avec les citoyens« .

Mais selon une étude de l’OCDE, si la plupart des pays voient dans ces consultations un élément essentiel du processus d’élaboration des politiques publiques, les cadres légaux, politiques et institutionnels restent encore trop peu développés pour les encourager.

Le président français Emmanuel Macron, lors de son discours devant le Parlement européen le 17 avril 2018, a argumenté en faveur de leur institutionnalisation afin de « libérer la parole sur l’Europe, redonner confiance et éclairer le débat » (RFI). D’avril à octobre 2018, 25 Etats membres de l’Union européenne ont ainsi organisé des consultations auprès de leurs citoyens. 1 000 débats ont notamment eu lieu partout sur le territoire français, avec pour objectif d’entendre les critiques, les attentes, ainsi que les propositions des citoyens pour l’Europe.

Mais trois limites à cet outil sont régulièrement soulevées. Premièrement, le risque que ne s’expriment que les plus engagés, ceux qui s’intéressent déjà aux questions posées, même si ces débats sont ouverts à tous. Deuxièmement, une interrogation demeure : l’Union européenne est-elle apte à fournir les informations nécessaires aux citoyens afin qu’ils puissent prendre position au sein d’un débat rationnel et éclairé ? Enfin, que faire de l’information récoltée ?

Les « consultations citoyennes sur l’Europe » organisées en 2018 ont donné lieu à une synthèse européenne en décembre, publiée en marge d’un Conseil européen. Les candidats aux élections de mai 2019 ont été invités à s’en saisir… Mais quels enseignements en seront concrètement tirés ?

Consultations citoyennes : la synthèse européenne est publiée

  • Les enquêtes publiques consultatives

Le politologue Frédéric Esposito a proposé, dès 2009, de pousser ce processus de consultations citoyennes un peu plus loin en y adjoignant des votes consultatifs.

Dans son étude remise à la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, il suggère ainsi de consulter de manière simultanée tous les Européens sur des questions « d’intérêt public » qui concernent l’ensemble de la communauté (du type « Etes-vous favorable à l’élection au suffrage universel du président de la Commission européenne ?« ).

Ce type de consultation, ferait « basculer l’exercice de la volonté populaire du niveau national au niveau supranational européen« , estime le chercheur.

Cet outil d’évaluation serait impulsé conjointement par la Commission européenne, en tant qu’organe exécutif de l’UE, et par le Parlement européen, en tant que colégislateur et institution directement élue au suffrage universel.

Le résultat serait consultatif et non décisionnel – la dimension contraignante risquant de dissuader les décideurs de s’en servir.

L’initiative citoyenne européenne (ICE)

Entrée en vigueur le 1er avril 2012 et figurant actuellement dans le traité de Lisbonne (art. 11 § 4 TUE), l’initiative citoyenne européenne (ICE), permet à un million d’Européens d’interpeller la Commission européenne et de l’inviter à proposer une nouvelle législation sur un sujet donné. Elle traduit une volonté des institutions européennes de se rapprocher de ses citoyens et de gagner en légitimité en leur ouvrant des canaux de participation. Mais si les intentions sont louables, l’initiative citoyenne ne permet pas encore réellement d’associer les citoyens européens au processus décisionnel.

Qu’est-ce qu’une initiative citoyenne européenne ?

Elle reste difficile à mettre en œuvre en raison de la complexité de la procédure et des exigences requises. Pour lancer une initiative, le comité instigateur doit d’abord réunir au moins sept citoyens provenant au moins de sept pays différents de l’UE. La demande, évaluée par la Commission qui doit statuer dans un délai de deux mois, ne doit être « ni manifestement abusive, fantaisiste ou vexatoire, ni contraire aux valeurs énoncées par l’article 2 du TUE« . Si l’initiative est enregistrée par la Commission, le comité doit ensuite obtenir, en l’espace de douze mois, un million de signatures dans au moins un quart des Etats membres en un an. Le texte de l’initiative est alors proposé à la Commission, qui peut librement décider de s’en servir pour rédiger une proposition de législation européenne en bonne et due forme… ou pas.

A ce jour, selon la Commission européenne, 9 millions de citoyens européens ont participé au processus législatif de l’UE en soutenant une initiative citoyenne depuis l’entrée en vigueur de l’instrument en 2012. Sur les 64 initiatives présentées à la date du 21 février 2018, 4 seulement ont réussi à recueillir plus d’un million de signatures à ce jour, selon la Commission européenne. Mais l’institution n’a donné suite à aucune de ces propositions bien qu’elle ait fourni une réponse et présenté ses conclusions juridiques et politiques.

Le 18 mars 2019, la Commission européenne a enregistré une initiative citoyenne intitulée « Housing of all« . L’objectif des initiants : « améliorer les conditions-cadres juridiques et financières facilitant l’accès pour tous en Europe« . Son enregistrement marque le début d’un processus de 12 mois au cours duquel les signatures seront collectées par ses organisateurs. Le 26 mars, c’est au tour de l’initiative intitulée « #NewRightsNow« , qui vise à renforcer les droits des travailleurs ubérisés, d’être enregistrée au sein de l’organe supranational.

Afin d’améliorer la portée de l’initiative citoyenne européenne, les spécialistes font plusieurs suggestions. Organiser un véritable débat public à chaque lancement d’une initiative. Accorder plus de temps aux initiateurs pour obtenir un million de signatures. Doter les comités d’initiative d’un statut juridique leur permettant de lever des fonds. Voire, dans un idéal de démocratie directe, contraindre les institutions à tenir compte du résultat des initiatives citoyennes qui remplissent les conditions de recevabilité.

La réforme de l’initiative citoyenne européenne fait également partie du programme  des Républicains (proposition n°75) pour les élections européennes de mai 2019. Le parti souhaite en effet la rendre « plus accessible et transparente« . Alors que pour l’heure c’est à la Commission de décider des mesures de suivi à donner à l’initiative, « désormais, l’examen d’une initiative citoyenne européenne devrait être rendu obligatoire par le Parlement européen. Il en rendrait ensuite compte devant les citoyens européens« , fait valoir LR.

Un autre outil de démocratie directe : la pétition. Conformément à l’article 227 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tout citoyen européen, peut, individuellement ou collectivement, adresser à la commission des pétitions du Parlement européen, une pétition au sujet d’une question relevant d’un domaine de compétence de l’Union européenne et le concernant directement.

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