
Une petite révolution. Face à des tensions géopolitiques inédites, à une crise climatique croissante et à des défis économiques majeurs, la Commission européenne a voulu faire évoluer en profondeur le budget de l’Union.
Mercredi 16 juillet, le commissaire européen au Budget Piotr Serafin, suivi de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ont proposé un cadre financier pluriannuel (CFP) de 2 000 milliards d’euros (1 816 milliards d’euros en prix constants 2025). Un montant qui représente une augmentation notable par rapport aux 1 200 milliards d’euros de la période 2021-2027 en cours, si l’on exclut le plan de relance européen de 807 milliards d’euros. Cette hausse se reflète également dans la part du revenu national brut (RNB) des États membres consacrée au budget de l’UE, qui passerait de 1,1 % actuellement, à 1,26 % entre 2028 et 2034.
La simplification et la transparence constituent le premier objectif de cette révision, qui verrait le nombre de programmes passer de 52 à 16. Le futur budget à long terme offrirait aussi une plus grande flexibilité face aux imprévus, à l’heure où l’Europe doit gérer des crises allant de la guerre en Ukraine à la compétition avec les autres puissances mondiales. Enfin, à partir de 2028 l’Union européenne devra rembourser la dette commune qu’elle a contractée avec le plan de relance post-Covid-19, soit un retour annuel estimé entre 25 et 30 milliards d’euros.
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Les méga-fonds, pivots de la réforme
La Commission veut ainsi structurer le budget autour de trois grands pôles.
Le premier constitue l’une des innovations majeures de ce nouveau budget. Des « plans de partenariat nationaux et régionaux » fusionneraient les ressources traditionnelles de la politique agricole commune (PAC, 302 milliards d’euros pour la prochaine période), de la politique de cohésion (ou politique régionale), ainsi que de la pêche, du développement durable ou encore de l’immigration. Ce « méga-fonds » inclut également un montant annuel fixe pour le remboursement du plan de relance NextGenerationEU. Avec 865 milliards d’euros pour l’ensemble, le premier pilier représenterait 48 % du futur cadre financier pluriannuel.
Doté de 410 milliards d’euros, le Fonds européen pour la compétitivité constituerait l’essentiel du deuxième pilier. Ce dernier couvrirait la recherche avec l’actuel programme Horizon Europe (175 milliards d’euros), le numérique, la santé, les connexions transfrontalières (transports, énergie…), la préparation aux crises, mais aussi la défense et l’espace (131 milliards d’euros). À ses côtés figureraient le programme de mobilité Erasmus+ ainsi qu’un nouveau programme « Agora » dédié à la société civile, à la liberté des médias, au secteur audiovisuel et à la défense des valeurs de l’UE.
Le troisième pilier serait doté de 200 milliards d’euros dédiés à la politique extérieure, regroupant l’aide au développement, l’aide humanitaire, le voisinage ou encore l’élargissement.
Au-delà de ces trois piliers, les dépenses de l’administration européenne, incluses dans une quatrième rubrique, représenteraient une part d’environ 120 milliards d’euros (6 % du budget à long terme).
Une enveloppe spécifique de 100 milliards d’euros, hors CFP, est également prévue pour soutenir l’Ukraine sur les sept prochaines années. Ces fonds transiteraient via la facilité européenne pour l’Ukraine, actuellement dotée de 50 milliards d’euros.
Des allocations par État
Pour débloquer les fonds du premier pilier, les gouvernements devront élaborer des plans nationaux et régionaux. Ce système, inspiré du mécanisme du plan de relance européen, conditionnerait le décaissement des fonds à la réalisation d’objectifs (des réformes et des investissements précis) fixés en accord avec la Commission. Seule une fraction de la politique agricole bénéficierait d’une ligne budgétaire fixe, dont le montant sera déterminé ultérieurement.
Pour les partisans de cette réforme, celle-ci facilitera l’accès aux fonds européens et encouragera les réformes nationales. Mais plusieurs acteurs, dont plusieurs États, craignent qu’elle ne renforce le pouvoir des gouvernements centraux au détriment des régions, compromettant ainsi l’objectif de réduction des inégalités territoriales dans l’UE.
Vers plus de flexibilité et de conditionnalité
La proposition intègre plusieurs outils pour rendre le budget plus agile face aux crises : une « facilité européenne » jouera le rôle de réserve pour financer rapidement des initiatives imprévues. Les États pourront également emprunter auprès d’un fonds de réserve de 395 milliards d’euros, afin de soutenir la mise en œuvre de leurs plans.
La Commission souhaite aussi renforcer la conditionnalité, particulièrement sur les critères démocratiques. Le respect de l’état de droit pourrait devenir une exigence plus stricte pour bénéficier des fonds européens, avec la possibilité de retenues financières ciblées pour les pays en infraction. Un projet qui pourrait néanmoins se heurter à l’opposition de certains États comme la Hongrie de Viktor Orbán, l’adoption du budget nécessitant l’unanimité des pays membres.
Cinq nouvelles ressources propres
Côté recettes, la Commission propose d’introduire cinq nouvelles taxes. Outre les ressources issues du marché du carbone et du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, déjà en place mais qui n’alimentent pas encore le budget européen, celles-ci cibleraient les déchets électroniques, les produits du tabac et les grandes entreprises européennes (avec un seuil de chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros). Des ressources propres complémentaires qui généreraient 58,5 milliards d’euros par an, afin de financer les nouveaux défis, rembourser le plan de relance européen et réduire la dépendance aux contributions nationales.
Aujourd’hui, le budget européen est principalement financé par les contributions des États membres, calculées en fonction de leur revenu national brut. Les autres ressources comprennent une part de la TVA collectée dans chaque pays, les droits de douane sur les importations, ou encore des recettes issues de pays tiers et des amendes aux entreprises.
Les propositions vont maintenant être étudiées durant l’été par les États membres. La présidence danoise du Conseil souhaite accélérer les négociations pour parvenir à un premier accord général d’ici la fin 2025. Les négociations devraient cependant se poursuivre jusqu’en 2027, où les dirigeants réunis en Conseil européen valideront définitivement le cadre financier, afin d’assurer sa mise en œuvre dès 2028. Le Parlement européen, qui dispose d’un droit de véto, aura également son mot à dire sur ce budget à long terme.
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