Un débat théorique et masculin pour débuter le combat des européennes

Un article publié par notre partenaire Euractiv


Pour la première fois, un débat télévisé a opposé une douzaine de candidats aux élections européennes. Mais avec 84 % d’hommes et des sujets loin des préoccupations des Français, l’effort du service public pour parler d’Europe est-il efficace ?


Le premier débat des élections européennes s’est tenu jeudi soir sur France 2 sur fond de tensions entre la chaîne, qui avait pourtant fait un gros effort pour organiser pour la première fois un débat en amont sur les élections européennes et les candidats.

Certains d’entre eux avaient en effet eu recours à la justice pour pouvoir participer : Benoit Hamon, François Asselineau, Ian Brossat et Jean-Philippe Lagarde n’avaient pas été invités au départ.

2 femmes et 10 hommes : une parité illusoire

La justice a, en appel, donné raison à la chaîne, qui a néanmoins invité les 12 candidats sur un plateau devenu complexe à gérer : chaque candidat s’est exprimé en moyenne 8 minutes, un laps de temps bien court pour exprimer un programme politique.

Il en est ressorti une certaine frustration. Pour les téléspectateurs surtout, qui ont assisté à un spectacle tournant souvent au pugilat, où les 10 hommes ont eu tendance à couvrir de leur voix celle des 2 femmes présentes, comme l’a fait remarquer Nathalie Loiseau, placée, par hasard puisque les places avaient été tirées au sort, à côté de Jordan Bardella du Rassemblement national.

La surreprésentation des hommes, qui représentaient 84 % des présents, a posé un vrai problème au débat : les temps de parole de chaque parti a été minutieusement minuté, mais les hommes ont de facto parlé en permanence en raison de leur surnombre.

La faute aux partis, qui se plient à la loi qui impose des listes paritaires homme/femme, mais ne mettent jamais les femmes en avant : seulement deux têtes de listes sont des femmes, et les partis rechignent à envoyer des femmes débattre.

Un débat très théorique

Les thèmes abordés, visiblement minutieusement travaillés, ont fait la part belle aux dadas des politiques plutôt que ceux des citoyens. Les candidats ont longuement répondu en début de débat à des questions sur l’immigration et le Brexit, alors que les questions environnementales et climatiques, qui préoccupent davantage les Français, n’ont pas démarré avant 23h, un créneau compliqué.

De même, la chaîne a fait voter les candidats sur des sujets complexes à comprendre, comme le siège de la France au Conseil de sécurité de l’ONU. Tous les candidats, à part Benoit Hamon, ont refusé qu’il soit partagé avec le reste de l’Europe. Or la question n’est pas d’actualité, et elle renvoie à des enjeux géopolitiques et historiques complexes à maitriser, alors que de nombreuses enquêtes montrent que les Français sont préoccupés d’enjeux comme le niveau de vie ou l’environnement avant tout.

Autre problème, les candidats ont peu parlé du fonctionnement concret du Parlement européen, qu’ils ne connaissent pas ou peu : à l’exception de Yannick Jadot, qui a cité plusieurs législations adoptées, aucun des candidats présents sur le plateau de France 2 n’était eurodéputé.

La tendance au « dégagisme » qui bouleverse les partis traditionnels un peu partout en Europe a poussé les partis à présenter des candidats nouveaux, alors que la complexité du Parlement européen suppose au contraire que les eurodéputés connaissent un minimum le fonctionnement de l’institution.

Un effort peu concluant ?

Le défilé des hommes en costume bleu n’a pas séduit les téléspectateurs : seulement deux millions d’entre eux l’ont regardé, et encore très momentanément – le débat a au final duré 3 heures.

Lors de la dernière campagne des élections européennes, la télévision publique française avait refusé de diffuser les débats entre les candidats aux élections européennes, ce qui lui avait été reproché.

Avec  l’arrivée d’Emmanuel Macron, les priorités du service public sur l’Europe ont visiblement changé, et c’est louable. En plus de ce débat, France info diffusera le 15 mai un débat entre les « Spitzenkandidaten ». Une étape encore plus compliquée selon les canons de l’audiovisuel puisque les candidats ne parleront pas tous français, et que des interprètes seront nécessaires, ce qui crée toujours une barrière pour les téléspectateurs.

Reste à savoir si ces efforts auront un impact sur la participation des électeurs, l’enjeu le plus crucial de ce scrutin souvent boudé par les électeurs, alors que seul 42 % des Français avaient voté en 2014. Le manque de participation favorise souvent les extrêmes, contrairement à une participation massive.

Contexte

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Vous ne savez pas vraiment pour qui et pourquoi vous devez voter le 26 mai prochain ? Pas d’inquiétudes…vous n’êtes pas le seul. Euractiv vous aide à y voir plus clair.