Roberta Metsola, maîtresse du compromis réélue à la présidence du Parlement européen

Le mardi 16 juillet, à 14h19  –  La Tribune

Roberta Metsola

Issue du PPE, la principale force politique du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola a été réélue le 16 juillet à la présidence de l’assemblée strasbourgeoise.(Crédits : Philippe Buissin, European Union 2024)

Par Olivier Mirguet

Malgré une candidature adverse de dernière minute présentée par la gauche radicale, l’assemblée strasbourgeoise a renouvelé le mandat de la présidente sortante du Parlement européen. Pour Roberta Metsola, le soutien à l’Ukraine reste le combat prioritaire.

Le premier mandat de Roberta Metsola s’était pourtant mal engagé. Dès son élection le 18 janvier 2022 à la présidence du Parlement européen, la Maltaise issue des rangs conservateurs du Parti populaire européen (PPE) a dû justifier les positions anti-avortement qu’elle avait jusqu’alors défendues dans son pays. Devant les médias pressants qui assistaient à sa première conférence de presse à Strasbourg, l’entrée en matière fut rude. Mais la promesse énoncée ce jour-là a été tenue.

« La position du Parlement est sans ambiguïté et sans équivoque, et c’est également ma position », a prévenu Roberta Metsola.

Cette passe d’armes du premier jour, confirmée depuis deux ans et demi par un habile sens du compromis, a donné le ton du premier mandat de Roberta Metsola. Ce style et cette méthode lui ont permis d’être réélue ce mardi, dès le premier tour, à la présidence du parlement européen à Strasbourg. Au-delà du PPE, principale force politique en présence (188 membres), la Maltaise a obtenu le soutien des socialistes et démocrates (136 membres), des libéraux de Renew (77 députés), des Verts et d’une partie de la droite radicale.

Roberta Metsola l’a emporté par 562 voix sur 623 suffrages exprimés. Face à elle, la candidature de dernière minute de l’ancienne ministre espagnole Irene Montero, soutenue par la gauche radicale, n’a recueilli que 61 voix.

Mardi matin à Strasbourg, la séance inaugurale est apparue chaotique. Conformément aux règles de leur assemblée, dans le brouhaha de la rentrée des nouveaux élus, les 720 députés ont eu recours à des bulletins en papier et à des urnes de vote placées au fond de l’hémicycle. Décontractée, Roberta Metsola plaisantait avec ses collègues. Elle a réalisé quelques selfies, avant de retrouver en fin de matinée son fauteuil de présidente.

« Il n’y a pas de meilleur endroit qu’ici, à Strasbourg, siège du Parlement européen et symbole de la réconciliation, pour se souvenir du passé et construire l’avenir », a-t-elle rappelé juste après son élection.

« N’ayons pas peur », a-t-elle poursuivi. La citation empruntée à Karol Wojtyla, le pape Jean-Paul II, vaudra sûrement quelques critiques à cette pratiquante assumée. « A l’opposé des autocrates, nous voulons lutter pour l’Etat de droit, plus que jamais », a prévenu Roberta Metsola. « J’ai grandi sur une île en Méditerranée. L’Europe était un combat qui devait être mené, un symbole d’opportunités, de normes et de réconciliation, une garantie d’égalité, de démocratie, de prospérité. L’Europe nous permet de rêver d’un avenir dans lequel notre potentiel est sans limites », avait-elle prévenu en début de matinée, juste avant sa réélection.

Pour un Parlement aux pouvoirs étendus

Roberta Metsola revendique davantage de pouvoir législatif pour son parlement, pris en étau entre le Conseil, co-législateur dans la majorité des domaines d’intervention de l’Union européenne et une Commission aux pouvoirs étendus. Le rapport de force, qui n’a cessé de prendre de l’ampleur, s’annonce toujours plus tendu.

« Nous devons maîtriser la pression, garantir un droit d’initiative qui nous permettra de faire face à ce déséquilibre institutionnel », a proposé Roberta Metsola.

La Maltaise n’est pas la première femme élue à la présidence du parlement européen. Avant elle, l’assemblée désignée au suffrage universel depuis 1979 avait porté à sa tête les françaises Simone Veil (1979-1982) et Nicole Fontaine (1999-2002). Mais la Maltaise a été la première à faire face à une telle succession de crises : guerre en Ukraine, crise énergétique, scandale du Qatargate au sein de son assemblée. 

« Personne ne peut prévoir ce à quoi on va être confronté dans un poste avec des responsabilités telles que la gestion d’un Parlement de 704 membres », confiait-elle dès janvier 2023 aux journalistes de l’agence de presse espagnole EFE. « Personne n’aurait pu nous préparer à une guerre, aux paquets de sanctions, à l’Ukraine et à la Moldavie en tant que pays candidats, à la crise énergétique et à un scandale impliquant le Parlement avec des allégations de corruption. Ce sont des défis auxquels nous sommes confrontés tous les jours et je suis heureuse d’avoir le soutien de mes collègues », a-t-elle reconnu.

Le « coup » du voyage en Ukraine

La guerre en Ukraine, qui a éclaté six semaines après sa première élection, s’est dressée en début de mandat comme un défi inattendu. En se rendant à Kiev le 1er avril 2022, à l’invitation du président de la Rada Ruslan Stefanchuk, la présidente du Parlement européen a été la première dirigeante étrangère à effectuer une visite dans ce pays en guerre. Elle s’en est retournée émue, et elle ne s’en est pas cachée.

« Quand le train a franchi la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, vers cinq heures du matin, je suis descendue pour saluer les garde-frontière. Leurs yeux exprimaient le mélange d’une grande tristesse et d’un incroyable espoir », confiait-elle à quelques députés à son retour à Strasbourg.

Après le « coup » politique du voyage à Kiev, Roberta Metsola a instauré un soutien constant à l’Ukraine. Dès le 7 avril 2022, l’assemblée a voté son premier ensemble de mesures d’aides directes (3,4 milliards d’euros) pour aider les réfugiés. C’est aussi sous la présidence de Roberta Metsola que les élus européens ont lancé leur appel à la création d’un tribunal spécial de l’ONU sur les crimes de guerre en Ukraine, et demandé de renforcer la livraison d’armes contre la Russie. Roberta Metsola se montre depuis lors favorable à un processus d’accession de l’Ukraine à l’Union européenne.

Le souvenir du Qatargate

Huit mois après le début de son premier mandat, c’est une affaire de corruption qui a mis Roberta Metsola à l’épreuve. Le 9 décembre 2022, la députée Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen, a été interpellée par la justice belge dans une perquisition de grande ampleur. En réalité, l’élue socialiste grecque n’était qu’un élément d’un réseau de députés et d’anciens députés, suspectés d’avoir mis en place un réseau d’influence du Qatar et du Maroc au sein de l’institution.

« En tant que présidente, Roberta Metsola se devait de réagir très fermement. Elle a instauré davantage de transparence dans l’activité des députés. Le travail avec les lobbyistes est beaucoup plus contrôlé. Les députés eux-mêmes ne peuvent plus devenir lobbyistes dès la fin de leur mandat », résume la députée française Anne Sander, questeur du Parlement européen entre 2019 et 2024.

« So, we get to work » (« On se met au travail »), a proposé Roberta Metsola mardi matin. Des éléments égrenés au fil de son discours définissent le programme politique et législatif à venir du Parlement : créer un cadre de sécurité et de défense européenne, améliorer la compétitivité des entreprises et le marché unique, agir pour la recherche, l’éducation, la jeunesse, lutter contre la bureaucratie « qui fait fuir les emplois et les entreprises ».

Jeudi, le Parlement européen devra approuver la reconduction d’Ursula von der Leyen, soutenue elle aussi par le PPE, à la présidence de la Commission européenne.

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