Nous sommes EUROPEENS!!!

Interview d’Edouard GAUDOT

Réalisé pour l’Institut Géopolitique et Business ESSEC par Thomas Friang, son directeur executif, à l’approche de la conférence « Bienvenue dans la Post-Mondialisation : l’Europe et l’Afrique peuvent-elles inventer une troisième voie entre Washington et Pékin ? » (11 septembre 2025).

Edouard est expert en questions européennes, consultant, européen engagé (ce qui nous rapproche évidemment), en charge d’un des 2 cours obligatoires de la filière affaires européennes avec Elise Bernard  : « La présidence de l’UE », expert au CEDE . J’ai eu à cœur puisque ce blog Europe est principalement en français par contrat avec la chaire Jean Monnet qui lui permet d’exister de tenter une traduction avec l’aide de chatGPT 🙂 revérifiée .

Car chaque ligne d’Edouard est une phrase que j’aurai pu prononcer tant nous portons une vision commune , vision que sans ambiguité je partage sur ce blog et qu’Elise et lui expriment chaqu semaine dans leur newsletter EUROPE HEBDO INFO

  • 1. Dans cette ère post-mondialisation, marquée par les sanctions, les guerres commerciales et les rivalités géopolitiques, comment comprendre la capacité de l’UE à définir son propre modèle économique et politique distinct de Washington et Pékin ?

    EG – La pression qui pèse sur l’Europe aujourd’hui est immense. Alliances, multilatéralisme, interdépendances, libéralisme : toutes les certitudes sur lesquelles l’UE et ses gouvernements ont construit leur vision du monde ont disparu ou sont existentielles­ment remises en cause, les obligeant à rompre d’urgence avec la complaisance. Notre modèle néo-mercantiliste, enraciné dans les industries du XXe siècle, est dépassé ; notre système bancaire fragmenté est devenu obsolète ; notre recherche et nos choix de ressources ont été étouffés par des décennies de conservatisme et de politiques d’austérité absurdes. La capacité de l’Europe à redéfinir un modèle viable dépendra avant tout du leadership politique — et du réveil d’un véritable sens de communauté. Nous ne sommes pas « l’Occident » ; nous sommes Européens

    • 2. Votre intervention évoque la possibilité d’une “troisième voie” entre l’Europe et l’Afrique. Du point de vue européen, quels choix politiques et économiques l’UE doit-elle faire pour ne plus être une simple scène de confrontation entre Washington et Pékin ?

    E.G. – La coopération stratégique en matière de commerce, de migration, de sécurité et de climat fait de la relation UE–Afrique une relation ancienne et dense. Pourtant, elle reste marquée par des partenariats inégaux, la compétition pour les ressources, les préoccupations liées à la dette, des alignements géopolitiques divergents et l’anxiété suscitée par la poussée démographique africaine. Le brutal rééquilibrage géopolitique en cours impose de repenser complètement notre approche de l’Afrique. Nous devons montrer un intérêt sincère pour son développement, pas seulement pour ses ressources. L’Europe peut offrir bien plus que ses rivaux géopolitiques — à condition d’éviter de se comporter en prédateur et d’apprendre à dialoguer avec la société civile africaine, pleine de vitalité. Un continent africain prospère profitera à la stabilité mondiale

    • 3. La politique étrangère de la Chine s’est affirmée et durcie, notamment à travers sa politique commerciale envers l’Europe. Comment l’UE doit-elle interpréter l’approche de Pékin et de quels outils dispose-t-elle pour défendre sa souveraineté économique ?

    E.G. – Pendant trop longtemps nous avons été naïfs : nous pensions que le commerce, le développement et l’émergence d’une classe moyenne transformeraient la Chine en une nouvelle Corée du Sud. Mais le Parti communiste chinois avait d’autres ambitions. Nous avons négligé les signaux d’alerte et compris trop tard que Pékin ne respectait que la puissance brute. Aujourd’hui nous voilà coincés entre deux superpuissances antagonistes. Bien sûr, il faut protéger nos économies des abus chinois. Mais face au comportement impérial de Trump, nous pourrions aussi — sur le climat, la sécurité et la finance mondiale — chercher un terrain d’entente avec la Chine, qui est en réalité plus transactionnelle qu’idéologique.

    • 4. De l’autre côté de l’Atlantique, l’Europe subit une pression croissante de Washington, illustrée récemment par l’Accord de Turnberry. Comment évaluez-vous la capacité de l’Europe à maintenir un partenariat d’égal à égal avec les États-Unis dans cette nouvelle phase des relations transatlantiques ?

    E.G. – Turnberry n’était pas un accord : au mieux une capitulation, au pire une reddition. Les Européens doivent admettre que les États-Unis n’ont jamais été un ami, et ne sont plus un allié. Honnêtement, il ne peut pas y avoir de partenariat égalitaire dans une telle dépendance à la sécurité américaine. Ce que Trump a fait, c’est crever notre confortable bulle de déni et révéler les faiblesses structurelles de l’Europe. C’est un impérialiste arrogant et narcissique — mais il a raison : nous avons accepté des dépendances paralysantes en matière de sécurité comme de commerce. L’Europe doit désormais choisir : rester une simple composante de l’empire américain, ou s’affirmer comme une puissance autonome, avec un rôle distinct dans le monde.

    • 5. Le retour de la guerre sur le sol européen et la persistance de la menace russe soulignent l’inséparabilité de la sécurité et de l’économie. Comment cet environnement post-mondialisation transforme-t-il la manière dont l’Europe conçoit sa politique économique ?

    E.G. – Le récit de la « paix partagée » était si fort que nous avons oublié que la guerre n’avait jamais réellement quitté notre continent. La violence en Irlande du Nord, l’occupation de Chypre ou le bain de sang yougoslave n’ont jamais égalé la menace existentielle que représente aujourd’hui la Russie de Poutine. La paix et la sécurité ne peuvent plus être recherchées par le commerce, les interdépendances et le désarmement unilatéral. Notre modèle économique doit évoluer pour dépasser nos vulnérabilités : une base industrielle verte, une énergie décarbonée, une industrie de défense commune, des marchés de capitaux intégrés, des programmes de recherche ambitieux — et surtout, une véritable coopération entre États membres. C’est seulement à cette condition que nous atteindrons l’autonomie stratégique

    • 6. Beaucoup avancent que la post-mondialisation implique une fragmentation en blocs concurrents. L’UE est-elle, selon vous, capable d’agir comme un bloc cohérent, ou ses divisions internes minent-elles sa capacité à agir stratégiquement ?

    E.G. – Non. L’incapacité de l’UE à saisir la réalité d’un États-Unis hostile et d’une Chine puissante expose sa faiblesse. Nos élites politiques, économiques et culturelles doivent opérer une véritable révolution mentale à tous les niveaux institutionnels. Agir stratégiquement, c’est anticiper — pas seulement réagir.

    • 7. Alors que l’ONU célèbre son 80e anniversaire, la notion d’un “Sud global” opposé à l’“Occident collectif” est avancée par la Chine et la Russie, et amplifiée par l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud dans le G20 et les BRICS. Dans ce contexte, quelle place l’UE peut-elle réellement revendiquer au sein du système onusien ?

    E.G. – Ce récit est dangereux. D’abord, il n’existe pas de “Sud global” unifié, et la Russie n’en fait certainement pas partie. Les BRICS+ doivent être pris au sérieux dans leur volonté de dé-dollarisation et leur défi lancé à la domination américaine — mais ils ne représentent pas une alternative cohérente. De la même manière, l’“Occident” est une étiquette obsolète de la Guerre froide qui réduit l’Europe au rang de subordonné d’une Amérique impériale. Nous devrions la rejeter. L’ONU, elle, est irrémédiablement dysfonctionnelle

    Adresse finale :

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