L’UE va renforcer les sanctions commerciales alors que la paralysie de l’OMC s’installe – EURACTIV.fr

L’Europe se prépare à renforcer l’arsenal de sanctions contre les pays qui adoptent des mesures commerciales illégales.

Alors que le système de règlement des différends commerciaux devrait être paralysé à partir du 10 décembre, l’Europe proposera dans les prochains jours des moyens de renforcer son arsenal de sanctions contre les pays qui adoptent des mesures commerciales illégales.

La proposition de la Commission européenne survient alors que l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) cessera de fonctionner ce mardi 10 décembre, en raison de l’impossibilité de nommer de nouveaux membres.

Depuis 2017, les États-Unis bloquent le remplacement de chacun des sept membres de l’organe d’appel et ont rejeté de nombreuses propositions visant à lancer le processus de sélection pour pourvoir les postes vacants.

Les mandats de deux des trois membres restants expirent ce mardi 10 décembre. Dès lors, l’organe ne pourra plus prendre en charge de nouveaux appels, car il faut au minimum trois membres pour engager la procédure.

L’OMC a notamment joué un rôle essentiel dans les cas emblématiques d’Airbus et Boeing. Dans ces deux affaires, il a été démontré que l’UE comme les États-Unis avaient versé des subventions illégales à leurs fabricants aéronautiques. En conséquence, des pénalités compensatoires ont été approuvées pour chacune des parties.

Cependant, Washington tergiverse en accusant l’organe d’appel d’aller trop loin dans ses décisions.

Étant donné que le processus de règlement des différends sera sérieusement compromis, l’UE craint que les pays ne fassent délibérément appel des décisions de l’organe, afin que les recours restent en suspens.

Pour éviter cette situation, la Commission proposera dans les prochains jours une modification du règlement d’application de l’UE.

Cette mise à jour permettra à l’UE de sanctionner les pays qui violent les règles de l’OMC et qui bloquent le renouvellement de l’organe d’appel.

Cette proposition figurait déjà dans la lettre de mission envoyée au commissaire au commerce, Phil Hogan.

« Je veillerai à ce que nous renforcions la capacité de l’Europe à se protéger contre les pratiques commerciales déloyales et à ce que l’UE dispose des bons outils pour défendre ses droits avec détermination », avait affirmé Phil Hogan dans ses réponses écrites au Parlement européen avant de prendre ses fonctions.

Au cours des dernières semaines, les fonctionnaires de Bruxelles ont insisté sur le fait que les nouvelles règles ne représentaient pas une attaque contre un pays, en particulier les États-Unis, mais constituaient un mécanisme destiné à protéger les intérêts de l’Europe dans un contexte plus incertain.

Dans une résolution adoptée le 28 novembre, le Parlement européen enjoint la Commission à collaborer avec les membres de l’OMC — y compris les États-Unis — afin de débloquer les nominations au sein de l’organe d’appel « à titre prioritaire », et ce, même après le 10 décembre.

Solution ad hoc

Outre l’adoption de nouveaux instruments, la Commission a également proposé un mécanisme ad hoc de règlement des différends qui restera en fonction tant que l’organe d’appel sera bloqué.

L’impact sera toutefois très limité, car pour l’heure, seuls le Canada et la Norvège, deux pays n’ayant que de rares contentieux avec l’UE, ont déclaré qu’ils y adhéreraient.

La réforme de l’OMC constitue un pan important des efforts déployés par l’UE pour maintenir l’ordre multilatéral, sous pression depuis que Donald Trump a remporté les élections américaines en 2016.

« Nous devons réformer d’urgence l’OMC pour la rendre à nouveau pertinente et opérationnelle », a plaidé Phil Hogan lors d’un discours prononcé à Dublin le 6 décembre.

La réforme inclurait des modifications du processus de règlement des différends, du rôle prépondérant joué par l’organisation dans la décision des règles commerciales, ainsi que de sa fonction de « shérif » des politiques et des pratiques commerciales de ses membres.

« Pour consolider ce système fondé sur des règles, nous avons besoin d’un arbitre mondial qui permette aux membres de négocier de nouvelles règles entre eux, et qui assure un nouvel et meilleur équilibre des droits et des obligations entre les pays, en tenant compte de l’émergence économique de nombreux pays en développement », a ajouté Phil Hogan.

L’Europe travaille avec des pays partageant les mêmes idées pour actualiser les règles de l’OMC afin de mieux déjouer les pratiques déloyales dans le cadre de l’économie numérique et de mieux lutter contre les subventions industrielles et le transfert forcé de technologies.

La Chine, considérée comme un pays en développement par l’OMC, a maintes fois fait l’objet de critiques de la part de l’UE et des États-Unis pour ses pratiques économiques et commerciales déloyales.

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