Un plan de 300 milliards d’euros pour abandonner les énergies fossiles russes et accélérer la transition écologique

La Commission européenne a présenté mercredi (18 mai) un plan de 300 milliards d’euros visant à éliminer les importations d’énergie russe d’ici 2027, tout en admettant que cela nécessiterait des investissements à court terme dans de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles pour remplacer les importations de pétrole et de gaz russes.

Conjugué à la législation verte déjà sur la table, le nouveau plan, baptisé REPowerEU, aidera l’Europe à économiser 100 milliards d’euros chaque année sur les importations de gaz, de pétrole et de charbon, a déclaré l’exécutif européen.

« La guerre de M. Poutine perturbe fortement, comme nous le constatons tous, le marché mondial de l’énergie », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ajoutant qu’elle a montré la dépendance de l’Europe vis-à-vis des importations de combustibles fossiles et la vulnérabilité qui en découle.

« Nous devons maintenant réduire au plus vite notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes. Je suis profondément convaincue que nous pouvons le faire », a-t-elle poursuivi.

Le plan comporte trois grands volets : les économies d’énergie, la promotion des énergies renouvelables et la diversification des approvisionnements européens en pétrole et en gaz.

Il comprend de nouvelles propositions visant à porter l’objectif de l’UE en matière d’énergies renouvelables à 45 % d’ici à 2030, au lieu des 40 % proposés l’an dernier, et à faire passer l’objectif en matière d’efficacité énergétique de 9 %, proposé en juillet 2021, à 13 %.

Le plan propose également de rendre les panneaux solaires obligatoires pour les bâtiments publics et les nouveaux bâtiments résidentiels d’ici 2025 et 2029, respectivement.

« Il est plus urgent que jamais que l’Europe devienne maîtresse de son destin, qu’elle accroisse sa résilience et sa souveraineté et qu’elle continue à montrer la voie au monde pour faire face à la crise climatique », a déclaré Frans Timmermans, commissaire européen chargé du Climat.

Dans le cadre de ce plan, l’utilisation du gaz russe sera réduite de deux tiers d’ici à la fin de 2022. Cette réduction sera suivie d’une diminution plus progressive et linéaire de la dépendance en raison du temps nécessaire à la mise en place de structures pour les énergies renouvelables, a déclaré un haut responsable de la Commission européenne.

« Si vous suivez cette voie, à titre purement indicatif, vous atteindrez l’indépendance, [en] 2026 ou 2027 environ », a ajouté le responsable de la Commission.

Les énergies renouvelables au cœur de REPowerEU

Le développement rapide et massif des énergies renouvelables, en particulier l’énergie solaire, est au cœur du plan REPowerEU, selon la proposition de la Commission européenne.

Pour accélérer leur déploiement, l’exécutif européen veut simplifier les procédures d’autorisation, en déclarant que les nouveaux projets éoliens et solaires relèvent d’un « intérêt public supérieur » et en introduisant des zones « favorables aux renouvelables » au niveau national dans les lieux à faible risque environnemental.

Le plan REPowerEU entraînerait un investissement supplémentaire de 210 milliards d’euros provenant du budget de l’UE et des recettes du marché du carbone d’ici à 2027. La facture devrait s’élever à 300 milliards d’euros au total d’ici la fin de la décennie.

En outre, le découplage rapide avec l’énergie russe pourrait « entraîner une période de hausse et de volatilité des prix de l’énergie, en raison de l’augmentation du coût des combustibles fossiles », alerte la Commission européenne.

Pour y faire face, elle insiste sur des mesures qui protégeraient les ménages les plus vulnérables, notamment la possibilité pour les pays de l’UE de plafonner les prix du gaz pour les consommateurs, « y compris les ménages et les industries », et de taxer les bénéfices exceptionnels réalisés par les compagnies d’électricité en raison des prix du gaz actuellement élevés.

Les combustibles fossiles auront leur importance

L’UE devra également diversifier ses approvisionnements en pétrole et en gaz en s’éloignant des sources russes, en concluant de nouveaux accords à court terme. Cela inclut des accords sur le GNL avec les États-Unis, le Canada et d’autres pays, ainsi que la création d’une plateforme d’achat commune pour les pays qui souhaitent y participer.

« Nous devons être transparents, nous devons être honnêtes : nous avons un sérieux problème à court terme à cause de l’énergie russe qui ne peut pas être remplacée immédiatement par les énergies renouvelables. Nous devrons donc chercher dans le monde entier des alternatives au gaz russe », a déclaré M. Timmermans, indiquant que des contacts ont été établis avec des pays comme l’Égypte, Israël, l’Algérie et le Qatar.

Un aspect essentiel de ces négociations consistera à offrir une certaine sécurité à long terme aux nouveaux fournisseurs potentiels. « Ils savent que nous sommes en train de renoncer aux combustibles fossiles. Alors bien sûr, ils font un calcul » et se demandent quand l’Europe cessera d’être cliente, a déclaré M. Timmermans.

« Ce que nous leur proposons est donc ce que j’appellerais un double accord : d’abord un accord à court terme pour nous fournir le combustible fossile dont nous avons besoin, puis un accord à long terme pour les inclure dans un système mondial de production et d’utilisation d’hydrogène vert », a-t-il déclaré.

Le plan comprend également « un financement d’environ 10 milliards d’euros pour les chaînons manquants du gaz et du GNL, afin qu’aucun État membre ne soit laissé pour compte, et jusqu’à 2 milliards d’euros pour les infrastructures pétrolières en vue de mettre fin aux livraisons de pétrole russe », a déclaré Mme von der Leyen.

Ces investissements s’ajoutent aux infrastructures gazières existantes figurant sur la liste des projets prioritaires de l’UE, notamment l’interconnexion gazière entre la Pologne et la Lituanie, l’interconnexion Pologne-Slovaquie, le gazoduc Baltic Pipe entre la Pologne et le Danemark et le gazoduc entre la Grèce et la Bulgarie (IGB).

De nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) doivent également être achevés à Chypre et en Grèce en 2023, ainsi qu’à Gdansk, en Pologne. Plusieurs projets pour le stockage du gaz sont également en cours en Grèce, en Roumanie et en Bulgarie.

Certains législateurs du Parlement européen ont déclaré que l’accent mis à court terme sur la recherche de nouveaux fournisseurs de combustibles fossiles est susceptible de provoquer une augmentation temporaire des émissions, ce qui devrait être pris en compte lors de la mise en œuvre de la législation verte.

« En temps de crise, alors que nous devons remplacer le gaz russe, également en partie par du charbon, nous devrions être prudents et tout faire pour augmenter la part des énergies renouvelables, mais cela prend du temps », a déclaré Peter Liese, un eurodéputé allemand qui dirige la position du Parlement européen sur la réforme du marché européen du carbone.

« Une plus grande ambition devrait donc plutôt se concentrer sur la période entre 2027 et 2030 », a-t-il ajouté.

Parallèlement, la place prépondérante accordée aux combustibles fossiles dans le plan a été critiquée par les ONG environnementales. « Ces plans ne feront que remplir les poches des géants de l’énergie tels que Saudi Aramco et Shell, qui réalisent des profits records sur le dos de la guerre, alors que les gens en Europe peinent à payer leurs factures », a déclaré Silvia Pastorelli, responsable de la campagne européenne de Greenpeace sur le climat et l’énergie.

« L’accent mis par la Commission sur l’échange d’une source de combustible polluant contre une autre ne fait que financer la destruction de l’environnement et les violations des droits de l’homme et entraînera le maintien du gaz fossile pour les décennies à venir », a-t-elle poursuivi.

Cependant, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables a applaudi le plan, son directeur général Francesco La Camera le qualifiant de « mesure audacieuse pour stimuler la transition énergétique et attirer les investissements pour un virage écologique plus rapide ».

M. Timmermans a reconnu que les émissions de carbone en Europe pourraient augmenter à court terme en raison de l’effort de l’Europe pour se détacher de l’énergie russe.

« Nous pourrions utiliser le charbon un peu plus longtemps, ce qui a un impact négatif sur vos émissions », a-t-il admis. Toutefois, il a déclaré que cela serait compensé par la progression simultanée des énergies renouvelables. « Donc dans l’ensemble, j’espère que nous aurons même une augmentation en termes de réduction de nos émissions », a-t-il déclaré en réponse à une question d’EURACTIV.

Le paquet se compose des éléments suivants :

https://www.euractiv.fr/section/energie/news/lue-presente-un-plan-de-300-milliards-deuros-pour-abandonner-les-energies-fossiles-russes-et-accelerer-la-transition-ecologique/