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Les européennes sont un défi majeur pour les journalistes qui traquent les infox, poussant des médias à unir leurs forces pour mener ce combat dont l’efficacité continue à faire débat. Un article de notre partenaire, Ouest-France.
Les « fake news » vont-elles troubler la campagne des élections européennes comme elles l’ont fait avec celle du référendum du Brexit ou de l’élection de Donald Trump ? C’est la grande angoisse des autorités européennes, convaincues que Moscou se cache derrière ce « fléau ».
À quelques semaines du scrutin, l’UE cherche la parade en coordonnant les initiatives de ses États membres, tout en accentuant la pression sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, devenus les vecteurs privilégiés de la désinformation.
« Des forces extérieures anti-européennes »
« Il y a des forces extérieures anti-européennes, qui cherchent à influencer les choix démocratiques des Européens », a mis en garde récemment le président du Conseil européen Donald Tusk, inquiet de possibles « ingérences » lors des élections des eurodéputés du 23 au 26 mai.
Certains responsables identifient sans détour Moscou comme le chef d’orchestre de tentatives de manipulation de l’opinion à coups d’infox : « Il y a des preuves désignant la Russie comme la source principale de ces campagnes », a affirmé l’un des vice-présidents de la Commission, Andrus Ansip.
De l’immigration à la corruption des élites, en passant par des complots de toutes sortes, les infox ont des thèmes de prédilection souvent en phase avec ceux des mouvements dits populistes ou d’extrême droite. Elles surfent sur la viralité sur internet des contenus à sensation comme sur la défiance ambiante à l’égard des institutions et des médias.
C’est un « fléau invisible » qui « s’immisce dans la vie de nos citoyens et influence nos opinions et nos prises de décision », écrit la commissaire Mariya Gabriel, chargée de l’économie numérique, dans un rapport publié fin mars par la Fondation Robert Schuman.
« Censure »
Pour que les pays de l’UE fassent bloc, la Commission a tracé des lignes directrices, les appelant notamment à soutenir le journalisme de qualité ou encore à collaborer avec des « fact-checkers » (vérificateurs de faits) indépendants.
Elle a aussi mis sur pied en mars un « système d’alerte rapide », pour qu’ils partagent « en temps réel » leurs informations sur des « tentatives coordonnées d’acteurs étrangers pour manipuler » le débat démocratique.
À Bruxelles, une institution liée à la Commission, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), s’est lancée elle-même dans la bataille avec une équipe d’une quinzaine de personnes, chargées de détecter et d’analyser des campagnes de désinformation visant l’UE.
Leur site EU vs desinformation affirme avoir déjà démonté plus de 5 000 fausses informations, principalement liées à la Russie. Mais les moyens de cette cellule restent modestes, et sa démarche suscite des doutes.
Donner « un rôle prééminent au SEAE ou des services de sécurité étatiques peut être contre-productif », observe Paul Butcher, du think tank European Policy Center.
À ses yeux, cela alimente l’idée « d’une censure et d’une guerre culturelle entre l’establishment et le peuple », un des moteurs justement des « fake news ».
En revanche, « la résistance structurelle à la désinformation peut être renforcée par les efforts de la société civile, des ONG et du secteur privé », estime cet analyste dans une étude récente sur « la guerre de l’information ».
« Première mondiale »
Ces derniers mois, les autorités ont surtout multiplié les appels à une plus grande responsabilisation des plateformes en ligne.
Tandis que certains pays, comme la France, ont décidé de légiférer, la Commission privilégie pour l’heure le dialogue avec les géants d’internet. Avec notamment son « Code de bonnes pratiques » signé à l’automne 2018 par Facebook, Google et Twitter.
C’est « une première mondiale », s’est félicitée la commissaire Mariya Gabriel, « sur une base volontaire, l’industrie s’engage à appliquer un large éventail de mesures allant de la transparence de la publicité politique à la fermeture de faux comptes et à la démonétisation des fournisseurs de désinformations ».
L’initiative a produit des résultats, mais le compte n’y est pas encore selon le dernier rapport publié fin mars par l’exécutif européen.
« L’Europe est en feu, et les plateformes de médias sociaux apportent des pistolets à eau pour combattre les flammes », accuse l’ONG Avaaz, qui appelle Bruxelles à des mesures contraignantes.
Facebook, ébranlé par l’affaire Cambridge Analytica et critiqué pour son rôle dans la propagation des infox, y semble disposé. « Je suis convaincu que les gouvernements et les régulateurs doivent jouer un rôle plus actif », a écrit son patron Mark Zuckerberg dans une tribune publiée fin mars dans des journaux du monde entier.
Mais Facebook « a perdu en crédibilité en raison de son comportement », a répliqué la ministre allemande de la Justice, Katarina Barley après une rencontre début avril avec le milliardaire, illustrant le scepticisme qui prévaut sur la bonne foi du géant américain.