[ad_1]
Il aura fallu l’un des plus longs sommets de l’histoire du Conseil européen pour que les 27 pays de l’UE trouvent finalement un compromis sur un fonds de relance de 750 milliards d’euros et un budget à long terme. L’accord final, conclu le 21 juillet, réduit le financement de certains chantiers prioritaires de l’Union.
Formulée par Charles Michel, le président du Conseil, la proposition qui a finalement été couronnée de succès a pris forme à l’issue de discussions marathon. Elle reflète, dans une certaine mesure, une grande partie des demandes formulées par les pays frugaux – l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède, ainsi que la Finlande.
Si la taille du fonds de relance a été maintenue à 750 milliards d’euros, le rapport entre les subventions et les prêts a fait l’objet d’un rééquilibrage. Avec, à la clé, des conséquences majeures sur des programmes primordiaux de l’UE, dont certains constituent le fondement des priorités actuelles de la Commission européenne.
Cela dit, étant donné que les pays frugaux s’étaient catégoriquement opposés à la création du fonds et, en particulier, à l’inclusion de transferts d’argent directs, une proposition finale de 360 milliards d’euros de prêts et de 390 milliards d’euros de subventions peut néanmoins être saluée comme un résultat décent.
Lors d’une conférence de presse qui a eu lieu à l’aube du 21 juillet, Charles Michel a souligné que « ce [furent] des négociations difficiles, en des temps difficiles pour tous les Européens. C’est un bon accord, un accord solide, l’accord qu’il fallait aux Européens maintenant. Je crois qu’il sera considéré comme un moment charnière dans le parcours de l’Europe ».
La chancelière allemande Angela Merkel – dont le pays assure la présidence tournante de l’UE – a souligné que « l’Europe [avait] montré sa capacité à faire œuvre pionnière dans une situation très particulière. Nous avons jeté les bases financières de l’UE pour les sept prochaines années ».
Le président français Emmanuel Macron a déclaré lors de la même conférence de presse qu’il s’agissait d’« une réunion au sommet dont je suis certain que les conséquences seront historiques ». Il a ajouté que la coopération franco-allemande avait été cruciale pour sceller l’accord.
Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a affirmé pour sa part que « l’une des pages les plus brillantes de l’histoire européenne a[vait] été écrite » et a salué l’accord comme « un authentique plan Marshall ». Mais son homologue néerlandais, Mark Rutte, a refusé d’admettre qu’il s’agissait d’un accord historique.
Le diable est dans les détails
L’Italie – le pays le plus durement frappé par l’épidémie de coronavirus – apparaît comme le plus grand bénéficiaire du pacte. Elle devrait se voir octroyer 127 milliards d’euros de prêts et plus de 82 milliards d’euros de subventions.
Les quatre pays frugaux ont pour leur part bénéficié de rabais plus importants dans le cadre de leur contribution au budget européen.
Les 500 milliards d’euros que la Commission – restée relativement passive durant le sommet – destinait initialement aux subventions ont été ramenés à 250 milliards. Mais comme ces subventions étaient liées à des programmes clés financés par le budget de l’UE, les coupes ultérieures vont aussi avoir un impact sur leur volume.
En insistant pour réduire la part des subventions, les pays frugaux ont eux-mêmes porté atteinte à leur objectif de moderniser le budget dans son ensemble.
Le Fonds de transition juste apparaît comme l’un des grands perdants de la tractation. Ce trésor de guerre de la Commission destiné à la lutte contre le changement climatique a été ramené de 40 milliards d’euros à seulement 10 milliards d’euros. Preuve que les politiques environnementales sont tombées bien bas dans l’échelle des priorités au cours des négociations.
L’accord final a maintenu la disposition selon laquelle seuls les pays qui ont souscrit à l’objectif européen de neutralité climatique d’ici à 2050 pourront prétendre à un financement complet.
Le fonds de relance est destiné à faire face aux répercussions d’une pandémie sans précédent, mais le seul instrument destiné à soutenir le secteur de la santé a été totalement abandonné. Quant au programme « Horizon Europe », conçu pour favoriser l’innovation, il a également subi de sévères coupes.
Le financement de la politique de voisinage et le dispositif de soutien à la solvabilité – un fonds de 26 milliards d’euros destiné à soutenir les entreprises privées économiquement viables – ont tous deux été abandonnés.
Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a jugé « regrettable » la suppression de l’instrument de solvabilité, mais elle a néanmoins salué l’ensemble de l’accord comme étant « un grand pas vers la reprise ».
Une grande partie des bisbilles diplomatiques portait sur la façon dont le fonds devrait être administré. Des désaccords sont survenus au cours du weekend sur la manière la plus appropriée de résoudre d’éventuels problèmes une fois que l’argent aurait commencé à circuler.
Afin de bénéficier du fonds, les pays devront présenter un plan national de réformes fondé sur les recommandations du Semestre européen qui devront être évaluées par la Commission européenne et approuvées par le Conseil de l’UE à la majorité qualifiée.
Néanmoins, pour répondre à la demande néerlandaise d’instaurer un contrôle plus strict, Charles Michel a mis en place un « frein de secours ».
Grâce à ce dispositif, tout pays pourra saisir le Conseil s’il estime un autre pays coupable d’« écart grave ». Les versements seraient alors gelés jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise.
L’État de droit au second plan
L’idée de lier le respect de l’État de droit aux paiements a été considérablement édulcorée dans l’accord final, et ce, après plusieurs tours de négociations.
D’après certaines sources diplomatiques, l’Allemagne, la France, le groupe de Visegrad (la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie), la Lettonie et les « frugaux » ont planché sur une proposition rédigée par le Premier ministre letton Arturs Krisjanis Karins. Le texte a été adopté par acclamation.
Même si le texte comprend une référence à l’article deux des Traités (TUE et TFUE), qui intègre les principes de l’UE, celle-ci vise à assurer « la protection des intérêts financiers de l’UE ». La formulation est également plus vague que la version déjà diluée de Charles Michel.
Le texte original faisait référence à un système « visant à remédier aux insuffisances manifestes et généralisées en matière de bonne gouvernance des États membres concernant le respect de l’État de droit lorsque cela est nécessaire pour protéger la mise en oeuvre [des dispositions] du budget de l’UE, y compris le [fonds de relance] « NextGenerationEU » et les intérêts financiers de l’Union ».
Le compromis final souligne « l’importance de la protection des intérêts financiers de l’UE » et de l’État de droit. Il propose aussi l’introduction d’un régime de conditionnalité « afin de protéger le budget » et « NextGenerationEU », l’instrument de relance de la Commission européenne.
Toutefois, Ursula von der Leyen est restée catégorique sur le fait que la base de l’accord était saine. « Le document est très clair à ce sujet, l’engagement en faveur de l’État de droit et de la protection des intérêts financiers de l’UE l’est également. »
Les médias pro-gouvernementaux en Hongrie ont rapidement salué ce qu’ils perçoivent comme une victoire du Premier ministre Viktor Orban lors du sommet. Celui-ci a refusé que la conditionnalité de l’État de droit n’apparaisse de façon plus marquée dans l’accord final.
Assumer les responsabilités
Selon la proposition initiale de la Commission européenne, les remboursements de la dette devaient pouvoir être totalement couverts par un ensemble de nouvelles « ressources propres », notamment une taxe numérique, une taxe sur les déchets non recyclés et une taxe sur les transactions financières (FTT).
L’accord du Conseil évoque la plupart des suggestions faites par l’exécutif européen et il confirme le fait que la Commission devra en préciser les contours au cours des trois prochaines années.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué cet aspect particulier de l’accord et le fait que la question des remboursements soit désormais « étroitement » liée aux ressources propres.
« Concernant de nouvelles ressources propres, la Commission européenne fera des propositions lors du premier semestre 2021. Notamment sur un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et sur une taxe numérique qui devraient être instaurés au plus tard le 1er janvier 2023 », stipule le texte.
En revanche, il est peu probable que ces propositions obtiennent l’unanimité. D’autres solutions devront alors être envisagées si le sérail politique souhaite exempter les prochains budgets à long terme des obligations liées au remboursement de la dette.
Selon un diplomate européen proche du dossier, certains États membres de l’UE envisagent d’enclencher le mécanisme de coopération renforcée prévu dans les Traités, permettant à au moins neuf États membres d’adopter des politiques dans le cadre de la « coalition des volontaires ».
Malgré un accord au niveau européen, les instruments budgétaires devront désormais recevoir l’assentiment des députés européens. Le président du Parlement européen, David Sassoli, a répété que l’institution opposerait son véto si l’accord ne répondait pas aux attentes.
[ad_2]