Libre circulation des personnes en UE versus force majeure de la crise sanitaire

Viviane de Beaufort a été interviewée par Emilien Roy

Viviane de Beaufort, professeure de droit de l’Union européenne évoque sa crainte sur le risque important de restriction de la libre circulation des personnes, lié à la crise sanitaire, et s’inquiète plus généralement sur nos libertés individuelles et la tentation de dérive autoritaire des Etats.

1. Des réponses nationales divergentes quant à la libre circulation des personnes.

Si la Commission européenne déconseille les voyages non-essentiels, elle a toutefois affirmé l’importance de la circulation des travailleurs et des marchandises au sein de l’UE, conformément au principe de libre-circulation, fondement du Marche Intérieur.

Les Etats membres restent souverains quant à la santé publique et peuvent donc prendre des mesures nationales limitant la libre circulation des personnes en cas de force majeure. Cette restriction est possible, a priori, de manière exceptionnelle, limitée dans le temps et sous couvert de respecter le principe de proportionnalité, conformément à à l’article 52 TFUE , confirmé par une jurisprudence constante de la CJUE. C’est donc un premier sujet de préoccupation que d’identifier si les mesures nationales ne sont pas trop restrictives et ne seront pas durables.

Le second est la cacophonie des mesures prises: les restrictions divergent d’un Etat à un autre, entre fermeture totale des frontières annoncée en Allemagne, limitation des voyages aux raisons essentielles et sous condition de fournir un test négatif en France, ou encore ouverture aux voyageurs étrangers sans condition au Portugal, etc.

La Commission exhorte les Etats à harmoniser leurs politiques, sans pouvoir prendre de mesure à l’échelle européenne. Elle a à cet égard publié un communiqué le 25 janvier dans lequel elle propose des garde-fous supplémentaires s’agissant des déplacements depuis l’extérieur de l’UE et des critères actualisés pour l’application des restrictions de déplacement, qui fait office de guide pour les Etats.

Elle recommande aux Etats membres, d’exiger des voyageurs qu’ils présentent un test PCR négatif de moins de 72 heures avant de voyager. Elle demande notamment que les voyages non-essentiels vers et en provenance des zones à haut risque soient fortement déconseillés et appelle au développement d’un Formulaire commun de localisation des passagers européens (PLF) qui pourrait être exigé pour les voyageurs arrivant dans l’UE.

Si elle est impuissante à légiférer sur les mesures de restriction nationales, la Commission a en revanche la possibilité d’aider les Etats membres par le financement de nouveaux vaccins CureVac et des masques par exemple, dans le cadre de sa politique d’appui en ce domaine.

2. Un certificat vaccinal comme condition de la liberté?

La mise en place d’un certificat vaccinal suscite des réactions divergentes. Si certains pays s’en réjouissent comme la Grèce qui y trouve une opportunité pour le tourisme, d’autres comme la France et l’Allemagne y voient un intérêt limité dans la mesure où seule une faible partie de la population est vaccinée.

Viviane de Beaufort alerte à cet égard sur les dangers d’un tel passeport, au regard des libertés individuelles, car il obligerait les individus à se faire vacciner et conditionnerait leur liberté de circulation à la détention de ce passeport.

LIRE + https://www.la-croix.com/Monde/LUnion-europeenne-divisee-sujet-restrictions-frontieres-2021-01-22-1201136450

Ce sujet fera l’objet d’un article sur le sujet des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne.