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Alors que l’incertitude règne sur les scénarios du Brexit, nombre d’acteurs économiques sonnent l’alarme sur les coûts engendrés par la mise en place de barrières tarifaires et non tarifaires. Un article de notre partenaire La Tribune.
À quelques jours de la date butoir du 29 mars, les entreprises sont plongées dans le flou le plus total. Les tractations entre le Royaume-Uni et les représentants de l’Union européenne ne cessent de se prolonger et contribuent à alimenter un sentiment d’incompréhension des deux côtés de la Manche. Au Sénat, mercredi 20 mars, un colloque sur l’impact du Brexit sur la vie économique française était organisé en présence du président Gérard Larcher. Si plusieurs interlocuteurs ont tenu à rassurer les acteurs économiques en présence, d’autres ont voulu alerter sur l’urgence de la situation à l’image du président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand,qui est en première ligne sur la question des échanges.
« C’est le côté britannique qui m’inquiète avant tout […] Les Britanniques doivent se mettre économiquement en ordre de marche. Je demande le pragmatisme. On peut faire du juridisme, c’est bien souvent l’ennemi de l’économie. Les Britanniques économiquement ne sont pas prêts. L’idée n’est pas de repousser jusqu’en 2021, mais il faut obtenir un délai supplémentaire. »
Le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a estimé jeudi que le divorce entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni allait sans doute se faire « sans accord », jugeant la gestion de ce dossier par les responsables politiques britanniques « scandaleuse » d’après des propos rapportés par l’AFP. « J’ai dit le 11 septembre à mes adhérents de se préparer à une sortie sans accord. Je pense que c’est malheureusement ce qui va se passer », a déclaré le responsable de l’organisation patronale sur Europe 1, alors que les discussions entre Londres et Bruxelles sur ce dossier semblent dans l’impasse.
La société Britanny Ferries en alerte
Les sociétés de transports de voyageurs et de biens sont particulièrement concernées par ce divorce entre le Vieux continent et le royaume. La sénatrice du Pas-de-Calais Catherine Fournier (Union centriste) a rappelé que « 1,7 million camions ont emprunté le tunnel sous la manche en 2018 ».Invité à venir témoigner, le directeur général de Getlink SE (Eurotunnel) François Gauthey a ajouté que « plus du quart des échanges entre le Royaume-Uni et l’Union européenne transitent par le tunnel. Les relations économiques vont rester très importantes ». Le patron de la société concessionnaire a expliqué que pour qu’il y ait fluidité, il faut trois conditions : des investissements pour les douanes, les administrations doivent s’équiper du matériel informatique, et les transporteurs et les chargeurs doivent s’habituer aux nouvelles procédures. « On pense qu’il faudra quelques semaines ou quelques mois pour cette préparation. Ce qui sera compliqué est de garder la fluidité des frontières. Dans la théorie, ça devrait bien fonctionner. Il faut maintenant que nos clients soient prêts ».
Chez Brittany Ferries, le discours n’est pas aussi rassurant. Le président de la compagnie maritime et président d’Armateurs de France, Jean-Marc Roué, a annoncé d’emblée la couleur. « Je vais changer de ton. Les entreprises doivent se préparer au scénario du pire. Je pense que les grandes entreprises sont capables de se préparer. Ce n’est pas forcément le cas d’une entreprise de taille intermédiaire. Certaines entreprises ne sont pas capables de supporter ces coûts. Des emplois seront perdus. Attention au danger. »
Pour l’industrie automobile aussi, l’angoisse est également bien présente. Le directeur général de la plateforme automobile PFA Marc Mortureux a souligné que « les risques sont évidents pour une industrie qui fonctionne en flux tendu. L’intégration de l’industrie automobile entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est très importante ». Dans le contexte d’un fort ralentissement de l’industrie automobile européenne, « les menaces de barrières tarifaires aux États-Unis, les changements de normes en Europe ont provoqué pas mal de perturbations […] Le risque sur la logistique est important. 1.000 camions passent la frontière pour fournir le Royaume-Uni en composants par jour. C’est du flux tendu [..] Certains stocks ont été faits, mais ce n’est pas énorme. » a indiqué le responsable.
1,7% de PIB en moins en cas de « no deal »
Si beaucoup d’estimations sur l’impact macroéconomique du Brexit ont été produites outre-Manche, c’est moins le cas du côté français. Dans sa dernière note de conjoncture, l’Insee a réalisé plusieurs simulations sur les répercussions d’un Brexit sans accord et avec accord au niveau des échanges commerciaux. En prenant en compte les barrières tarifaires et non tarifaires, le produit intérieur brut de la France « serait alors amputé à plus long terme de 0,6 % dans le cas d’un soft Brexit et de 1,7 % dans le cas d’un hard Brexit », même si l’économie tricolore semble moins exposée que celles de l’Allemagne ou de l’Irlande.
Les perspectives pour le Royaume-Uni ne sont guère réjouissantes. Pour l’Insee, « en écartant l’hypothèse d’un Brexit sans accord, l’économie britannique se maintiendrait à faible régime. Les ménages outre-Manche ralentiraient leur consommation pour avoir une épargne de précaution. L’investissement des entreprises a diminué pour le quatrième trimestre consécutif pénalisé par l’attentisme en vue du Brexit. Dans les enquêtes de la banque d’Angleterre, les intentions d’investir ont aussi nettement baissé ». Dans une récente étude, le cabinet Oddo estimait qu’« un scénario de “no-deal” pourrait avoir des répercussions aussi dommageables sur le Royaume-Uni que la crise financière globale ».
Un scénario perdant-perdant ?
Les incertitudes persistantes sur l’issue du Brexit ont alimenté de la lassitude et du découragement pour un bon nombre d’entreprises et d’élus. Le sénateur Les Républicains (LR) et président de la Commission des affaires étrangères Christian Cambon, a expliqué que « nous savions dès la campagne du référendum que nous allions vers une catastrophe. Le Brexit est un non-sens économique. Le Brexit n’a pas eu lieu et ses conséquences économiques se font déjà ressentir ». Pour l’élu du palais du Luxembourg, « le Brexit est avant tout perdant-perdant. La décision du peuple britannique a déjà fait perdre 6 milliards d’euros aux exportateurs français. Les risques sont nombreux. À l l’heure des États-continents, l’Europe prend le risque de la diffraction. »
De son côté, le directeur général de Business France Christophe Le Courtier a affirmé que « personne ne peut juger que le Brexit est une bonne nouvelle. L’option du perdant-perdant est celle qu’il faut absolument éviter. Le marché du Royaume-Uni est très important pour la France ( le solde commercial est excédentaire). Il faut absolument éviter le chaos qui aurait un effet délétère sur les entreprises. Il faut qu’au moins le Brexit soit gagnant pour nous ». Surtout un nombre considérable d’entreprises font des échanges avec le royaume. Selon des chiffres communiqués par Sandrine Gaudin secrétaire générale des affaires européennes auprès du gouvernement, « 30.000 entreprises françaises concernées directement ou indirectement par le Brexit […] du côté du Royaume-Uni, nous espérons un sursaut. »