Les Européens veulent plus d’intégration

Un article publié par Le Figaro


SONDAGE – Plus d’un tiers des sondés souhaite voir les compétences de l’Union augmenter, selon un sondage YouGov.


C’est tout le paradoxe des élections à venir. Alors que le poids des populistes et des eurosceptiques de droite et de gauche n’a jamais été aussi élevé dans les intentions de vote aux européennes, non seulement l’adhésion à l’Union et à ses valeurs ne faiblit pas chez ses citoyens mais une proportion importante d’entre eux plaide désormais pour davantage d’intégration entre les États membres au sein de l’UE.

C’est l’un des principaux enseignements du sondage YouGov pour Lena, ce groupe de quotidiens européens dont Le Figaro est partenaire. L’étude, réalisée sur Internet, porte non pas sur les Vingt-Huit mais sur une sélection de huit pays: la Belgique, la France, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie, la Pologne, l’Espagne et la Suède.

Globalement, les sondés sont très attachés à l’Union. Ainsi, 61 % d’entre eux estiment que c’est une bonne chose que leur «nation» en soit membre. Ce résultat cache toutefois des disparités importantes d’une zone géographique à une autre.

« Les Européens ont tiré les leçons de l’histoire récente, notamment celle du Brexit »

Jean-Dominique Giuliani, président la Fondation Robert Schuman

C’est en France (51 %) et en Belgique (55 %) que l’adhésion est la plus basse, loin derrière la Hongrie (64 %) et la Pologne (70 %) qui bénéficient, il est vrai, d’une manne importante provenant de l’UE. «Les Européens ont tiré les leçons de l’histoire récente, notamment celle du Brexit. Même s’ils ne sont pas forcément satisfaits de la manière dont l’Union gère les choses, ils ne veulent pas que ses acquis soient remis en cause», analyse Jean-Dominique Giuliani, président la Fondation Robert Schuman.

Selon ce sondage, une part importante d’Européens semble prête à ce que davantage de responsabilités soient transférées des États membres à l’Union. Ils sont 35 % à le souhaiter et à espérer donc voir les liens se resserrer entre les Vingt-Sept, quand 19 % jugent que l’équilibre actuel des compétences est «idéal». À l’opposé, 28 % estiment que l’UE devrait «rendre» certaines compétences aux États membres.

Dans le détail, c’est autour de ces questions de sécurité que se cristallisent les demandes de plus d’intégration au sein de l’Union

Cette tendance manifeste à vouloir aller vers «plus d’Europe» tient sans aucun doute à une prise de conscience importante parmi les citoyens des dangers qui guettent l’Union – le réchauffement climatique, la sécurité et le terrorisme – et à la nécessité de s’imposer face aux autres puissances. Ainsi, 45 % des sondés considèrent que les États-Unis ne sont plus un partenaire fiable pour l’Union. C’est en Allemagne, pays vivement mis en cause ces derniers mois par Donald Trump pour son effort militaire jugé insuffisant, que le taux est le plus élevé (68 %).

Dans le détail, c’est autour de ces questions de sécurité que se cristallisent les demandes de plus d’intégration au sein de l’Union. Pas moins de 43 % des sondés sont favorables à la création d’une armée européenne et 53 % voudraient voir l’Union se doter d’une politique étrangère commune. Un domaine dans lequel elle peine à s’imposer et à parler d’une seule voix, comme l’a encore démontré récemment la crise au Venezuela. Alors qu’ils jugent à une écrasante majorité que l’Union ne doit pas se préoccuper des retraites, des questions de chômage, de logement et de santé, les sondés aspirent paradoxalement à plus d’intégration dans le domaine social. 57 % d’entre eux souhaitent voir l’UE «se concentrer sur la politique sociale pour réduire les conditions de vie variables dans les États membres». Sans surprise, c’est en Hongrie (70 %) et en Pologne (66 %), les deux pays ayant adhéré le plus récemment à l’Union (2004), que les demandes en faveur de plus de cohésion sociale sont les plus importantes.

Si les Européens souhaitent davantage d’intégration et plébiscitent les acquis de l’Union, ils ne se voilent pas la face sur les capacités de l’Union à régler les problèmes et font preuve d’une extrême lucidité dès lors qu’il est question des migrations. Seulement 3 % des personnes interrogées estiment que l’Union gère «tout à fait bien» la crise de la migration. Convaincus que ce problème ne peut être géré au niveau des pays, ils jugent que c’est à l’UE de sécuriser les frontières externes (54 %) et d’augmenter les investissements en Afrique et au Moyen-Orient pour réduire la migration sur le Vieux Continent (52 %).

Même si la situation actuelle n’a rien de commun avec celle de 2015, la question des migrations reste le sujet le plus difficile de l’UE pour 35 % des sondés, devant la protection de l’environnement (29 %), la sécurité et la paix (23 %). En France, tout comme en Allemagne, le climat est considéré comme le sujet le plus préoccupant. «C’est pour cela, affirme Jean-Dominique Giuliani, que la liste LREM sombre actuellement dans l’écologisme.»


Crédits photo : Vincent Kessler REUTERS