Le marché intérieur de l’Union européenne

[ad_1]

Synthèse


20.11.2018

Justine Daniel et Giovanni Vale

De la CECA à la libre circulation des biens, des personnes, des capitaux et des services : l’essentiel à savoir sur le marché unique de l’Union européenne en un article. 

Le marché intérieur de l'Union européenne

L’essentiel

Le marché intérieur de l’Union européenne, aussi appelé marché unique, est une union douanière entre tous les Etats membres de l’UE, qui repose sur quatre libertés fondamentales : la libre circulation des biens et des services, des capitaux et des personnes. C’est le plus grand espace économique sans barrière du monde, d’autant plus qu’actuellement, au-delà des 28 États membres de l’UE, l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse y participent par le biais d’accords multilatéraux ou bilatéraux.

Ce marché unique (anciennement appelé « marché commun ») se fonde sur un principe d’efficacité économique, selon lequel la suppression des obstacles à la libre circulation sur le continent permet un développement économique de tous les pays : plus de concurrence, plus d’innovation, et des produits plus nombreux et moins chers.

Au sein du marché unique, les droits de douane et les quotas ont donc été abandonnés entre les États membres. Afin d’assurer la mise en œuvre effective des quatre libertés, le marché unique requiert également des règles de concurrence commune à tous ses membres, une certaine harmonisation fiscale et un rapprochement des législations nationales notamment dans les domaines de la santé et de l’environnement. Ce que les institutions européennes entreprennent depuis plusieurs décennies.

Aujourd’hui, le marché unique permet aux producteurs de s’adresser à plus de 500 millions de consommateurs et aux travailleurs de pouvoir facilement se déplacer dans un espace qui compte plus de 21 millions de PME. Par ailleurs, 2 millions de résidents européens travaillent au moins une fois par semaine dans un autre État membre, selon Eurostat (2015). Selon le Parlement européen, on estime ainsi « à 2,8 millions le nombre d’emplois créés par le marché unique« . Il aurait également permis de doubler le commerce de biens entre les pays membres et « d’atteindre un niveau de PIB réel de 4,4 % plus élevé« , selon les estimations d’économistes du Cepii.

L’établissement du marché

Déjà en 1951, les prémisses d’une communauté économique sont posés par la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Le traité de Paris instaurant la CECA prévoit la mise en commun, sous l’autorité des institutions supranationales, de la production de charbon et d’acier de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg). Quelques années plus tard, le « Marché commun » voit le jour. Car face à l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954, le domaine économique, moins sujet aux résistances nationales, apparaît comme un champ plus consensuel de coopération.

Comme une grande partie des éléments fondamentaux de l’Union européenne, ce sont les traités de Rome, signés en 1957, qui instaurent donc les bases du « marché commun ». La Communauté économique européenne (CEE), constituée à cette occasion, marque le début de la progressive intégration des économies nationales. Dans le préambule du traité CE, les signataires (à l’époque France, Allemagne, Benelux, Italie) reconnaissent « que l’élimination des obstacles existants appelle une action concertée en vue de garantir la stabilité dans l’expansion, l’équilibre dans les échanges et la loyauté dans la concurrence« .

Diffusé en janvier 1957, le reportage suivant présente le projet de marché commun et célèbre sa naissance (Source : INA).

La création d’un espace d’échanges commerciaux libres implique celle d’une union douanière entre les États membres. La suppression des droits de douane sur les marchandises échangées entre les pays de la CEE s’effectue par paliers de 1958 à 1968. Parallèlement, les Etats s’accordent en 1969 pour définir un tarif douanier commun à l’égard des pays tiers (à l’exception des produits agricoles importés, pour lesquels un compromis n’arrivera qu’en 1974), ébauchant ainsi une première politique commerciale commune.

La politique commerciale commune

Les effets du démantèlement douanier et de la suppression des restrictions quantitatives aux échanges pendant la période de transition (1958-1970) sont spectaculaires : le commerce intracommunautaire est multiplié par 6, tandis que les échanges de la CEE avec les pays tiers sont multipliés par 3. Le PNB moyen progresse de 70%. Mais des obstacles sous forme de réglementations diverses continuent à peser sur la libre circulation, non pas uniquement des marchandises mais également des personnes, des biens et des capitaux.

Car à ce stade, les États qui composent cette union douanière conservent leurs propres dispositions, procédures administratives ou normes en matière de protection des consommateurs, de la santé et de l’environnement. Autant d’obstacles « non tarifaires » aux échanges. Il faudra attendre deux décennies supplémentaires pour assister à une évolution considérable du projet européen et du marché commun.

Cette accélération vient de la Commission Delors (1985-1995) qui fait adopter un « Livre blanc sur la réforme du marché intérieur ». Ce document prévoit l’adoption de 282 directives sur sept ans afin de supprimer les frontières intérieures. En parallèle, avec son arrêt Cassis de Dijon (1979), la Cour de justice développe « le principe de reconnaissance mutuelle ». Mises à part certaines exceptions, par exemple justifiées par des exigences d’intérêt général, un État membre ne peut plus interdire la vente, sur son territoire, des biens produits dans un autre État membre de l’union douanière, même s’il n’existe pas d’harmonisation.

L’Acte unique européen puis le traité de Maastricht, adoptés respectivement en 1986 et 1992, souhaitent mener à termes les « quatre libertés » constitutives du marché unique : la libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et des services. Pour atteindre cet objectif, le Conseil de l’UE délibère à présent à la majorité qualifiée dans les domaines stratégiques à l’avènement du marché intérieur : politique commerciale, libre prestation de services, transports maritimes et aérien, etc.

L’Acte unique européen

Histoire du marché intérieur

La libre circulation des marchandises

A l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’union douanière figure parmi les compétences exclusives de l’UE.

Du point de vue technique, ce système se fonde sur la suppression des droits de douane entre Etats membres et sur l’interdiction de restrictions quantitatives aux échanges. Aujourd’hui, les taxes et les mesures considérées équivalentes aux droits de douane sont également interdites, tandis que le principe de reconnaissance mutuelle empêche aux Etats de refuser la vente d’un produit issu d’un pays voisin pour non-conformité à ses règles nationales, lorsque le producteur peut prouver que sa marchandise respecte les normes techniques et sanitaires du pays d’origine.

Tout produit peut-il alors circuler sans contrôle ? Non. La protection de la santé, de l’environnement et des consommateurs demeure une justification valable au rétablissement de barrières internes aux échanges de marchandises. Aux frontières externes de l’union, en outre, l’activité douanière se poursuit, enregistrant 293 millions de déclarations en douane en 2015, traitées par plus de 2 000 bureaux différents. Chaque seconde, 20 articles sont échangés entre l’Union européenne et un pays tiers, ce qui fait de l’UE la troisième puissance commerciale du monde.

La libre circulation des marchandises

La libre circulation des personnes

Parmi les quatre libertés, la libre circulation des personnes est sans doute celle qui représente le plus la concrétisation du projet européen, mais qui fait aussi davantage parler d’elle. Encore une fois, cet aspect fondamental du marché unique remonte au traité de Rome de 1957, qui prévoit dans son article 39 que « la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté ».

A l’origine, donc, l’accent est mis sur les travailleurs, salariés comme indépendants. En 1990, la libre circulation est généralisée à l’ensemble des ressortissants de l’UE, mais les travailleurs font toujours l’objet d’un chapitre à part entière, notamment en ce qui concerne le respect des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement, ou les limites imposées, par exemple, aux emplois dans l’administration publique.

Le droit d’établissement est l’autre volet de cette liberté. Il concerne ceux qui se déplacent dans un autre Etat membre pour y travailler en tant qu’indépendants, monter une entreprise ou encore étudier ou vivre en tant que retraités. Il s’agit là de l’un des attributs fondamentaux de la citoyenneté européenne, mais qui n’est pas sans limites (notamment dans l’accès aux prestations sociales).

La liberté de circulation des personnes a été facilitée par les accords de Schengen, signés en 1985 et intégrés dans l’acquis communautaire en 1999. Ces derniers suppriment les contrôles aux frontières intérieures et permettent donc de voyager sans passeport. Mais cet espace Schengen ne correspond pas tout à fait au marché intérieur de l’Union européenne, puisque seulement 22 Etats membres de l’UE sur 28 y participent, au côté de la Norvège, la Suisse, l’Islande et le Liechtenstein.

La libre circulation des personnes

Europe, UE, Schengen, zone euro : quelles différences ?

La libre circulation des services et des capitaux

La libre circulation des services englobe la liberté d’établissement pour un prestataire de service dans un autre pays ainsi que la libre prestation des services.

Selon les articles 56 à 62, les prestataires de services peuvent exercer leurs activités dans n’importe quel État membre de l’UE sans subir de discrimination. Dans ce cas, le prestataire est établi dans son propre pays et ce sont les prestations qui passent la frontière. Il existe des limitations : les activités participant à l’exercice de l’autorité publique sont exclues du champ d’application.

Dans le cas où l’entreprise décide de s’installer de façon permanente dans un autre pays, elle bénéficie alors de la liberté d’établissement. Cette dernière est régie par les articles 49 à 55 du TFUE et concerne à la fois les professions libérales et les personnes morales.

Les articles 63 à 66 du TFUE réglementent quant à eux la libre circulation des capitaux, la plus récente des quatre libertés, mais aussi la plus large, car elle concerne également les pays tiers, interdisant toute restriction aux mouvements de capitaux à la fois entre les États membres, et entre les États membres et les pays tiers.

Cette dernière évolution du marché commun a été progressivement mise en place avec la création de l’Union économique et monétaire (UEM) en 1988 et la signature du traité de Maastricht en 1992. Aujourd’hui, les mouvements de capitaux et les paiements entre Etats membres (et entre Etats membres et pays tiers) ne peuvent pas être soumis à restrictions, et cela de façon générale, car l’interdiction va au-delà de l’élimination d’un traitement inégal en raison de la nationalité, comprenant tous les obstacles au mouvement. Les exceptions, tout de même prévues, se limitent essentiellement aux mouvements de capitaux avec les pays tiers.

Enfin, afin d’améliorer la circulation des investissements transnationaux, l’UE développe une union des marchés de capitaux. Elle vise à « offrir de nouvelles sources de financements aux PME« , « réduire le coût du capital » ou encore « attirer davantage d’investisseurs étrangers dans l’UE« . 

La libre circulation des services et la liberté d’établissement

La libre circulation des capitaux et des services financiers

Débats et perspectives

Malgré les efforts d’intégration et d’harmonisation menés depuis plusieurs décennies, des obstacles à la libre circulation demeurent à l’intérieur du marché commun. Il existe toujours des freins à la mobilité des Européens (de nouveau réduits en 2017 avec l’abolition des frais d’itinérance – « roaming » – pour les communications téléphoniques à l’étranger), et de nombreuses barrières, linguistiques, normatives, administratives ou culturelles, fragmentent inévitablement le marché.

Le dumping social est souvent cité pour mettre en évidence les limites du marché unique, le difficile accès aux informations et la difficulté à faire respecter ses règles européennes, comme l’illustre la question emblématique des travailleurs détachés. Profitant d’une coopération défaillante entre les États membres, des employeurs ont utilisé ce statut pour réduire le coût de leur main d’œuvre et exploiter leurs travailleurs provenant des pays les moins développés. La Commission européenne a proposé la création d’une Autorité européenne du travail qui aura pour vocation de mieux coordonner les administrations nationales.

Qu’est-ce que la directive sur les travailleurs détachés ?

Le marché unique s’est également développé indépendamment des questions fiscales, qui demeurent une compétence des États membres. En conséquence, certains d’entre eux proposent aux particuliers ou aux entreprises une fiscalité particulièrement attractive au détriment des recettes fiscales de leurs voisins, une pratique assimilée à du dumping fiscal. Les « Paradise papers » ont par exemple révélé l’existence de structures juridiques autorisées par les Pays-Bas permettant à plusieurs grandes sociétés d’échapper à l’impôt dans les autres pays de l’UE.

La fiscalité dans l’Union européenne

Le marché commun peut-il dès lors vraiment devenir « unique » ? A la différence des Etats-Unis, l’Union européenne n’est pas une entité fédérale et présente en effet davantage de diversité à l’intérieur de ses frontières, au point qu’à peine 2,8% des Européens habitent dans un pays de l’UE qui n’est pas le leur. Constatant la persistance d’entraves au libre échange des produits et des services et l’application inadéquate des règles en vigueur, la Commission européenne a adopté en 2015 une « Stratégie pour le marché unique ». Cette politique propose un ensemble de mesures – notamment de modernisation – qui permettront d’améliorer le fonctionnement du marché unique. Par exemple, certaines d’entre elles visent à améliorer l’application de la directive « Services », ce qui pourrait se traduire par une hausse de 1,8% du PIB de l’UE selon la Commission.

L’achèvement du marché unique

Enfin, afin de faire face aux nouveaux défis numériques et à la domination américaine sur le web, la Commission Juncker a présenté également en 2015 une stratégie sur le marché unique du numérique. Commerce en ligne, big data ou encore régulation des géants du web, autant de propositions législatives qui visent à améliorer l’accès au web : nombre d’entre elles sont encore au stade des négociations. Deux textes ont par ailleurs déjà été adoptés : la portabilité des services de contenu à l’étranger et l’interdiction du blocage géographique injustifié des sites en ligne.

Marché unique numérique : un état des lieux

[ad_2]

https://www.touteleurope.eu/actualite/le-marche-interieur-de-l-union-europeenne.html