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Fortement revue à la baisse, la proposition de taxe numérique porte un sérieux coup à l’ambition initiale de la Commission pour une fiscalité plus juste. Et ne fait toujours pas consensus parmi les Etats membres.
L’opposition de l’Irlande, de la Suède, du Danemark et de la Finlande à la taxe européenne sur le numérique a eu gain de cause le 4 décembre.
Lors de la réunion des ministres européens des Finances, c’est finalement un accord de compromis édulcoré entre la France et l’Allemagne qui a été présenté au Conseil. Et devra être rediscuté en 2019.
Cette nouvelle proposition du ministre français des Finances, Bruno Le Maire, et de son homologue allemand, Olaf Scholz, verrait certains mastodontes comme Amazon ou Apple, qui ne tirent pas tellement leurs revenus de la publicité, échapper à la taxe.
En outre, l’initiative franco-allemande n’entrerait en vigueur qu’en 2021, si tant est qu’aucun accord ne soit conclu à l’OCDE pour la création d’un régime fiscal numérique reconnu par tous les pays du monde.
La proposition permettrait également aux États membres de décider eux-mêmes d’étendre leur marge de manœuvre et d’appliquer une taxation plus lourde.
La France aurait même pu aller plus loin
Bruno Le Maire, l’un des plus fervents défenseurs de la taxe numérique, s’est montré plus conciliant le 4 décembre, évoquant « l’esprit du compromis », tout en reconnaissant qu’il aurait aimé être plus ambitieux quant à l’assiette de la taxe.
« Si ça ne tenait qu’à moi, je serais allé plus loin », a-t-il assuré. « Mais nous devons aller de l’avant. J’ai fait quelques concessions à l’Allemagne. »
Les ministres des Finances de toute l’Europe doivent ensuite arriver à un consensus sur la base de la proposition franco-allemande d’ici mars 2019.
Sur un ton de frustration perceptible, le ministre autrichien, Hartwig Löger, a d’ailleurs souligné que les ministres des Finances s’étaient déjà mis d’accord sur une assiette élargie lors d’une réunion en novembre.
La dernière proposition s’attire les foudres de toutes parts : elle est à la fois un affaiblissement du texte initial et reste trop ambitieuse pour les opposants de principe.
« Cette nouvelle approche me préoccupe toujours du point de vue du principe », a confié Paschal Donohoe, ministre irlandais des Finances, à ses homologues, avant d’ajouter qu’il préférerait un accord international au niveau de l’OCDE.
L’Irlande s’oppose depuis longtemps à l’idée d’une taxe numérique, craignant qu’elle ne réduise l’attrait de son faible taux d’imposition des sociétés (12,5 %). Le pays accueille en effet un certain nombre de géants, dont Google, Facebook, Adobe, LinkedIn, Apple et AirBnB.
En somme, une majorité États membres ont déclaré le 4 décembre être ouverts à la discussion sur la proposition franco-allemande, même si certains ne se sont pas gardés de critiquer le manque d’ambition de l’initiative.
Fragmentation des taux d’imposition
L’Espagne, qui a choisi de calquer son modèle sur la proposition originale de la Commission, et le Royaume-Uni ont déjà élaboré leurs propres plans fiscaux numériques, tandis que les négociations au niveau international sont au point mort.
La proposition originale de la Commission frappe fort, avec ses 3 % d’imposition. Néanmoins, pour être assujettie à la taxe, l’entreprise doit faire 750 millions d’euros de recettes globales, dont 50 millions d’euros de recettes imposables dans l’UE.
Le Royaume-Uni prévoit une imposition de 2 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel global est supérieur ou égal à 500 millions de livres sterling (560 millions d’euros).
Toujours le 4 décembre, la Slovénie a fait part de ses inquiétudes quant au manque à gagner d’une assiette fiscale aussi réduite. Le ministre hongrois des Finances, Mihály Varga, a pour sa part noté que la proposition franco-allemande ressemble en tous points au régime d’imposition des recettes publicitaires en vigueur dans son pays, qu’il cherchait justement à élargir.
Le ministre portugais des Finances et président de l’Eurogroupe, Mário Centeno, a soulevé un point intéressant : étant donné que la nouvelle proposition permet aux États membres d’élargir l’assiette fiscale comme ils l’entendent, elle pourrait entraîner une fragmentation des taux d’imposition, ce que les ministres avaient pourtant dit vouloir éviter au départ.
Le Parlement fait pression
Les frictions au sein du Conseil se font sentir, alors que le Parlement fait preuve de beaucoup plus de stabilité. Le 3 décembre, la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement a confirmé sa position par une écrasante majorité.
« Le Parlement et le peuple européens ont montré qu’ils voulaient une taxe numérique plus ambitieuse », s’est réjoui le rapporteur travailliste Paul Tang.
« Il est donc temps de leur donner la taxe numérique forte qu’ils attendent. Nous devons viser l’équité fondamentale, où chacun paie sa juste part, y compris les multinationales et les géants de la technologie », a-t-il promis.
Et le Parlement va plus loin que la Commission. Alors que cette dernière fixe le plafond à 50 millions d’euros, le Parlement l’abaisse à 40. Néanmoins, en vertu de l’article 115 du traité de Lisbonne, c’est le Conseil qui aura le dernier mot, le Parlement étant limité à un rôle consultatif sur les mesures fiscales.
Et en dehors des institutions ?
Mis à part les divisions au Conseil, tous les États membres semblent vouloir qu’un accord soit conclu au niveau mondial, lors des négociations en cours à l’OCDE.
Un point de vue également défendu par les tenants de l’industrie, dont Christian Borggreen, vice-président de l’Association de l’industrie de l’informatique et des communications, qui a dit le 4 décembre soutenir l’idée d’un consensus international.
« Il est rassurant de voir que les ministres ont remis en cause la proposition de la Commission, qui risque de nuire à l’économie numérique de l’Europe », écrit-il. « La meilleure façon d’aller de l’avant est de trouver une solution mondiale par l’intermédiaire de l’OCDE, qui inclut également les principaux partenaires commerciaux de l’Europe. »
D’autres, cependant, ont critiqué les ministres pour avoir inutilement retardé le processus.
À l’issue des discussions ministérielles qui se sont achevées le 4 décembre, Christoph Schott, directeur d’Avaaz, site de pétitions en ligne, a regretté que les progrès réalisés par le Conseil sur la taxe numérique soient ainsi « étouffés ».
« Malgré l’énorme pression de l’opinion publique, les ministres n’ont fait que cacher la poussière sous le tapis. Mais on peut encore corriger ça avant les élections européennes, et les ministres ne doivent pas laisser les grosses entreprises s’en tirer à nouveau à bon compte », a-t-il déclaré.
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https://www.euractiv.fr/section/economie/news/france-and-germany-backtrack-on-digital-tax-scope/