LE MOTEUR FRANCO-ALLEMAND : EN CRISE CERTES, MAIS SANS ALTERNATIVE

Grain de sel VDB : cet an ci le couple franco- allemand ne s’entend plus guère dit-on….

Certes, différents points font l’objet de discordes : les solutions proposées par l’Allemagne concernant l’approvisionnement et le prix de l’énergie, le réarmement du pays essentiellement à partir d’importations US, etc.

La mésentente cristallisée entre ces deux grands Etats est surtout très médiatisée et avec des titres accrocheurs . Si elle devait s’envenimer, elle constituerait un grave problème, car ce pilier politique est essentiel a l’Union Européenne, et il faut constater que les décisions autonomes de l’Allemagne agacent aussi d’autres pays dont la Pologne ou l’Espagne.

Le chancelier avait dans son programme une approche très communautaire et très environnementale, et les priorités actuelles sont clairement réorientées vers les USA et le commerce.
Il faut cependant comprendre que la rupture forcée avec la Russie, dont on évoque le sevrage gazier, mais qui est pour l’Allemagne bien plus globale et traumatisante amène cet Etat à se réarmer, à se tourner de nouveau vers les USA tant quant à la défense (OTAN/ protection nucléaire) que commercialement mais cela ne signifie en aucune manière que cet épisode transatlantique soit un dos tourné à l’Europe et au duo FR/ALL

Malgré ces couacs, le duo allemand est solide, sa disparition c’est celle de l’UE, ils sont condamnés a s’entendre. Il n’y a nul doute qu’après ces  » malentendus politiques », les deux hommes aidés par les diplomates, notamment les représentations permanentes respectives des 2 pays a Bruxelles*
trouveront terrain commun …

D’autant qu’à y regarder de plus près et quelques soient leurs divergences, puisque de fait l’Allemagne est plus atlantiste que la France même quant à son attitude envers la Chine, nombre d’éléments demeurent convergents : par exemple, la notion de souveraineté européenne (relance, puissance, appartenance), celle de Communauté Politique Européenne sont largement portés par le chancelier.

LE MOTEUR FRANCO-ALLEMAND : EN CRISE CERTES, MAIS SANS ALTERNATIVE

Rien ne va plus entre la France et l’Allemagne, mais rien ne va sans elles. Telle pourrait être la synthèse des relations franco-allemandes, après dix-huit mois de guerre en Ukraine. Certes, les contentieux ont toujours été nombreux et importants entre les deux pays. Mais ils prennent désormais une dimension plus inquiétante, tant les repères de la construction européenne, les principes de la sécurité, et les engagements de solidarité ont été chamboulés par l’invasion russe en Ukraine.

Du côté de Paris, on s’étonne de l’empressement allemand à proposer à dix-huit partenaires la création d’une sorte de bouclier de défense anti-missiles (European Sky Shield Initiative), à partir de systèmes d’armes allemands, américains et israéliens. On aurait aussi apprécié être consulté sur la rédaction de la première Stratégie de sécurité nationale allemande, publiée en juin 2023[1]. De même, un certain agacement existe à Paris devant les choix allemands d’acheter « sur étagères », américaines ou sud coréennes, les matériels militaires dont Berlin réalise avoir besoin, plutôt que de préférer des solutions européennes. L’avenir de plusieurs grands programmes franco-allemands, dont l’avion de combat Scaf ou l’eurodrone Male suscite l’inquiétude. En matière de relance économique, l’intransigeance de l’Allemagne sur les nouvelles règles du Pacte de stabilité, actuellement suspendu jusqu’en décembre 2023, agace fortement Paris qui souhaite, avec une majorité d’autres pays membres, introduire davantage de flexibilité dans l’évaluation du Pacte. S’agissant d’énergie, l’opposition constante de l’Allemagne à l’énergie nucléaire s’est confirmée en avril 2023, avec la fermeture des trois dernières centrales nucléaires du pays. En choisissant le gaz de schiste et le charbon pour répondre à la crise de l’énergie causée par la guerre en Ukraine, Berlin a confirmé une politique totalement contraire à celle de la France. Paris a donc beau jeu de dénoncer un certain laxisme de l’Allemagne sur le Green deal, avec la remise en route des mines de charbon et la réluctance de l’industrie automobile devant les engagements européens sur la fin des moteurs thermiques. En somme, c’est le recentrage global de l’Allemagne sur son intérêt national qui nourrit les interrogations françaises, lesquelles sont largement partagées dans le reste de l’Union.

L’Allemagne n’est pas en reste dans ses récriminations à l’encontre de la France. Au début de la guerre en Ukraine, les tergiversations françaises sur la Russie, qu’il ne fallait « pas humilier » selon Emmanuel Macron, ont surpris et inquiété. A propos de Taïwan, lorsque le président déclara que « la pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise », ce fut la consternation à Berlin et dans l’ensemble des pays de l’Alliance atlantique. De même, le changement de doctrine du président, désormais favorable à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, fut accueilli mollement à Berlin dans la mesure où cette prise de position mettait l’Allemagne en porte à faux par rapport à Kiev. Dans l’affaire des défenses anti-missiles, l’Allemagne ne participa qu’à bas niveau au contreprojet français de Conférence sur la défense aérienne de l’Europe, le 19 juin 2023, où d’autres systèmes de défense furent évoqués, dont le système franco-italien Mamba. Plus globalement, Berlin regarde avec méfiance et réprobation une France qui continue de dépenser sans compter alors que l’heure doit être, aux yeux de Berlin, au retour de l’austérité et du contrôle budgétaire, deux années après la fin du covid.

Ces méfiances réciproques doivent être remises dans leur contexte. En réalité, France et Allemagne sont également affaiblies depuis la guerre en Ukraine. L’Allemagne a perdu le confort atlantique : la guerre fait rage aux frontières de l’Otan, la Russie est une vraie menace, les Etats-Unis sont exigeants en matière de défense et de budget. La France de son côté a perdu le confort européen : son rôle et son influence au sein de l’UE, par le biais de son ambition en matière d’autonomie stratégique et d’Europe politique, sont sérieusement remis en cause. L’Allemagne surtout est profondément traumatisée : le commerce et le pacifisme, ces deux piliers de son identité postfasciste, ont été réduits à néant par le retour de la guerre en Europe. Il lui faut désormais se reconstruire une identité en se réarmant et en se méfiant de l’interdépendance commerciale. La France doit être à ses côtés. D’autant qu’aucune alternative n’existe pour prendre en main le leadership des affaires européennes.  La Pologne en rêve mais la politique ouvertement anti-bruxelloise du PiS au pouvoir et les dysfonctionnements prononcés de la démocratie libérale empêchent aujourd’hui le pays de prétendre en l’état à ce rôle.

[1] « Robustesse. Résilience. Durabilité. Une sécurité intégrée pour l’Allemagne ». La France avait invité un haut responsable allemand à faire partie de la Commission qui rédigea le Libre blanc français de 2013

Le moteur franco-allemand : en crise certes, mais sans alternative – Institut Jacques Delors (institutdelors.eu)

*La représentation permanente francaise

Le rdv semble réussi – « Reset » annoncé sur nombre de points de discorde et des réunions de travail régulières planifiees

Voir l’intéressant article d’ Alexine Corblin : « Le changement d’époque (Zeitenwende) en Allemagne et ses implications pour la construction européenne »

Le changement d’époque (Zeitenwende) en Allemagne e – Question d’europe N°641 – Fondation Robert Schuman (robert-schuman.eu)

Faire oublier les dissonances ?

La Première ministre française et le chancelier allemand se retrouvent à Berlin ce vendredi 24 novembre. Élisabeth Borne et Olaf Scholz veulent accorder leurs violons au nom de l’Europe et faire oublier leurs dissonances sur la défense et l’énergie, amplifiées par la guerre en Ukraine.

Élisabeth Borne et Olaf Scholz se retrouvent à Berlin vendredi 25 novembre pour accorder au nom de l’Europe les violons français et allemands et faire oublier leurs dissonances sur la défense et l’énergie, amplifiées par la guerre en Ukraine.

La Première ministre française et le chancelier allemand veulent donner « un nouvel élan » au tandem, moteur de la construction européenne, comme Emmanuel Macron et Olaf Scholz le 26 octobre à Paris.

Élisabeth Borne rencontrera aussi Robert Habeck, vice-chancelier en charge de l’Économie et du climat, reçu mardi 22 novembre à Paris de manière assez inédite par le président français, qui s’est aussi entretenu avec la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock.

La nécessité de garder une relation franco-allemande forte

Avec l’offensive russe en Ukraine et la crise énergétique qu’elle a générée, « on a plus que jamais besoin d’Europe », souligne l’entourage de la Première ministre.

« On voit bien à quel point l’Europe a été indispensable pour affronter certaines crises. Et pouvoir faire marcher l’Europe, cela passe forcément par une très bonne relation franco-allemande », selon la même source.

« Ensemble nous sommes plus forts » pour notamment « faire face à la transition climatique et faire en sorte qu’entre la Chine et les États-Unis, il y ait une troisième puissance qui s’appelle l’Europe », a affirmé jeudi le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, en recevant le ministre allemand des Finances Christian Lindner.

« Je partage avec Emmanuel Macron l’objectif d’une Europe géopolitique, en capacité d’agir nettement plus », a déclaré pour sa part Olaf Scholz mercredi devant le Bundestag.

Livraisons réciproques de gaz et d’électricité

Pour faire oublier les différends énergétiques, Paris et Berlin pourraient marquer une solidarité accrue en matière de livraisons réciproques de gaz et d’électricité.

La France livre déjà depuis la mi-octobre du gaz à l’Allemagne qui, à son tour, pourrait avancer à novembre (au lieu de janvier) l’augmentation de ses capacités d’échange d’électricité, ce qui permettra à la France d’en recevoir davantage.

Les Occidentaux doivent-ils soutenir l’Ukraine jusqu’au retrait total des Russes ?

Débattez !

En raison de l’arrêt de nombreux réacteurs nucléaires, c’est la première fois depuis 42 ans que la France est importatrice nette d’électricité. Pour l’Allemagne aussi, le tournant est historique car le pays importait habituellement son gaz de Russie.

Pour autant les deux pays restent divisés sur l’idée de plafonner les prix du gaz. Et le plan d’aide de l’Allemagne de 200 milliards d’euros aux particuliers et aux entreprises face à l’envolée des prix fait craindre à ses voisins une distorsion de concurrence.

Bruno Le Maire et son homologue allemand Robert Habeck ont souhaité à cet égard mardi maintenir « une équité de concurrence » entre les deux pays.

Ils se sont aussi montrés désireux d’« accélérer » les projets industriels européens face au plan massif d’investissements des États-Unis (Inflation Reduction Act, IRA), lui aussi susceptible de fausser la concurrence et sur lequel Élisabeth Borne et Olaf Scholz discuteront d’une réponse européenne commune.

De nouveaux projets communs

Révélées au grand jour par un report du conseil des ministres franco-allemand, ces crispations ont cependant sorti certains projets de l’impasse, comme l’accord politique trouvé entre les industriels Dassault et Airbus sur le projet d’avion de combat européen (SCAF), même si aucune signature de contrats n’est prévue vendredi.

Dans le domaine spatial, alors que chaque pays cherche à développer ses propres mini-lanceurs, la France, l’Allemagne et l’Italie se sont accordés mardi pour permettre à ces petites fusées d’être envoyées pour le compte de l’Agence spatiale européenne.

Mais le projet de bouclier antimissile promu par Berlin, concurrent de celui de Paris et de Rome, sera lui abordé « dans un autre format de discussions ».

Aucune date ne devrait non plus être officialisée pour le prochain conseil des ministres franco-allemand, en attendant les grandes retrouvailles du 22 janvier, jour du 60e anniversaire du Traité franco-allemand.

La communication pourrait d’autant mieux passer avec Élisabeth Borne qu’elle est la ministre « la plus allemande » du gouvernement français de par son « sérieux », son « refus des effets de manche » et sa « discrétion », estime Alexandre Robinet-Borgomano, de l’Institut Montaigne.

Hans Stark, conseiller à l’Institut français des relations internationales (Ifri), pense que cette visite vise surtout à « instaurer un mode de travail » et à éviter d’apparaître divisés face à la Russie.

Élisabeth Borne et Olaf Scholz veulent accorder leurs violons au nom de l’Europe (ouest-france.fr)

La France et l’Allemagne signent un accord de « soutien mutuel » afin de « garantir leur approvisionnement énergétique »

Des « mesures concrètes » sont prévues, notamment une aide française à l’Allemagne à travers des livraisons de gaz, tandis que celle-ci soutiendra la France pour « sécuriser son approvisionnement en électricité ».

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, et la première ministre française, Elisabeth Borne, à Berlin, en Allemagne, le 25 novembre 2022.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, et la première ministre française, Elisabeth Borne, à Berlin, en Allemagne, le 25 novembre 2022. MICHAEL SOHN / AP

Le réchauffement des relations franco-allemandes s’est concrétisé. Les chefs des gouvernements français et allemand ont signé, vendredi 25 novembre à Berlin, un accord sur des mesures devant permettre un « soutien mutuel » entre les deux pays afin de « garantir leur approvisionnement énergétique », au moment où les prix flambent.

Des « mesures concrètes » sont ainsi prévues, en particulier une aide de la France à l’Allemagne à travers des livraisons de gaz, tandis que l’Allemagne soutiendra la France pour « sécuriser son approvisionnement en électricité », selon une déclaration commune signée par Elisabeth Borne et Olaf Scholz.

EN DIRECT I Déclaration de la Première ministre @Elisabeth_Borne et du Chancelier de la République fédérale d’Allem… https://t.co/JGAVjfu4hm— gouvernementFR (@Gouvernement)

« Plus les temps sont difficiles, plus la coopération entre l’Allemagne et la France est importante », a fait valoir le chancelier allemand lors d’une conférence de presse. La première ministre française, pour sa première visite à Berlin en tant que cheffe du gouvernement, a de son côté prôné une « unité qu’il faut maintenir » devant les crises multiples auxquelles est confronté le couple franco-allemand.

La France est, pour la première fois depuis quarante-deux ans, importatrice nette d’électricité, en raison d’un niveau de production d’électricité nucléaire au plus bas. Depuis 1981, la France avait toujours été exportatrice nette d’électricité auprès de ses voisins, notamment grâce à ses centrales nucléaires couvrant plus de 60 % de sa production de courant.

Mais depuis janvier, elle a importé davantage d’électricité qu’elle n’en a exportée, car près de la moitié de son parc nucléaire est indisponible en raison de maintenances programmées mais parfois prolongées ou de problèmes de corrosion.

Des risques de coupures en janvier

Le niveau d’approvisionnement devrait permettre à la France de passer sans problème le mois de décembre, mais pour janvier, des risques de coupures existent en cas de grand froid, si la consommation ne baisse pas.Lire aussi : Le gouvernement rattrapé par la menace de coupures d’électricité pendant l’hiver

L’accord signé avec Berlin formalise ainsi un effort déjà mis en œuvre depuis la mi-novembre par l’Allemagne, qui consiste à « maximiser autant que possible la capacité d’interconnexion mise à la disposition du marché », selon le texte de l’accord.

En complément, l’Allemagne « s’engage à reporter la sortie progressive des centrales nucléaires restantes jusqu’à la mi-avril 2023 afin de fournir des volumes supplémentaires d’échange d’électricité à la France », ainsi qu’à « mobiliser toutes les capacités de production de marché et de réserve (…) pour maximiser les flux d’électricité vers la France ».

Pour l’Allemagne aussi, le tournant est historique, car le pays était très dépendant du gaz de Russie et doit diversifier ses approvisionnements en se tournant vers l’Ouest.

Depuis la mi-octobre, la France a mis en service une nouvelle capacité d’exportation vers l’Allemagne « pouvant atteindre 100 GWh par jour », selon l’accord.

La France dispose de quatre terminaux fixes d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) alors que l’Allemagne n’en a pas, et elle prévoit d’avoir un terminal méthanier flottant supplémentaire au Havre « à l’hiver 2023-2024 », rappelle l’accord.

L’Allemagne aussi installe des terminaux méthaniers flottants. Deux seront livrés dès cet hiver à Wilhelmshaven et Brunsbüttel, et trois autres, « d’ici à fin 2023 ».

« Un soutien indéfectible à l’Ukraine »

Lors de la conférence de presse avec le chancelier allemand, la première ministre française a par ailleurs déclaré :

« Depuis le premier jour de cette guerre brutale, nos deux pays ont apporté un soutien indéfectible à l’Ukraine. (…) Nous avons œuvré à une réaction européenne forte et commune. Nous sommes, monsieur le chancelier, pleinement alignés : nous continuerons à le faire. Nous soutiendrons l’Ukraine jusqu’au bout de ce conflit. »Lire aussi : Malgré leurs différends, Paris et Berlin s’efforcent de renouer le dialogue

Le chancelier allemand a jugé de son côté que « la politique de terreur par les bombes de la Russie contre les infrastructures civiles en Ukraine doit prendre fin »« La Russie doit mettre un terme à cette guerre et retirer ses troupes, immédiatement », a-t-il ajouté, en précisant que l’Allemagne et la France œuvraient pour aider l’Ukraine « à reconstruire son infrastructure énergétique », en partie détruite.

Près de la moitié des habitants de Kiev étaient toujours privés d’électricité vendredi, alors que les températures sont hivernales, deux jours après des frappes russes ayant une nouvelle fois visé des infrastructures essentielles.

Le Monde avec AFP