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Un quart des terres agricoles en Europe doit être travaillé en agriculture biologique d’ici à 2030 : c’est l’objectif que vise la Commission européenne dans le cadre du Pacte vert. Mais si le bio peut relever le défi d’une agriculture plus durable, l’ambition européenne affichée n’est pas sans risques.
Le bio a le vent en poupe. La surface agricole européenne travaillée sous le régime de l’agriculture biologique (AB) a augmenté de 66 % au cours des dix dernières années. Et la crise sanitaire aura renforcé la volonté du consommer bio dans la population. Une tendance que la Commission européenne souhaite appuyer encore davantage : dans le cadre du nouveau Pacte vert et notamment sa stratégie « De la ferme à la fourchette » visant une alimentation plus durable, elle a fixé l’objectif d’atteindre au moins 25 % de surface agricole en agriculture biologique à l’horizon 2030, contre 8,5 % aujourd’hui.
Dans son plan d’action pour le développement de l’agriculture biologique publié fin mars – et que le commissaire européen chargé de l’agriculture Janusz Wojciechowski doit présenter au Parlement européen ce mercredi (14 avril) – la Commission souligne le « rôle centrale » de l’AB pour réussir la relance européenne après la crise.
« C’est le moment du bio », a aussi assuré Elena Panichi, cheffe d’unité Organics au sein de la Direction générale de l’agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne, lors d’une conférence organisée par Euractiv en début de semaine. L’AB serait à même de répondre au triple défi que rencontre le monde agricole aujourd’hui : entamer une transition vers des modes de production plus respectueux de l’environnement tout en garantissant des revenus équitables aux agriculteurs – et en leur donnant des perspectives pour assurer le renouvellement générationnel tant nécessaire en vue de l’autonomie alimentaire française et européenne.
Trouver des solutions qui « ne détruisent pas » les producteurs
Toutefois, si le bio peut être une vraie réponse aux ambitions vertes de l’UE, la seule poussée pour plus d’agriculture biologique ne suffira pas pour réussir le pari. « Bien sûr qu’il faut accentuer l’accompagnement des agriculteurs vers plus d’agriculture biologique », soutient l’eurodéputé Jérémy Decerle (Renew Europe), membre de la commission AGRI au Parlement européen. « Mais l’UE n’atteindra ses objectifs qu’en étant le plus cohérent et pragmatique possible », avertit-il.
Plus de bio et moins de pesticides seraient des bonnes ambitions, mais en face desquelles il faudra aussi considérer la « réalité économique des agriculteurs ». « Il n’y aura pas d’alimentation de qualité sans rémunération certaine des producteurs », poursuit-il. Producteurs qu’il faudra en outre accompagner vers des alternatives aux pesticides « qui ne les détruisent pas » – et leur permettront donc de continuer avant tout à répondre à leur objectif premier, celui de nourrir la population.
Autre problématique à prendre en compte, la course au bio risque de créer de la suroffre. « Il est indispensable de faire évoluer le marché », explique Felix Noblia, agriculteur bio et vice-président de Fermes d’Avenir. Car « si on augmente l’offre trop rapidement, on tue des agriculteurs ». Raison pour laquelle le plan d’action de la Commission vise à « booster la consommation », assure Elena Panichi, en misant notamment sur une augmentation des produits bio dans la restauration publique.
Et si le prix du bio est aujourd’hui l’un des principaux obstacles pour les consommateurs, plus la filière se développera, plus elle sera accessible, soutient Loïc Madeline, secrétaire national de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB). Un développement qui dépendra surtout d’une volonté politique forte, estime-t-il.
Cette volonté, il faudra aussi en faire preuve vis-à-vis de la concurrence internationale : « Si l’Europe est volontariste dans sa réglementation alimentaire, il va clairement falloir être très volontariste dans les règlements aux frontières également pour éviter les distorsions de concurrence », avertit Cécile Détang-Dessendre, directrice scientifique adjointe Agriculture à l’INRAE. En même temps, c’est justement le bio qui pourrait permettre au secteur agroalimentaire européen de rester compétitif, estime de son côté Mylène Testut-Neves, sous-directrice Compétitivité au Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, grâce au label AB, « porteur de valeur ajouté ».
Enfin, la réussite du bio ne pourra se faire sans les consommateurs. Il faudra « retrouver de la cohérence entre l’attente des consommateurs et leurs actes de consommation », explique Jérémy Decerle en vue notamment du prix juste à payer pour des produits de qualité. « La moitié des produits bio sont aujourd’hui importés », rappelle aussi Cécile Détang-Dessendre, preuve d’une demande pour des produits exotiques, mais aussi souvent de contre-saison – comme des fraises en hiver. Supporter le bio en Europe, c’est aussi faire un choix et « accepter de manger les fruits et légumes de notre latitude à la bonne saison », explique la chercheuse.
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