Le CESE, « âme » de la société civile en Europe ?

Isabel Caño Aguilar, vice présidente du CESE en charge de la communication – Crédits : Comité économique et social européen

Propos recueillis par Boran Tobelem, à Bruxelles

Le Comité économique et social européen (CESE) est un organe peu connu de l’Union européenne. Ses 350 membres issus des 28 Etats de l’UE sont pourtant consultés sur la plupart des projets de législation européens. Et ils défendent les intérêts de la société civile. L' »âme » de la construction européenne, selon Isabel Caño Aguilar, vice-présidente du CESE en charge de la communication.

Quelle est la raison d’être du CESE ? Qu’apporte-t-il de plus par rapport aux institutions exécutives et législatives de l’Union européenne (la Commission, le Parlement et le Conseil) ?

Le Comité économique et social européen a presque le même âge que le début de la construction européenne. Nous avons fêté nos 60 ans en 2018. Cela signifie que les pères fondateurs de l’Europe ont très tôt pris conscience qu’il manquait une « âme » à la construction européenne, celle de la société civile. Les PME, les grandes entreprises, les syndicats ou encore les agriculteurs, tous les groupes constituant cette société sont ainsi représentés au sein du CESE. Nous sommes la maison de la société civile.

Au-delà de cette fonction de représentation, notre principale tâche est d’être consultée dans presque tous les domaines législatifs de l’Union européenne. En tant que syndicalistes, employeurs, consommateurs, environnementalistes, personnes atteintes d’un handicap, nous sommes sur le terrain, où nous évoluons dans nos propres organisations. Nous pouvons ainsi prendre la mesure des besoins de l’ensemble du tissu productif et ceux de la vie quotidienne de tous les citoyens, pour ensuite les inclure dans la législation.

Le Comité économique et social européen (CESE)

Pourriez-vous nous citer des exemples récents de travaux réalisés par le CESE ?

Avec la présidence autrichienne du Conseil de l’UE (1er juillet – 31 décembre 2018), nous avons par exemple beaucoup travaillé sur tout ce qui a trait à l’intelligence artificielle (IA) et à l’économie numérique. A la demande de la présidence, le CESE a rendu un avis dans lequel nous avons évoqué les enjeux, les défis et les possibilités liés à l’IA. Pour vous donner une idée du niveau de détail que peuvent atteindre nos avis, nous y avons mentionné les mesures à prendre pour assurer la sécurité des travailleurs des usines dans lesquelles se trouvent des robots : isolation de ces derniers (dans un lieu où il est possible de les neutraliser en cas d’incendie ou de tout autre dysfonctionnement), doubles systèmes de blocage, prévention des feux liés à des courts-circuits… Le numérique est également important dans nos travaux avec la présidence finlandaise du Conseil (1er juillet – 31 décembre 2019).

Nous nous sommes aussi penchés très tôt sur l’économie circulaire, avant tout processus législatif sur la question. Dans un avis d’initiative [rendu par le CESE sans avoir été saisi par une institution européenne], nous avons mis en exergue l’opportunité qu’elle constitue en termes de développement durable face aux excès de l’économie linéaire. Tout en soulignant la nécessité de veiller à ce qu’elle ne détruise pas l’emploi. Nous avons par ailleurs initié une plateforme pour rassembler tous les acteurs de l’économie circulaire.

En matière d’inclusion, le CESE s’est notamment investi dans la question de l’égalité hommes-femmes, avec des travaux pour favoriser l’inclusion des femmes dans tous les secteurs productifs, où elles sont le plus souvent sous-représentées. Nous avons aussi travaillé sur l’inclusion des personnes handicapées. Pour les élections européennes de mai 2019, nous avons listé les très nombreuses barrières physiques et législatives qui empêchent ces citoyens [800 000 selon les estimations du rapport d’information du CESE] de se rendre aux urnes. Ces obstacles se trouvent dans tous les Etats membres, et interdisent donc à des citoyens comme vous et moi d’aller voter. Nous avons ainsi identifié un problème qui ne devrait pas exister dans l’UE au XXIème siècle, alors que nous nous targuons d’être des champions de la démocratie…

La lutte contre le changement climatique est affichée comme une priorité par les institutions de l’UE, et notamment la nouvelle Commission von der Leyen, entrée en fonction le 1er décembre. Quelle est la position du CESE sur ce dossier ?

Le CESE a envoyé une délégation à la COP 25 [2-15 décembre 2019]. Si nous ne pouvons pas participer aux négociations, nous portons la voix de la société civile. Il ne faut pas qu’il y ait de laissés pour compte dans la transition écologique. Il faut avoir conscience que certains territoires risquent d’en souffrir, à cause de secteurs productifs usant de manière intensive du charbon, de politiques industrielles qui ne sont plus adaptées à un monde sobre en carbone.

Quel que soit le domaine où nous agissons, notre valeur ajoutée est que nous portons notre voix ensemble : les travailleurs, les producteurs, les consommateurs ou encore les environnementalistes du CESE doivent ainsi aboutir à des consensus, un mot très important pour notre assemblée.

Vos avis sont-ils écoutés par les institutions européennes ?

Premièrement, il faut souligner que nous sommes obligatoirement consultés, comme le disposent les traités. Deuxièmement, nous sommes écoutés. La Commission européenne, par exemple, nous envoie tous les trimestres un document indiquant dans le détail les éléments de nos avis et recommandations qu’elle reprend dans la législation.

Le CESE souhaiterait que la Commission prenne en compte beaucoup plus d’aspects de nos travaux dans les siens. Mais dans le processus législatif, après la Commission européenne, se trouve le Conseil, qui représente les Etats membres et qui peut lui-même rejeter tout ou partie de ce que celle-ci propose, comme le Parlement européen. Le CESE est l’un des rouages : nous sommes les premiers à être consultés, mais nous ne sommes pas les derniers.

Comment rendre le CESE plus efficace dans sa mission ?

Rendre le CESE plus efficace, c’est le rapprocher du citoyen et du monde du travail. Pour ce faire, il faudrait d’abord que les liens de ses membres avec leurs organisations d’origine soient renforcés. Quand un membre se rend au CESE, il doit savoir qu’il représente un syndicat, une petite entreprise ou bien une ONG. C’est ce qui rend en premier lieu le travail du CESE efficace.

Ensuite, il conviendrait d’améliorer les relations interinstitutionnelles. Ce n’est pas un hasard si notre siège se situe dans le quartier des institutions européennes à Bruxelles. Car nos avis doivent être écrits en relation avec tous les acteurs institutionnels qui constituent l’Europe pour être utiles. C’est pourquoi nous devons être du mieux possible insérés dans les institutions de l’UE.

Enfin, un troisième élément est le suivi des avis. Parfois, nous formulons d’excellents avis, qui sont dans tous les cas envoyés aux institutions car c’est prévu comme cela, mais qui ne sont pas assez relayés une fois le processus législatif achevé. Or même si la loi est passée, notre avis demeure. Après l’adoption de la législation, l’avis a une vie ! Nous pourrions présenter plus souvent les avis dans les Etats membres, de même que davantage les suivre avec les associations concernées.

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