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L’Assemblée nationale a approuvé l’accord de libre-échange UE-Canada malgré le débat sur le climat et sur le recours à l’arbitrage en cas de différends. Peu connu car souvent confidentiel, ce mécanisme offre pourtant de sérieuses garanties surtout en France, capitale historique de l’arbitrage.
Louis Degos est arbitre international et avocat chez K&L Gates.
Le dispositif d’arbitrage prévu dans le CETA représente un risque : les entreprises pourraient attaquer les États, et fragiliser la règlementation européenne. Qu’en pensez-vous ?
Faire du système juridictionnel de l’arbitrage un risque, c’est inepte. On dit que ce système privilégierait les grandes entreprises aux dépens des États. Mais ce n’est pas le cas : c’est la position de personnes qui font de la politique, pas de gens qui pratiquent la justice !
Pourtant la jurisprudence de l’arbitrage montre que certains États ont parfois été condamnés après avoir été attaqués par des multinationales…
C’est vrai, mais c’est rare. Et ces États sont rarement européens, ce sont plutôt des états qui n’appliquent pas bien la règle de droit. C’est pour cela que l’arbitrage en matière d’investissement des entreprises fait plus peur qu’en matière commerciale : il y a eu des condamnations lourdes à propos d’investissements étrangers.
Mais ce qui ne va pas dans ce raisonnement, c’est d’estimer qu’un État ne devrait pas être condamné. Pourquoi pas, s’il ne respecte pas le droit ?
Dans le CETA, la question de l’arbitrage pour les investissements est très contestée. Pourquoi ?
L’arbitrage, c’est une justice empreinte de confidentialité, ce qui peut faire peur. Mais c’est aussi une justice très aboutie : c’est de la justice sur-mesure, les moyens sont différents que pour la justice étatique qui fait du prêt-à-porter. Les plaidoiries sont beaucoup plus longues, les sujets plus approfondis.
Il faut garder en tête que le système d’arbitrage du CETA, c’est l’application de l’état de droit. Il prévoit l’arbitrage d’investissements mis en place par des traités, et dans des conditions plus favorables pour les États, donc ce sera relativement difficile pour des entreprises de poursuivre des États.
En quoi cet arbitrage est-il différent de l’arbitrage classique ?
Dans une procédure classique, chacun choisit un arbitre, et les arbitres choisissent le juge. Dans le CETA, l’État fait une préselection d’une liste d’arbitres. Les opérateurs privés seront donc jugés par des arbitres choisis par l’Etat.
Qu’est ce que le « veto climatique » mis en place dans le cadre du CETA ?
C’est un terme peu juridique ! L’article 8 point 9 du traité protège l’ensemble des règlementations sur le bien commun : la santé publique, l’environnement, la protection des consommateurs et de la biodiversité. Ce qui rend difficile pour une entreprise d’attaquer des décisions qui ne sont pas favorables à ses investissements.
Est- ce que les entreprises ne pourront pas tout de même contester les dites décisions ?
On ne peut pas empêcher une entreprise d’attaquer des décisions, mais disons que leurs chances de gagner seront modestes !
Le débat sur l’arbitrage se poursuit ailleurs en Europe, mais est particulièrement animé en France. Pourtant, le fait que Paris soit la principale place d’arbitrage devrait protéger l’État français ?
Il est vrai que la France est une des plus grandes places d’arbitrage au monde en nombre d’affaires et nombre d’arbitres : la chambre de commerce internationale est installée à Paris depuis 1923. Donc on trouve en France le droit de l’arbitrage le plus moderne du monde, il est copié de partout ! Il y a entre 200 et 250 arbitres à Paris, on ne trouve nulle part une telle concentration même si les places de Londres, Zurich, Singapour, New-York et Sao Paulo exercent une concurrence croissante. C’est un élément important du débat.