La politique européenne de lutte contre le changement climatique

Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe


L’Union européenne affiche des objectifs ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique. Conformément aux recommandations du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), elle s’efforce de réduire ses émissions de gaz à effet de serre en vue de contenir le réchauffement en-dessous de 2°C en 2100, par rapport à l’époque préindustrielle (milieu du XIXe siècle).


L’engagement international de l’UE : du protocole de Kyoto à la COP21

La Communauté européenne a adopté son premier programme d’action pour l’environnement en 1972. Dans le cadre du protocole de Kyoto, signé en 1997, elle s’est ensuite engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 8 % entre 2008 et 2012 par rapport aux niveaux de 1990. Ce premier objectif a été atteint.

Le protocole de Kyoto est cependant arrivé à échéance en 2012, et un nouvel accord international a dû être négocié pour poursuivre ces efforts. 193 Etats se sont ainsi réunis à Doha en 2012 dans le cadre de la 18e Conférence des parties (ou COP).

Qu’est-ce qu’une « COP »?

Les fameuses « COP » correspondent aux réunions annuelles des pays qui ont ratifié la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992.

A l’issue de la conférence de Doha, seuls quelques pays ont toutefois accepté de participer à la seconde phase du Protocole de Kyoto, prolongé de justesse jusqu’en 2020, le temps de trouver un nouvel accord global. L’Union européenne et l’Islande ont accepté de réduire davantage leurs émissions durant cette période (- 20% par rapport à 1990). Mais avec les huit autres pays industrialisés dont l’Australie, la Norvège et la Suisse, qui participent à cette deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, ils ne représentent que 15 % des émissions globales de gaz à effet de serre dans le monde.

Un sommet Rio+20 décevant

En juin 2012, 188 pays se sont aussi retrouvés à Rio de Janeiro, lors de la conférence Rio+20. Il s’agissait du 20ème anniversaire du Sommet de la Terre qui avait permis de reconnaître l’existence du réchauffement climatique et d’adopter le programme « Agenda 21 ». Mais en 2012, le document issu du sommet a été qualifié de « trop faible » et « sans ambition » par les ONG.

En décembre 2015, lors de la Conférence de Paris sur le climat, dite « COP21« , les pays de la Conférence des parties se sont à nouveau réunis pour tenter de négocier un nouvel accord « global et ambitieux« . L’Accord de Paris, adopté par 195 pays, est le premier accord mondial juridiquement contraignant sur le climat. Il prévoit de contenir le réchauffement climatique « bien en-dessous de 2°C », avec des objectifs annoncés au niveau national et qui devront être régulièrement révisés « à la hausse », mais sans toutefois prévoir de comité de contrôle ou de moyens de sanction en cas de non respect de ces engagements.

L’Accord est entré en vigueur en novembre 2016 après que 55 pays représentant au moins 55% des émissions l’ont signé.

En 2019, 169 pays l’ont ratifié, mais pas la Russie (près de 8% des émissions mondiales de GES en 2013). Par ailleurs, le président américain Donald Trump a annoncé en juin 2017 le retrait des États-Unis de l’Accord (près de 18% des émissions mondiales de GES).

Le plan d’actions européen : des objectifs contraignants

2008 : trois objectifs chiffrés pour 2020

Afin d’appuyer ses engagements internationaux, l’Union européenne s’est dotée en 2008 d’un plan d’actions appelé « paquet énergie-climat ».

Pour lutter contre le changement climatique, il prévoit la réalisation de l’objectif des « 3 fois 20 » à l’horizon 2020 : réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre (par rapport aux niveaux de 1990), améliorer de 20% l’efficacité énergétique, et porter à 20% la part d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de l’UE.

Ce paquet de 2008 précisait que l’UE serait prête à porter son engagement de réduction d’émissions de GES jusqu’à 30% si les autres pays industrialisés prenaient des engagements comparables, ce qui n’a pas été le cas lors de la COP15 de Copenhague.

En 2010, la Commission a tout de même invité les Etats membres à s’engager sur de telles réductions, mais elle a dû reculer devant le désaccord de plusieurs Etats membres, parmi lesquels la France et l’Allemagne.

2014 : de nouveaux objectifs pour 2030

Afin de prolonger le paquet sur le climat et l’énergie au-delà de 2020, la Commission européenne a présenté en janvier 2014 une nouvelle série d’objectifs pour 2030.

Les chefs d’État et de gouvernement ont adopté le nouveau paquet lors du Conseil européen du 24 octobre 2014. Ses objectifs pour 2030 sont :

  • Au moins 40% de réduction des émissions de GES par rapport à 1990 (objectif contraignant). 
  • Porter à 27% la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de l’UE.
    En 2018, cet objectif a été rehaussé à 32% de la production d’énergie (objectif contraignant).
  • Améliorer d’au moins 27% l’efficacité énergétique par rapport aux projections faites en 2007.
    En 2018, cet objectif a été rehaussé à 32,5% (objectif indicatif).

Par ailleurs, seules les réductions d’émissions de GES réalisées sur le continent européen seront comptabilisées, et non plus celles effectuées par des entreprises européennes hors d’Europe.

Dans le secteur de l’industrie : le marché du carbone européen

Les objectifs de réduction des émissions de GES de l’Union européenne reposent notamment sur l’instauration d’un marché des « droits à polluer« , ou système d’échange de quotas d’émission (ETS).

Mis en œuvre en 2003, il plafonne le niveau global des émissions autorisées dans l’UE et, dans cette limite, permet aux industries d’acheter et de vendre des quotas d’émissions, selon leurs besoins. Il existe donc un plafond de pollution industrielle, revu à la baisse chaque année (1,9 milliard de quotas en 2018, par exemple).

Un « quota » donne le droit d’émettre une tonne de dioxyde de carbone (CO2), ou l’équivalent en dioxyde d’azote (NO2) ou hydrocarbures perfluorés.

Ce marché couvre aujourd’hui 11 000 installations électriques et industrielles réparties sur son territoire et celui des pays associés – Norvège, Islande et Liechtenstein, dans les secteurs énergétique, manufacturier et de l’aviation.

Pour que les objectifs européens soient atteints en 2030, les secteurs couverts par le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (SEQE) devront réduire leurs émissions de 43 % (par rapport à 2005).

L’activité des entreprises polluantes s’étant fortement réduite avec la crise économique, le prix de la tonne de carbone s’est toutefois effondré (5€ en 2012) jusqu’à rendre l’ETS totalement inefficace. En juillet 2013, l’Union européenne a donc décidé de geler 900 millions de tonnes de quotas de CO2 qui devaient être mises en vente entre 2014 et 2016, pour tenter de faire remonter les prix.

Afin d’endiguer cet excédent de quotas sur le long terme et d’atteindre les objectifs de réduction des émissions d’ici à 2030, une réforme du système d’échange a ensuite été proposée par la Commission européenne en juillet 2015. Celle-ci est adoptée le 14 mars 2018, avec pour objectif de faire remonter le prix de la tonne de carbone. 

La directive prévoit que le nombre d’allocations mises sur le marché diminue plus rapidement à l’avenir, de 2,2% chaque année à partir de 2021 (contre 1,74% actuellement). Elle renforce la réserve de stabilité de quotas, qui permet de retirer du marché « jusqu’à 24% des crédits en excès chaque année » à partir de janvier 2019.

Cette réforme crée deux fonds pour l’innovation et la modernisation, destinés en priorité aux pays dont le revenu par habitant est inférieur à 60% de la moyenne européenne. Ils visent à soutenir l’industrie et les secteurs de l’électricité pour qu’ils effectuent une transition vers une économie à faible intensité en carbone.

En septembre 2018, le prix de la tonne de carbone – qui n’atteignait toujours que 5€ en 2017 – est remonté à 20€, seuil à partir duquel l’incitation à investir dans les technologies propres devient significative.

La réduction des émissions dans le secteur des transports, de l’agriculture, du logement et des déchets

Les secteurs non couverts par le marché du carbone européen (transports, agriculture, logement et déchets) représentent la moitié des émissions de GES de l’UE.

Pour atteindre ses objectifs globaux, l’UE leur impose actuellement d’abaisser leurs émissions de GES de 10 % d’ici à 2020, par rapport à 2005 (l’effort ayant été réparti entre tous les Etats membres, la France s’est vue assigner un objectif de -14 %).

En 2014, cet objectif européen a été porté à -30 % pour la période 2021-2030, par rapport à 2005. 

Quid des voitures et des camions ?

Le Parlement européen et le Conseil se sont récemment accordés sur des objectifs de réduction des émissions de CO2 en matière de transport routier : -37,5% pour les voitures neuves et -31% pour les camionnettes neuves d’ici à 2030. Ces objectifs ont été approuvés par les députés européens en mars 2019.

Le 18 avril 2019, les eurodéputés ont également approuvé une proposition visant à réduire les émissions de CO2 des camions et des poids lourds neufs de 30% d’ici à 2030, par rapport au niveau actuel.

L’Union européenne a aussi adopté un nouveau règlement en 2018 sur le « partage de l’effort » entre les États membres. Ce dernier doit être guidé par deux principes : la nécessité de proportionner les efforts de chaque État membre en fonction de son potentiel lié au PIB/habitant ; et le maintien d’un niveau suffisant permettant d’atteindre l’objectif global de réduction d’au moins 40% des émissions de GES à horizon 2030, par rapport à 1990.

Le dispositif prévoit également la création d’une réserve de sûreté de 100 millions de tonnes, qui sera accessible en fin de période si l’UE a dépassé de plus de 100 millions de tonnes son objectif pour 2030. Les États membres éligibles seront ceux dont le PIB/habitant est inférieur à la moyenne de l’UE, qui ont atteint leur objectif 2020 et qui, en dernier recours, en ont besoin pour respecter leur budget.

En 2018, l’UE a également adopté un règlement sur « l’utilisation des terres et le changement d’affectation des terres et foresterie« . Il fixe, pour la première fois, un engagement contraignant pour chaque État membre de veiller à ce que les émissions résultant de l’utilisation des sols soient entièrement compensées par une réduction équivalente des émissions dans l’atmosphère.