Intervenir sur le marché européen du carbone pourrait avoir des « conséquences involontaires » – EURACTIV.fr

Grain de sel VDB : le contexte

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a érigé la politique climatique en priorité  de son mandat  en faisant adopter une législation visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et à réduire les émissions de l’UE de 55 % d’ici 2030.

Pascal Canfin  président de la commission de l’Environnement joue un rôle majeur et met  en garde contre les positions tranchées sur la réforme du marché du carbone proposée car   l’absence d’accord sur le paquet avant un vote en commission le 17 mai risque de faire dérailler l’agenda climatique de l’UE.

Le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) qui établit le plus grand marché du carbone au monde,   » bijou de la politique climatique européenne » est en  révision afin d’aligner l’Union sur son ambition  climat de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030.

Alors que la guerre en Ukraine se poursuit, les Européens trouvent de nouvelles raisons de faire avancer le « Green Deal » de l’UE, qui constitue aussi le moyen  de mettre fin à leur dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles russes.

Points de friction :

 PPE et S&D  sont opposés sur des aspects clés de la réforme du marché du carbone.

Le PPE insiste sur l’instauration d’un prix du carbone pour les émissions provenant des transports et des bâtiments et demande une période de transition liée à la guerre en Ukraine qui a rendu les objectifs climatiques de l’UE plus difficiles à atteindre à court terme. Les Etats se préparant à redémarrer des centrales électriques au charbon au cas où l’approvisionnement en gaz russe serait interrompu.

Les socialistes et les Verts ont prévenu que cela ferait grimper les factures d’énergie des consommateurs et ont insisté sur un fonds social pour le climat plus important pour indemniser les ménages  pauvres et veulent séparer les mesures visant à créer un nouveau système d’échange de quotas d’émission pour les transports et les bâtiments.

P. Canfin: «  le PPE doit accepter que la proposition SCEQE 2 soit recalibrée, en commençant plus modestement » afin de prendre en compte les considérations sociales. « Et de leur côté, les socialistes doivent accepter que si le SCEQE 2 est limité, le fonds social doit également être limité. »

En fait, de nombreux députés préféreraient retarder le vote du Parlement sur la réforme du marché du carbone jusqu’en septembre, lorsque les pays de l’UE se montreront plus clairs sur la réponse du bloc face à la guerre menée par la Russie en Ukraine.

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La spéculation sur le SEQE-UE

Une eurodéputée de premier plan a mis en garde contre les « conséquences involontaires » potentielles d’une intervention sur le marché du carbone de l’UE, alors que certains gouvernements et secteurs industriels appellent à freiner l’activité des acteurs financiers qui adoptent des positions spéculatives sur le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE).

Le prix des quotas d’émission carbone du SEQE-UE a augmenté d’environ 150 % au cours de l’année écoulée, atteignant le niveau record de 98,49 € par tonne à la mi-février 2022.

Cette flambée des prix a placé le SEQE-UE sous surveillance dans certaines capitales européennes, qui sont confrontées à la flambée des prix de l’énergie. Certains gouvernements, tels que ceux de la Pologne ou de l’Espagne, ont demandé que des mesures soient prises pour enquêter sur la présence d’acteurs financiers, tels que des fonds d’investissement ou des fonds de pension, qui pourraient avoir alimenté la spéculation sur le marché européen du carbone.

La Commission européenne a minimisé ces allégations à plusieurs reprises, affirmant que les prix reflètent l’ambition climatique croissante de l’UE. L’année dernière, l’UE a fixé un objectif de réduction des émissions d’au moins 55 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030, avant d’atteindre un objectif de zéro émission nette d’ici à 2050.

Un récent rapport de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), publié fin mars, ne relève aucune anomalie majeure dans le fonctionnement du marché du carbone, mais recommande d’accroître la transparence et la surveillance du SEQE-UE.

Le marché du carbone devant permettre une réduction des émissions de 61 % d’ici 2030 dans les secteurs couverts par rapport aux niveaux de 2005.

Selon Mme Guteland, libérer des quotas d’émissions de la réserve de stabilité du marché (RSM), qui absorbe l’offre, pourrait entraîner une chute soudaine des prix du CO2, et donc réduire les incitations à la décarbonisation pour les industries: « Nous ne voulons pas intervenir dans le système et provoquer des effets involontaires qui nuiraient à un mécanisme basé sur le marché et à sa prévisibilité sur le long terme »

« Même si nous connaissons des prix plus élevés ces dernières années, ce n’est pas là où ça devrait être », a prévenu l’eurodéputée suédoise, affirmant qu’un prix d’au moins 100 dollars était nécessaire pour inciter les industries à décarboniser.

L’instabilité des prix

Une étude de la société de conseil Compass Lexecon publiée le mois dernier indique que certains éléments de la conception du marché du carbone de l’UE et du MSR « provoquent une instabilité des prix », d’autant plus que les fonds d’investissement et même les fonds négociés en bourse (ETF) basés en dehors de l’Europe s’intéressent de plus en plus au commerce des quotas d’émissions de carbone de l’UE.

« L’instabilité des prix pourrait avoir des conséquences néfastes pour la décarbonation », a déclaré Fabien Roques, vice-président exécutif chez Compass Lexecon qui a présenté l’étude lors de l’événement EURACTIV.

L’étude de Compass Lexecon a été commandée par la compagnie d’électricité polonaise PGE, qui affirme que le marché du carbone de l’UE dans sa forme actuelle a « énormément affecté » ses plans de décarbonisation. La spéculation sur le marché « limite notre capacité à devenir “totalement verts” », a déclaré Wanda Buk, vice-présidente chargée des affaires réglementaires chez PGE, qui propose d’exclure les acteurs financiers, en particulier ceux basés dans des paradis fiscaux hors d’Europe.

« Ce ne sont pas des institutions intéressées par la décarbonation en Europe, mais elles détiennent simplement les quotas pour des profits futurs », a déclaré Mme Buk lors de l’événement, qui était parrainé par PGE.

Les mesures prises dans d’autres juridictions afin de limiter l’influence des acteurs financiers dans le marché du carbone ont toutefois « démontré qu’elles avaient des effets négatifs » en termes de liquidité du marché, a répondu Fabrizio Planta, chef du service des Marchés et de la Communication des données à l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA).

En Corée du Sud par exemple, le SEQE coréen a connu « un gros problème de liquidité » lorsque les financiers ont été exclus du marché, a déclaré Michael Pahle de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique, en Allemagne.

Selon M. Pahle, le SEQE-UE a besoin de plus de transparence et d’une meilleure explication de ce qui fait monter ou descendre les prix.

« Certains acteurs affirment pouvoir expliquer les mouvements de prix, d’autres disent qu’ils ne peuvent pas être expliqués, laissant entendre qu’ils doivent être guidés par la spéculation », a déclaré M. Pahle. « On ne sait pas qui a raison et qui a tort, mais dans un marché de nature politique, la confiance doit s’inviter au débat », a-t-il déclaré lors de l’événement.

Selon Guillaume Duquesne, de Compass Lexecon, il ne fait aucun doute que les acteurs financiers « sont des acteurs essentiels » sur le marché. La question, selon lui, n’est pas tant de savoir s’ils participent au SEQE-UE que de savoir si la spéculation est excessive ou non.

« Pour une évaluation correcte, nous avons d’abord besoin de plus de transparence et d’un meilleur suivi, et une fois qu’il sera clair s’il y a ou non une spéculation excessive sur le marché, nous pourrons décider de la meilleure façon de traiter cette question », a-t-il déclaré.

« Les acteurs qui adoptent des positions spéculatives représentent une petite proportion des échanges, mais il faut penser aux tendances et leur présence sur le marché augmente… Quelque chose semble changer et nous devons surveiller et nous assurer que nous n’intervenons pas trop tard si nécessaire », a fait valoir M. Duquesne.

> Regardez l’intégralité de l’événement EURACTIV ci-dessous (en anglais) :

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