Une étude de Corinne Deloy publiée par notre partenaire la Fondation Robert Schuman
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La progression des populistes est contenue par la hausse des libéraux et des écologistes aux élections européennes. Plusieurs leçons peuvent être tirées des 9e élections européennes qui se sont déroulées dans les 28 Etats membres entre le 23 et le 26 mai et lors desquelles plus de 400 millions d’électeurs ont désigné 751 députés.
Le recul des deux principaux partis européens PPE et S&D
Tout d’abord, on observe un recul des deux principaux partis politiques européens – le Parti populaire européen (PPE), à droite, et les Socialistes et Démocrates (S&D), à gauche, qui ensemble représentent 44,2% du total des voix pour plus de la moitié il y a 5 ans (54%) et les 2/3 en 1999. Le PPE a recueilli 23,83% des suffrages et perdu 37 sièges, passant de 216 à 179[1] et les S&D ont obtenu 20,37% des voix et a perdu 32 élus, passant de 185 à 153. Pour la première fois depuis le premier scrutin européen au suffrage universel direct de 1979, les deux partis qui règnent sur l’assemblée de Strasbourg depuis 40 ans, n’obtiennent pas la majorité absolue au parlement (qui est de 376 sièges). Ils devront s’appuyer sur au moins un troisième partenaire. On constate donc au niveau européen un affaiblissement du clivage gauche/droite comparable à celui que l’on observe au niveau national dans de nombreux Etats membres.
Ce recul des deux principaux partis du parlement européen a bénéficié à l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE), qui a recueilli 14,11% des suffrages et remporté 105 sièges, soit + 37 sièges par rapport aux élections européennes de mai 2014. L’ALDE enregistre la plus forte progression. On notera que la délégation française de La République en marche (LREM) sera la plus importante de ce groupe parlementaire durant la prochaine législature.
De même, les écologistes du Groupe des Verts/ALE ont obtenu 9,85% des voix et remporté 22 élus supplémentaires ; ils ont conquis au total 74 sièges.
La progression des populistes, annoncée, a bien eu lieu. Les forces populistes de droite enregistrent une hausse : l’Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) et l’Europe des nations et des libertés (ENL) remportent respectivement 7,19% des suffrages et 7,72% des voix. Le groupe ELDD a conquis 12 sièges supplémentaires (54 élus au total) et ENL 22, passant de 36 à 58 sièges.
En revanche, les nationalistes et souverainistes des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) ont enregistré un revers, recueillant 8,52% des suffrages et passant de 77 à 63 (- 13) tout comme la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) qui a obtenu 5,06% des voix et a perdu 14 élus (38 sièges au total). La défiance envers l’Europe s’exprime par un vote en faveur des populistes de droite ou des souverainistes plutôt que pour la gauche radicale.
La hausse de la participation
La hausse de la participation constitue le deuxième enseignement du scrutin européen. Plus de la moitié des Européens se sont rendus aux urnes : 51%, soit une hausse de 8,39 points par rapport aux élections des 22-25 mai 2014. Les Belges (88,47%), Les Luxembourgeois (84,10%) et les Maltais (72,70%) ont été les plus nombreux à remplir leur devoir civique.
Cette hausse du nombre de votants traduit une européanisation de la vie politique, c’est-à-dire la prise de conscience d’un nombre de plus en plus grand de citoyens de l’Union de la dimension européenne de nombreux enjeux (environnement, migrations, terrorisme, etc.), ce qui a entraîné une mobilisation de l’opinion publique, mais également des pouvoirs des députés européens dans certains domaines.
La menace d’une percée des populistes a également contribué à inquiéter et à mobiliser les citoyens favorables à une Europe plus intégrée tout comme l’interminable feuilleton du Brexit a finalement renforcé le sentiment pro-européen d’une partie de l’électorat et même, d’une façon plus large, l’unité des Européens. » Il y a eu un effet populiste qui a concouru à européaniser le débat : comme ces partis veulent casser la baraque, ils contraignent ceux qui ont perçu la fragilité européenne avec le Brexit à se mobiliser » a ainsi déclaré Sylvain Kahn, chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po.
20 Etats membres ont enregistré une augmentation de la participation : autour de 20 points ou plus pour certains (Pologne, 21,85 points ; Espagne, 20,49 points ; Roumanie, 18,63 points) ; autour de 10 points pour d’autres (Hongrie, 14,39 points ; Allemagne, 13,31 points ; Danemark, 9,68 points ; République tchèque, 10,52 points ; Slovaquie, 9,69 points). 6 pays ont vu au contraire l’abstention gagner du terrain (Italie, Luxembourg, Grèce, Portugal, Malte et Bulgarie).
On rappellera que le vote est obligatoire dans 4 Etats membres (Grèce, Chypre, Belgique et Luxembourg), même si, dans la plupart d’entre eux, les sanctions ne sont plus réellement appliquées contre les personnes qui ne remplissent pas leur devoir civique. Ces pays représentent seulement 4% de la totalité des électeurs européens.
Retrouvez l’intégralité de l’étude via le site de la Fondation Robert Schuman.