Des investisseurs veulent mettre un terme au lobbying qui réchauffe le climat

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À cinq semaines de la COP24, un groupe de grands investisseurs fait pression sur les entreprises pour qu’elles clarifient leurs stratégies de lobbying sur le climat.

Un groupe de grands investisseurs incluant le fonds de pension de l’Église d’Angleterre et le fonds de pension national suédois, AP7, ont envoyé une lettre à 55 entreprises dont les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie sont élevées, afin de les confronter sur leur impact carbone.

« Nous vous demandons de réexaminer les positions de lobbying adoptées par les organisations auxquelles vous appartenez. Si ces positions ne correspondent pas avec les objectifs de l’accord de Paris, nous vous encourageons à vous assurer l’adoption de positions cohérentes avec ces objectifs », stipule la lettre.

Les investisseurs, qui représentent près de 2 mille milliards demandent à chaque entreprise de revoir ses relations avec les associations commerciales et organisations de lobby, afin de s’assurer que leurs positions officielles sur l’application de l’accord de Paris sont cohérentes avec les politiques de leurs partenaires. Une série d’« attentes des investisseurs » spécifiant les bonnes pratiques à ce sujet a aussi été envoyée à chaque entreprise, souligne le groupe dans un communiqué.

« D’une manière plus générale, nous vous demandons de vous assurer que vos pratiques de lobbying correspondent à ce qui est précisé dans le document ‘Attentes des investisseurs’ qui vous a été envoyé. Nous vous demandons également de faire preuve de transparence quant à vos positions de lobbying et à la manière dont vous mettez en œuvre vos actions directes et indirectes dans ce domaine », poursuivent les investisseurs.

Bonnet d’âne pour le secteur automobile

Les 55 entreprises visées ont été sélectionnées par une ONG britannique, InfluenceMap, qui surveille le lobbyisme des sociétés. Elles ont été classées en fonction de leur position générale sur l’action climatique, l’étendue de leur influence sur les décideurs politiques et la cohérence de leurs politiques avec celles des organisations qui les représentent, expliquent les investisseurs.

Le classement révèle que le secteur automobile, avec Fiat, Daimler, BMW, Renault, Volkswagen et Peugeot PSA, est en très mauvaise position. Du côté des services, la société d’énergie RWE est aussi bien bas dans la liste.

En ce qui concerne le secteur chimique, ce sont Bayer et BASF, les deux géants allemands, qui sont les plus actifs dans le lobbying climatique. Pour le domaine des boissons et des aliments, Siemens et Danone sont en tête.

Les entreprises BP, Total et Royal Dutch Shell, qui vendent du pétrole et du gaz, sont quant à elle les plus actives de leur secteur.

Un manque d’ambition risqué

La lettre met en évidence les trois raisons pour lesquelles l’incohérence entre les activités de lobbyisme et l’accord de Paris génère des risques financiers pour les investisseurs. Elle cite :

  1. Les risques réglementaires : le retard actuel des actions climatiques aura probablement pour conséquence des interventions réglementaires plus drastiques à une date ultérieure, ce qui serait beaucoup plus coûteux pour les entreprises.
  2. Les risques économiques systémiques : le retard de l’application de l’accord de Paris augmente les risques physiques liés au changement climatique. Cela pose un risque systémique pour la stabilité économique et crée de l’incertitude et de la volatilité dans les portefeuilles des investisseurs.
  3. Risques juridiques et de réputation : les entreprises risquent un retour de bâton de la part des consommateurs, investisseurs et autres parties prenantes si elles, ou les organisations qu’elles soutiennent retardent ou entravent la politique climatique. Cela pourrait aussi mener à un risque juridique, particulièrement pour les entreprises qui continuent à investir dans des projets à fortes émissions carbone, ou dont les déclarations peuvent être considérées comme trompeuses.

Cette action des investisseurs fait suite à une fuite de documents, en  septembre, qui révélait que BusinessEurope, une association représentant un grand nombre d’entreprises commerciales dans toute l’Europe, se préparait à « s’opposer » à une hausse des ambitions climatiques européennes.

 

Réactions

Pour Adam Matthews, directeur de l’éthique et de l’engagement du conseil administratif du fonds de pensions de l’Église d’Angleterre, « les pratiques de lobbying trompeuses et incohérentes des entreprises nuisent à la capacité des gouvernements d’agir sur le changement climatique et d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris. L’influence des associations professionnelles s’exerce souvent à huis clos et peut être profondément insidieuse pour l’élaboration des politiques publiques sur le changement climatique. Comme l’a clairement souligné le récent rapport du GIEC, les enjeux sont élevés et le temps est compté. Il est donc juste que les investisseurs mettent les entreprises les plus émettrices d’Europe au défi d’assurer la cohérence de leurs pratiques. »

Charlotta Dawidowski Sydstrand, de la caisse de retraite nationale suédoise AP7, a déclaré que son organisation avait conclu que « les faiblesses de la politique climatique actuelle à l’échelle mondiale constituent un risque pour la croissance à long terme de la valeur de nos portefeuilles de retraite ». « À l’heure actuelle, nous trouvons inacceptable que les entreprises s’opposent à une politique climatique ambitieuse, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de leurs organisations professionnelles. Les activités de lobbying sur les questions climatiques devraient être évaluées, gérées et faire l’objet de rapports transparents. »

Stephanie Pfeiffer, PDG du groupe d’investisseurs institutionnels sur le changement climatique (IIGCC), commente les mesures prises par les fonds de pension : « Les investisseurs à long terme ont clairement intérêt à ce que l’accord de Paris soit mis en œuvre pour soutenir la transition nécessaire vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone. Les actionnaires devraient à juste titre s’attendre à ce que les entreprises dans lesquelles ils investissent plaident en faveur de la politique climatique nécessaire. Il s’agit notamment de s’assurer que les organismes commerciaux dont ils sont membres travaillent dans ce sens. »

L’IIGCC est le forum européen de collaboration des investisseurs en matière de lutte contre le changement climatique. Il compte plus de 160 investisseurs membres et 21 billions d’euros d’actifs sous gestion collective.

L’ONG ClientEarth, qui soutient l’engagement des investisseurs. « Les entreprises d’énergie fossile voient la transition énergétique s’opérer et leurs dirigeants commencent à paniquer. Le charbon et le diesel se sentent particulièrement menacés. Mais des pressions agressives pour maintenir intacts ces modèles obsolètes alors que des déclarations publiques assurent aux investisseurs que l’entreprise se soucie du climat est profondément hypocrite – et comme nous l’avons vu aux États-Unis, cela expose les entreprises à un risque réel de litige », indique l’avocate Alice Garton.

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https://www.euractiv.fr/section/economie/news/2-trillion-investors-challenge-55-companies-on-climate-lobbying/