La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a défini des objectifs clés pour la future politique migratoire de l’Union européenne (UE), y compris la possibilité de créer des centres de déportation vers des pays tiers, mais la France a souligné les problèmes judiciaires que cela poserait.
Ces dernières semaines, les politiques migratoires des États membres ont encore été durcies. L’Allemagne du chancelier SPD Scholz a instauré des contrôles aux frontières pour 6 mois; la Suède a augmenté l’aide au retour des migrants dans leur pays à 30 000 euros; le Danemark a accru les contrôles à ses frontières avec la Suède et l’Allemagne; le Premier ministre Tusk a annoncé samedi une suspension temporaire de l’asile en Pologne.
BREAKING NEWS :
- Le risque de renationaliser la politique migratoire européenne ? La Commission européenne autorise les États membres à limiter les demandes d’asile.
La Commission européenne a annoncé de nouvelles mesures pour contrer les menaces hybrides liées à l’instrumentalisation des migrants, une décision qui a soulevé des inquiétudes concernant les refoulements et les droits des demandeurs d’asile.
La Bulgarie et la Grèce se sont mises d’accord sur les détails de l’abolition complète des contrôles à leurs frontières communes, selon un communiqué du ministère de l’Intérieur bulgare publié mercredi 11 décembre
L’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch a demandé à la Commission européenne de prendre des mesures immédiates contre la Pologne en raison des refoulements illégaux de demandeurs d’asile effectués à sa frontière avec la Biélorussie.
Un document interne du Parti populaire européen (PPE), consulté par Euractiv, détaille des propositions de réformes législatives et budgétaires pour l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), ainsi qu’un projet de règlement très attendu sur les retours de migrants.
Dans le document, le PPE propose d’étendre le mandat de Frontex en révisant le règlement régissant l’agence et datant de 2019, qui prévoyait déjà d’augmenter progressivement le corps permanent jusqu’à un maximum de 30 000 personnes, conformément aux directives de juillet de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
L’expansion du corps permanent de Frontex pourrait ouvrir la voie à une augmentation des pouvoirs de l’agence. Cette modification règlementaire est attendue pour le premier trimestre de l’année prochaine.
Le document souligne également la nécessité d’un soutien financier substantiel pour l’agence, appelant à une augmentation de l’allocation budgétaire dans le cadre financier pluriannuel (CFP), le budget septennal de l’UE. Le budget de Frontex, l’une des plus grandes agences de l’Union, a déjà été augmenté ces dernières années et s’élevait à 922 millions d’euros en 2024.
Toujours selon le document interne, les investissements dans les infrastructures physiques visant à renforcer la protection des frontières extérieures de l’Union devraient être financés dans le cadre de l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas (IGFV) existant.
L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes a été créée en 2004 pour répondre aux défis croissants de la gestion des frontières extérieures de l’UE. Depuis lors, elle a subi d’importantes réformes opérationnelles et juridiques, dont une modification majeure en 2019.
Magnus Brunner (PPE), désormais commissaire aux Affaires intérieures et à la Migration, a soutenu la modification du règlement de 2019 lors de son audition de confirmation devant le Parlement européen en novembre, notamment en ce qui concerne la gestion des retours.
Le document du PPE suggère également la conclusion de nouveaux accords avec les pays voisins et les nations africaines clés, telles que la Mauritanie et le Sénégal, pour le déploiement du corps permanent de Frontex.
La stratégie de signature de protocoles d’accord avec les pays d’Afrique du Nord, poursuivie par la Commission von der Leyen I, pourrait être renforcée sous la nouvelle Commission afin de conclure davantage de partenariats avec des pays tiers d’origine et de transit des migrants, en s’inspirant de l’accord UE-Tunisie et du partenariat stratégique Égypte-UE.
En attendant, le règlement sur le retour, que les États membres ont appelé de leurs vœux ces derniers mois, est attendu dans les 100 premiers jours d’exercice de la Commission — soit d’ici le 11 mars 2025.
L’abrogation de la refonte de 2018 de la directive sur les retours, proposée par la Commission et bloquée en 2019 en raison de désaccords entre les groupes politiques, est attendue prochainement.
Le gouvernement allemand a présenté la réforme migratoire de l’Union européenne (UE) comme une solution à l’immigration irrégulière, mais ses plans pour accélérer sa mise en œuvre semblent voués à l’échec.
Promettant une répartition plus équitable des demandeurs d’asile entre les États membres de l’UE et la détention des migrants en situation irrégulière à la frontière, le Pacte sur la migration et l’asile, adopté en avril de cette année, a pour objectif d’introduire une nouvelle boîte à outils dans la politique migratoire de l’Europe.
En conséquence, plusieurs gouvernements ont fait pression pour accélérer sa mise en œuvre, prévue pour juillet 2026, face à la pression de la droite et l’extrême droite pour réprimer l’immigration irrégulière. Un délai de mise en œuvre plus court était en effet sur la table lors du dernier sommet des dirigeants de l’UE.
Trois mois plus tard, cependant, ces plans se sont révélés pratiquement inapplicables et l’Allemagne, qui était à l’origine de la pression, doit à présent abandonner l’idée d’une mise en œuvre anticipée du pacte.
Faute de majorité suite à l’effondrement de son gouvernement de coalition le mois dernier, le chancelier allemand Olaf Scholz, du Parti social-démocrate (SPD/S&D), aurait eu besoin des voix de l’opposition pour faire passer les projets de loi nationaux correspondants, déjà rédigés.
Or, selon une source de l’Union chrétienne-démocrate allemande (CDU/CSU, PPE), le principal parti d’opposition, la mise en œuvre du pacte ne serait pratiquement pas soutenue, car la CDU/CSU voit des problèmes dans la législation et n’est pas pressée de faire avancer les choses.
Cela porte ainsi un coup au récit du gouvernement allemand, soutenu notamment par la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser (SPD/S&D). Cette dernière a défendu à plusieurs reprises des mesures sévères, y compris de nouveaux contrôles aux frontières — alors que les chiffres de l’immigration commençaient déjà à baisser — en faisant valoir qu’elles ne seraient en place que jusqu’à ce que la nouvelle réforme de l’UE entre en vigueur.
- Angela Merkel revient sur ses seize ans en tant que chancelière allemande. Ce n’est pas l’élection de Donald Trump, mais la crise des réfugiés de 2015 qui a marqué un tournant politique pour Angela Merkel, qui a expliqué au journal britannique qu’« il y a eu un avant et un après ». Sa décision d’ouvrir la frontière aux réfugiés du Moyen-Orient en septembre 2015 a été critiquée plus tard comme exposant l’Europe à l’immigration irrégulière et alimentant la montée de l’extrême droite. La popularité de son parti chrétien-démocrate s’est effondrée, passant de 41 % à 33 % lors des élections fédérales suivantes.
- Angela Merkel a expliqué au Times que sa politique d’immigration n’était cependant pas le seul carburant du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Elle a ajouté qu’elle estimait que les valeurs de l’Europe étaient mises à l’épreuve, mais qu’elle ne les aurait trahies sous aucun prétexte.
- Bien qu’une forte immigration ne soit pas viable, les responsables politiques ne devraient pas parler « sans cesse » des problèmes de l’AfD et « essayer de les surpasser sur le plan rhétorique sans offrir de véritables solutions aux problèmes », a écrit l’ancienne chancelière, soulignant ses efforts pour conclure des accords multilatéraux sur l’immigration à la place.
- L’espace Schengen va-t-il disparaître? Après l’avoir suggéré, les Pays-Bas vont finalement réintroduire les contrôles à leurs frontières. Véritable réussite de la construction européenne, l’espace de libre circulation des membres d’une communauté politique élargie représente par excellence “l’Europe sans fin” prophétisée par Kraftwerk en 1977.
C’est l’une des promesses de l’insurrection populiste qui porte les droites radicales au gouvernement, ou aux portes du pouvoir : reprendre le contrôle des frontières.
- Sous prétexte d’arrêter les flux migratoires, l’Allemagne, l’Autriche et le Danemark, entre autres, ont réimposé les contrôles aux frontières.
- La France l’a déjà mis en place à plusieurs reprises ces dernières années.
- Pourtant, les franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’UE ont chuté cette année.
- Frontex, l’agence européenne des frontières, a enregistré une baisse de 42 % d’une année sur l’autre au cours des neuf premiers mois de 2024.
- Il y a eu une forte augmentation des traversées de la Mediterranée orientale et une forte hausse des tentatives d’entrée dans l’UE via les Canaries (cf. EIH 5/11/23)
- Mais ces chiffres sont plus qu’annulés – en moyenne -par la forte baisse des traversées terrestres via les Balkans et des traversées maritimes via l’Italie.
- Le retour des frontières dures d’avant Schengen n’est pas encore à l’ordre du jour, mais les effets économiques et sociaux resteront considérables, surtout pour les 2 millions de navetteurs transfrontaliers dans l’UE (selon le dernier rapport d’Eures sur la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’UE).
- En outre, c’est le sentiment collectif d’être européen qui est en jeu, soulignent certains observateurs comme Eurointelligence.
- Faisant référence au Brexit, la présence de contrôles aux frontières du Royaume Uni qui n’était pas membre de Schengen aurait ainsi renforcé le sentiment inconscient que le reste de l’UE était étranger.
Table of Contents
Centres de rétention de migrants en Albanie : un tribunal italien saisit la Cour de justice de l’UE
11/11/2024 – 18:38 UTC+1

Tous droits réservés Vlasov Sulaj/Copyright 2024 The AP. All rights reserved
Par euronews avec agences
Un deuxième revers judiciaire pour la politique migratoire du gouvernement de Giorgia Meloni : ce lundi, un tribunal de Rome a finalement annoncé avoir saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour trancher le débat sur les camps de rétention en Albanie. Cette saisine bloque de fait tous les transferts vers les centres de rétention dans ce pays.
Les juges italiens ont décidé de saisir les Hauts magistrats de Luxembourg pour s’assurer que la législation italienne soit bien conforme aux textes européens. Pour des questions de délai légal, les sept migrants concernés, de nationalités égyptienne et bangladaise, « retourneront en Italie dans les prochaines heures », a indiqué une source gouvernementale.
Dans une affaire précédente, des juges de la section des affaires migratoires du tribunal de Rome avaient déjà annulé la rétention des 12 premiers migrants conduits en Albanie, invoquant un récent arrêt de la CJUE sur les pays de provenance considérés « sûrs » par les pays d’accueil.
Pour contourner l’obstacle, le gouvernement de Giorgia Meloni avait adopté 48 heures plus tard un décret en inscrivant dans la loi 19 pays considérés comme « sûrs » par le gouvernement.
Face à ce décret, des juges du tribunal de Bologne ont également saisi il y a quinze jours la Cour de Luxembourg pour clarifier la situation face aux « divergences évidentes » et aux « conflits d’interprétation » dans le système juridique italien.
Ils ont également estimé qu’il n’était pas possible de déclarer des pays entiers sûrs lorsqu’il existe des preuves de la persécution de minorités.
« On pourrait dire, paradoxalement, que l’Allemagne nazie était un pays extrêmement sûr pour la grande majorité de la population allemande : à l’exception des juifs, des homosexuels, des opposants politiques, des personnes d’origine rom et d’autres groupes minoritaires », ont-ils plaidé.
Les centres prévus pour accueillir les personnes migrantes en Albanie, après l’accord signé entre Rome et Tirana, prévoient qu’à l’exception des personnes vulnérables, les migrants secourus en mer Méditerranée par les garde-côtes italiens soient désormais pris en charge sur le sol albanais moyennant un financement de l’Italie.
Ce projet controversé d’externalisation des centres de rétention en dehors de l’Union européenne fait débat. En octobre dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient penchés sur la question. Dans une lettre adressée aux capitales, Ursula von der Leyen avait lancé le débat en proposant d’accélérer les retours et d’ouvrir des centres de rétention dans des pays tiers. Cette proposition répondait à une demande de 15 États membres qui souhaitaient transférer les déboutés du droit d’asile vers des pays tiers sûrs.
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 58 504 migrants sont arrivés en Italie entre le 1er janvier et le 11 novembre 2024, contre 146 868 sur la même période en 2023.
Les Vingt-sept divisés sur le Pacte asile et migration
La pression s’intensifie pour accélérer la mise en œuvre du Pacte sur l’asile, prévue pour juin 2026 : l’Espagne, la France et les Pays-Bas y sont favorables. A l’inverse, “la Pologne souhaite mettre à profit l’année et demie qui reste avant l’entrée en vigueur du pacte pour combler ce qu’elle considère comme des ‘lacunes’ dans le pacte, et elle n’est pas la seule” constate El Periódico. De nombreux gouvernements européens remettent aujourd’hui en question un ensemble de lois qu’ils ont adoptées il y a quatre mois, “ce qui met une fois de plus en évidence les divisions entre les 27 Etats membres de l’UE”.
Samedi dernier, le Premier ministre polonais Donald Tusk a demandé à Bruxelles la possibilité de suspendre partiellement le droit d’asile pour les migrants qui entrent illégalement depuis la Biélorussie. “Une requête faisant écho à une loi finlandaise, adoptée en juillet, autorisant Helsinki à s’exonérer de l’application de ce droit en cas d’attaque hybride [de la part de la Russie]. Et les trois pays baltes sont prêts à adopter des législations similaires”, indique Le Monde. “Face à cette tentation de plus en plus forte des dirigeants de s’exonérer du droit européen et des obligations internationales en matière d’immigration, [la Commission européenne] tente de tenir bon”, ajoute le journal du soir.
La présidente Ursula von der Leyen “a expliqué dans une lettre envoyée lundi soir à tous les Etats membres comment elle envisageait la suite des événements” [FAZ]. Parmi les dix points énoncés figure un débat sur les “solutions innovantes”, telle que “la coopération avec les pays tiers”, fait savoir le quotidien allemand. “Il s’agit ici d’expulser les demandeurs d’asile déboutés vers des pays tiers disposés à coopérer – qu’il faudrait encore trouver”.
Malgré le contexte, plusieurs États détonnent. En Espagne, le Premier ministre socialiste Sanchez a prononcé un discours marquant mercredi dernier, déclarant “Nous, les Espagnols, nous sommes des enfants de l’immigration” et appelant à la mise en œuvre du Pacte migration et asile dès 2025 (au lieu de 2026). De même, la Pologne et la Tchéquie sont vent debout contre les contrôles aux frontières intérieures de l’Union mises en place par l’Allemagne.
Exemples :
- La République tchèque et la Pologne rejettent les contrôles à long terme aux frontières intérieures de l’UE
- Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez demande une mise en œuvre rapide du Pacte sur la migration et l’asile
- Le gouvernement de Donald Tusk adopte officiellement une nouvelle stratégie migratoire
- Le Portugal se dit prêt à accueillir des migrants, mais pas « les portes grandes ouvertes »
Lors d’un discours prononcé samedi à l’occasion d’un rassemblement de son mouvement Coalition civique, Donald Tusk a annoncé vouloir suspendre de manière temporaire le droit d’asile. “Je dis tout haut aujourd’hui que parmi les éléments de la stratégie de migration figurera la suspension territoriale temporaire du droit d’asile”, a-t-il affirmé, en assurant que la Pologne allait lutter “sans merci” contre l’immigration illégale [Ouest-France].
Le Premier ministre, qui devait présenter ce week-end sa stratégie migratoire, a reporté l’annonce officielle au mardi 15 octobre. La Pologne reproche à la Biélorussie et la Russie d’organiser une “attaque hybride” en facilitant l’arrivée de migrants afin de déstabiliser la région et l’Union européenne, explique Ouest-France.
Selon Politico, Minsk est accusée “d’offrir des visas à des personnes désespérées vivant dans des pays déchirés par la guerre, comme la Syrie, et de les encourager à se rendre [en Biélorussie] en tant qu’étape de transit sur le chemin de l’Union européenne”. Des garde-frontières biélorusses ont même été vus aidant activement des groupes à la frontière, ajoute le média.
“Nous savons très bien comment […] ce droit d’asile est utilisé contre son essence même”, a déclaré le chef du gouvernement polonais en insistant sur la nécessité pour la Pologne “de reprendre le contrôle à 100 %” [BBC].
Aucun des États membres de l’UE ne s’est opposé à une telle solution, a affirmé Donald Tusk, expliquant que c’était parce que tout le monde savait que les régimes étrangers, y compris les régimes biélorusse et russe, étaient impliqués dans le trafic d’êtres humains.
Dans une lettre envoyée aux États membres lundi 14 octobre au soir, Ursula von der Leyen a approuvé le concept de créer des centres de retour pour les exilés en dehors de l’UE.
Cette lettre est envoyée en prévision du Conseil européen de jeudi et vendredi 17 et 18 octobre, pendant lequel les chefs d’État et de gouvernement se réuniront à Bruxelles discuteront notamment de la question migratoire.
« Avec le début des opérations du protocole entre l’Italie et l’Albanie, nous pourrons également tirer des leçons de cette expérience dans la pratique », écrit Ursula von der Leyen.
En mai, les États membres ont appelé la Commission à s’appuyer « sur des modèles tels que le protocole Italie-Albanie », qui permet à l’Italie d’externaliser les demandes d’asile des personnes secourues par les garde-côtes italiens dans les eaux internationales.
La lettre a été envoyée le jour du départ du premier navire transportant des exilés vers l’Albanie depuis Lampedusa.
Les spécificités du fonctionnement des centres de retour au niveau européen restent floues, bien que dans sa lettre, la présidente de la Commission semble répondre à l’appel des États membres en faveur d’un modèle similaire au Mécanisme de transit d’urgence du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Par le biais de ce mécanisme, les personnes vulnérables transitant par la Libye avant de tenter de traverser la Méditerranée pourraient être relocalisées dans des pays tiers plus sûrs, notamment le Niger ou le Rwanda.
Cette approche avait été mentionnée par les États membres dans une lettre adressée à la Commission en mai dernier, peu avant les élections européennes.
La nouvelle lettre d’Ursula von der Leyen précise que la Commission étudiera une approche « tout au long du parcours [des exilés] », qui inclurait l’externalisation des procédures de demande d’asile vers des pays tiers considérés comme « sûrs », en étroite collaboration avec le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
À l’approche du sommet, la présidente de la Commission se fait l’écho des appels lancés par les États membres pour accélérer la mise en œuvre du Pacte sur l’asile et la migration, la législation phare qui devrait réorganiser une grande partie des politiques migratoires communes de l’UE.
Au-delà de la mise en œuvre des mesures actuelles, Ursula von der Leyen confirme qu’une nouvelle proposition législative remplacera la « directive retour » de 2008, jugée inadéquate pour faire face aux nouveaux défis migratoires.
Les nouvelles négociations sur la directive, qui vise à créer des normes communes pour le retour des personnes en situation irrégulière dans l’UE vers des pays de transit ou leur pays d’origine, ont été ouvertes pour la première fois en 2018, mais les discussions ont été bloquées au niveau de la commission parlementaire et n’ont jamais été reprises.
Dans sa lettre, Ursula von der Leyen exhorte les États membres et le Parlement à traiter « rapidement » la nouvelle proposition qu’elle présentera.

Les Vingt-Sept vont débattre d’une « mise en œuvre accélérée » du pacte migratoire de l’UE
Lors d’un sommet européen qui se tiendra à Bruxelles les 17 et 18 octobre, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE devraient débattre de l’accélération de la mise en œuvre du Pacte sur la migration et l’asile adopté plus tôt cette année.
La Constitution française pourrait bloquer les « centres de retour »
Malgré l’initiative de la présidente de la Commission, la France affirme d’ores et déjà que les efforts de l’UE en matière d’externalisation ne manqueront pas de poser des problèmes juridiques.
« Il y a un problème en France parce que le préambule de la Constitution de 1946 ne le permet pas, [et exige] que les demandes d’asile soient analysées sur le territoire français », a souligné Bruno Retailleau sur la télévision publique française ce mardi.
Bien qu’il n’ait pas encore présenté d’analyse juridique détaillée, le ministre de l’Intérieur semble faire référence à une clause constitutionnelle qui stipule que « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».
Cela signifie qu’un accord similaire à celui conclu entre l’Italie et l’Albanie n’est pas quelque chose que la France pourrait entreprendre seule sans violer sa propre loi fondamentale.
Au lieu de cela, Bruno Retailleau — dont la position répressive sur l’immigration et les affirmations selon lesquelles l’État de droit n’est pas « sacré » sont bien documentées — a fait l’éloge du travail accompli par l’UE avec les pays tiers qui se trouvent sur les routes migratoires menant à l’espace Schengen.
« C’est à la suite de ces accords bilatéraux [avec l’Égypte et la Tunisie] quel’Italie est parvenue à réduire de 64 % les flux d’immigration irrégulière vers l’Italie. Je pense que nous pouvons nous en inspirer. »
Alors que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau affiche des positions très dures sur les questions migratoires, la délégation française de Renaissance au Parlement européen (Renew) semble de moins en moins en phase avec la politique prônée par le gouvernement, dont est pourtant membre le mouvement d’Emmanuel Macron.
Migrations : à quoi pourraient ressembler les « centres de retour » envisagés par l’UE ?
Par : Théo Bourgery-Gonse | EURACTIV.com | translated by Sarah Chaumot
Les États membres de l’Union européenne (UE) et la Commission envisagent la création de « centres de retour » vers lesquels pourraient être transférés certains migrants. Cependant, beaucoup ignorent encore en quoi ils pourraient consister, et peu comprennent pleinement les risques juridiques de ces opérations.
Durcissant le ton sur les questions migratoires, plusieurs États de l’UE ont évoqué, tout comme la Commission européenne, la mise en place de « centres de retour ». Cependant, personne ne semble vraiment savoir de quoi il pourrait s’agir.
Le Pacte sur la migration et l’asile, une révision majeure de la politique migratoire de l’UE adoptée en mai dernier, avait été critiqué pour son manque d’ambition. Aujourd’hui, nombre de capitales européennes souhaitent externaliser une partie de la gestion des questions migratoires hors de l’UE.
Dans une lettre adressée aux États membres en début de semaine, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, affirmait qu’il fallait « continuer à étudier les possibilités de développer des centres de retour en dehors de l’UE, en particulier dans la perspective d’une nouvelle proposition législative sur les retours ».
La cheffe de l’exécutif européen faisait également référence à l’accord migratoire conclu entre l’Italie et l’Albanie.
« Avec le début des opérations du protocole italo-albanais, nous serons également en mesure de tirer des leçons de cette expérience dans la pratique », écrivait la responsable politique allemande.
Seul hic, ni les États membres ni la Commission n’ont jusqu’à présent été en mesure de donner une idée claire de la finalité de ces centres et de la manière dont ils s’aligneraient sur les droits européen et international.
La compréhension générale est « qu’il s’agirait de centres dans des pays tiers où certaines personnes prises au piège de l’asile et de la migration seront forcées de se rendre », explique Catherine Woollard, directrice du Conseil européen sur les Réfugiés et les Exilés (ECRE).
« Mais qui seront ces personnes et ce qu’il se passera dans les centres [reste à voir] », a-t-elle ajouté.
Alors que les dirigeants des Vingt-Sept se réunissent les 17 et 18 octobre à Bruxelles pour un sommet européen dont l’immigration sera le thème central, il semble important d’essayer de clarifier ce que ces « centres de retour » pourraient être.
Option n°1 : Externalisation du traitement des demandes d’asile
La première option s’inspire de l’accord récemment mis en œuvre entre l’Italie et l’Albanie.
En vertu de cet accord, les garde-côtes italiens sont chargés de transférer les réfugiés masculins interceptés en mer vers des centres situés sur le territoire albanais.
De leur côté, les femmes, les enfants et les personnes vulnérables doivent, en vertu de la loi, être autorisés à débarquer en Italie.
Ces centres en Albanie, financés par Rome, fonctionnent sous la juridiction italienne et traitent les demandes d’asile avant de décider si les exilés sont autorisés à entrer sur le territoire italien — et, par extension, dans l’UE.
Cet accord bilatéral, le premier en son genre, a été présenté par plusieurs capitales de l’UE comme une approche prometteuse pour externaliser le traitement des demandes d’asile avant même que les réfugiés ne mettent le pied sur le continent.
Il s’inscrit également dans le cadre de discussions plus larges sur des procédures communes concernant le retour des migrants qui n’ont pas obtenu le droit d’asile dans l’UE. Une révision de la directive sur les retours est envisagée par Bruxelles, de même que la négociation de nouveaux accords de coopération que l’UE pourrait signer avec des pays tiers.
Mais l’accord entre l’Italie et l’Albanie, et son éventuelle reproduction au niveau européen, entre techniquement en conflit avec la législation européenne, puisque cette dernière précise que les procédures d’asile ne peuvent se dérouler que sur le territoire de l’Union.
« Les protections requises par le droit primaire et secondaire de l’UE [et qui seront appliquées par la Cour de justice de l’Union européenne] ne peuvent être respectées dans un pays tiers », note Catherine Woollard, notamment en ce qui concerne l’accès à l’assistance juridique ou le recours non automatique à la détention.
Les capitales européennes sont bien conscientes de ces limites.
« Il n’existe pas de modèle européen. Il n’y a qu’un concept que certains États membres envisagent », souligne pour sa part un ambassadeur de l’UE auprès d’Euractiv.
La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Yvla Johannson, a également nié la semaine dernière que l’idée des « centres de retour » constituait une proposition de la Commission.
Certains dirigeants de l’UE devraient encore faire pression pour une « solution européenne » semblable à l’accord entre Rome et Tirana. Le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis devrait par exemple défendre ce point de vue lors des discussions au Conseil jeudi.
Mais les défis juridiques et politiques liés au modèle italo-albanais pour l’externalisation des demandes d’asile font qu’il est peu probable que celui-ci devienne un jour une solution à l’échelle de l’UE.
Option n°2 : Renvoyer ceux qui doivent être renvoyés
La deuxième option consiste à créer des centres de retour dans des pays tiers où les personnes auxquelles l’UE a refusé l’asile seraient placées en attendant d’être définitivement renvoyées dans leur pays d’origine.
Contrairement à la première option, ces centres ne seraient pas utilisés pour traiter les demandes d’asile elles-mêmes, mais se concentreraient sur les renvois de demandeurs d’asile déboutés.
Cette conception des « centres de retour » fait écho à une proposition présentée par quinze États membres en mai dernier, appelant la Commission à intensifier ses travaux en matière de politique migratoire et à mettre en place des centres de retour « où les personnes expulsées pourraient être transférées dans l’attente de leur renvoi définitif » dans leur pays d’origine.
Cette approche est jugée plus fonctionnelle que le modèle Italie-Albanie, et elle semble être en accord avec la législation européenne régissant les procédures d’asile, ont expliqué plusieurs experts en migration à Euractiv.
Mais là aussi quelques zones d’ombre subsistent.
Certains s’inquiètent du fait que ces centres pourraient permettre une détention illégale et créer des situations dans lesquelles les migrants ne pourraient pas être renvoyés dans leur pays d’origine parce qu’il n’est pas sûr ou parce que ce pays refuse de les accepter.
Cette deuxième option « laisse beaucoup de questions en suspens parce qu’elle créerait un vide juridique pour les personnes qui s’y trouvent, sans accès à leurs droits », souligne pour Euractiv l’eurodéputée néerlandaise Tineke Strik (Verts/ALE), qui a mené les négociations pour une révision de la directive sur les retours en 2019.
Pour l’eurodéputée, cela augmente également les risques de refoulement — c’est-à-dire le renvoi illégal des personnes en situation irrégulière vers des pays d’origine peu sûrs. Cela constituerait une violation de la Convention de Genève relative à la protection des réfugiés.
Il appartient désormais aux dirigeants de l’UE et à la Commission européenne d’envisager une proposition concrète pour ces « centres de retour ». Bien que plusieurs options soient sur la table et que les dirigeants se penchent sur la question, il est peu probable qu’un point de vue clair émerge de sitôt.
Italie : des juges contestent la politique du gouvernement sur le rapatriement des migrants
Par : Alessia Peretti et Nicoletta Ionta | EURACTIV.com avec AFP | translated by Marine Béguin
Des juges italiens ont contesté la nouvelle politique du gouvernement de Giorgia Meloni en matière de retours de migrants, arguant que le fait de déclarer les pays d’origine « sûrs » tant que la population générale y vit en sécurité aurait signifié que l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste étaient « sûres ».
Des juges du tribunal de Bologne ont demandé la semaine dernière à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’intervenir à la suite des modifications apportées à la loi par le gouvernement Meloni, qui ont provoqué des « conflits d’interprétation », selon un document judiciaire vu mardi 29 octobre par l’AFP.
Le gouvernement d’extrême droite tente de trouver un moyen de contourner l’opposition de la justice à son accord sur les migrants passé avec l’Albanie — qui prévoit que les migrants secourus par l’Italie dans les eaux internationales soient envoyés en Albanie pour que leur demande d’asile soit traitée.
Les premiers migrants qui ont été envoyés pour traitement de leurs dossiers dans des centres gérés par l’Italie en territoire albanais au début du mois d’octobre ont été ramenés en Italie après quelques jours seulement, après le refus des juges de Rome d’approuver leur détention dans ces centres.
Suite à cette décision, le gouvernement de Giorgia Meloni s’est empressé de travailler sur un décret visant à modifier la liste des « pays sûrs » de l’Italie.
Les magistrats romains ont déclaré suivre un arrêt de la CJUE selon lequel les pays dits « sûrs » pour le retour de demandeurs d’asile déboutés doivent l’être dans leur totalité — et non seulement certaines régions. L’Italie a pour sa part établi une liste de pays sûrs avec des exceptions, telles que la persécution de certaines catégories de personnes, comme celle que subit la communauté LGBTQIA+.
En réponse, le gouvernement a rapidement modifié la loi, supprimant les directives précédentes.
Le 25 octobre, les juges du tribunal de Bologne ont demandé à la Cour européenne de clarifier la situation face aux « divergences évidentes » et aux « conflits d’interprétation » dans le système juridique italien.
Qu’est-ce qu’un pays sûr ?
Selon le droit international, un « pays d’origine sûr » est un pays où, dans le cadre de lois démocratiques et de conditions politiques stables, il n’y a pas de risque constant de persécution, de torture, de traitement inhumain ou de violence aveugle. Bien qu’il n’existe pas de liste normalisée de pays tiers sûrs dans l’UE, le nouveau règlement relatif à la procédure d’asile dans le cadre du nouveau Pacte sur la migration et l’asile prévoit une révision du concept d’ici 2025.
Dans leur requête, les juges affirment qu’une définition de « pays d’origine sûr » basée uniquement sur les risques pour la sécurité de la population en général vide le terme de son sens. Selon eux, cette logique signifie que presque « n’importe quel pays du monde » pourrait être considéré comme sûr, ce qui enlève au concept toute consistance juridique.
Ils estiment également qu’il n’est pas possible de déclarer des pays entiers sûrs lorsqu’il existe des preuves de la persécution de minorités.
« Le système de protection internationale est, par nature, un système juridique de garantie pour les minorités exposées aux risques d’agents persécuteurs, qu’ils soient étatiques ou autres », ont écrit les juges.
« On pourrait dire, paradoxalement, que l’Allemagne nazie était un pays extrêmement sûr pour la grande majorité de la population allemande : à l’exception des juifs, des homosexuels, des opposants politiques, des personnes d’origine rom et d’autres groupes minoritaires, plus de soixante millions d’Allemands jouissaient d’un niveau de sécurité enviable », ont-ils déclaré. « La même chose pourrait être dite de l’Italie sous le régime fasciste. »
Les juges remettent également en question l’application du décret, notant que les règlements européens précèdent les lois nationales et que les critères du gouvernement pour désigner un pays comme « sûr » sont en contradiction avec le droit européen en vigueur.
L’arrêt de Bologne confirme qu’un conflit juridique persiste dans l’application entre « le décret émis par le gouvernement définissant les pays considérés comme sûrs et le droit de l’Union européenne tel qu’interprété par l’arrêt du 4 octobre », explique à Euractiv Stefano Musolino, secrétaire du pouvoir judiciaire démocratique et procureur adjoint à Reggio de Calabre.
L’arrêt de Bologne a été initié par un citoyen du Bangladesh, un des pays « sûrs » énumérés dans le décret de Giorgia Meloni, dont la demande a été rejetée.
Bras de fer juridique
Si la CJUE confirme que l’arrêt du 4 octobre prime sur le décret italien, le gouvernement de Giorgia Meloni « devra accepter que la détermination d’un “pays sûr” ne peut pas être établie par la loi, mais doit être vérifiée par les juges sur la base des informations sur le pays d’origine et sur l’ensemble du territoire du pays d’origine et de toutes les minorités qui y sont présentes », explique Stefano Musolino.
« Je ne sais pas si cela signifiera “dire adieu au projet Albanie”, mais cela conduira certainement à une réduction de la validation des expulsions frontalières », ajoute-t-il.
On ne sait pas précisément combien de temps durera la procédure devant la CJUE, mais il pourrait s’écouler plusieurs années avant qu’elle ne progresse à travers les deux niveaux de jugement, laissant le projet albanais dans un vide juridique potentiellement indéfini.
Depuis des années, l’Italie est en première ligne face au phénomène des migrants qui traversent la Méditerranée. Giorgia Meloni a été élue en 2022 en promettant notamment d’y mettre un terme.
Sa coalition s’est déjà heurtée à la justice italienne dans ses tentatives d’entraver l’action des organisations caritatives qui portent secours aux migrants en mer.
Euractiv a contacté le gouvernement italien pour obtenir un commentaire, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.
[Édité par Anna Martino]