[ad_1]
Dispositif financé par les Régions et Bpifrance, le Prêt Rebond permet aux entreprises de faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Illustration avec le témoignage de Thierry Bisiaux, PDG du groupe Cryla, spécialisé dans l’usinage et l’assemblage de pièces industrielles.
L’histoire de Cryla recoupe celle de l’industrie française et celle de la Franche-Comté, où le groupe est implanté depuis 1951. Celui-ci y développe son savoir-faire historique, l’usinage, soit la fabrication de pièces industrielles à destination de différents secteurs. Après 25 ans de prospérité et de croissance dans une économie d’après-guerre en plein boom, la société-mère est rachetée en 1976 par un groupe américain, alors que les premiers effets de la crise pétrolière commencent à se faire sentir.
En 2001, c’est au tour de Danaher, un conglomérat américain lui aussi, de récupérer l’affaire. A l’époque, Thierry Bisiaux est le directeur général du groupe. A mesure que les années passent, il caresse le rêve de prendre les rênes de Cryla. Puis saute le pas en 2009. Douze ans plus tard, il se souvient de cette période charnière : “Je me suis endetté plus que de raison pour acheter le groupe. Je l’ai relocalisé sur un site neuf, dans un bâtiment industriel alimenté par géothermie profonde, avec une optique de développement en RSE [Responsabilité sociétale des entreprises] via les énergies renouvelables.”
Table of Contents
Stratégie de diversification
Un pari gagnant, puisque le groupe, composé de cinq sociétés, emploie 130 salariés et réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019. Thierry Bisiaux a engagé une stratégie de diversification des activités pour poursuivre son développement : “Au-delà de notre savoir-faire de base dans l’usinage, nous donnons également dans le découpage, l’assemblage et le moulage par injection plastique.” Un développement “multitechnologies” qui lui a permis d’élargir son portefeuille de clients, dont Thierry Bisiaux dresse un inventaire sommaire : “On participe par exemple à la construction des machines qui détourent les verres optiques qu’Essilor vend aux opticiens. On conçoit également un boîtier qui va dans le Rafale, on construit des éléments de tableau de bord des avions A320 et A350 pour Safran. Enfin, on va concevoir des ciseaux pour le secteur médical ou des assemblages pour les endoscopes.”
Seulement voilà, au printemps 2020, cet acteur historique du tissu industriel de Besançon s’est retrouvé dans une situation que de nombreuses entreprises ont connue à l’époque : confinement oblige, leurs clients ont stoppé leurs commandes, jusqu’à provoquer une baisse du chiffre d’affaires sur l’année alors estimée à 30 %. “Notre groupe dépend à 55 % des commandes du secteur de l’aéronautique. On a donc été très rapidement touchés par la crise, à partir du mois d’avril 2020”, se remémore le PDG du groupe. La chute de l’activité est abyssale, tout particulièrement pour la société d’usinage qui dépend des géants de l’aéronautique. Cette dernière a vu son carnet de commandes fondre de plus de 50 %. La stratégie de diversification de l’activité de Cryla lui a néanmoins permis de limiter la casse : “Pour nos autres sociétés qui dépendent de secteurs tels que le médical, l’énergie ou encore l’automobile, l’activité a ralenti moins violemment, de plus de 10% tout de même. Mais les difficultés survenues en avril dernier persistent et on va mettre trois ou quatre ans à reprendre le rythme.”
Thierry Bisiaux a tout de même pu préserver l’existence des cinq sociétés du groupe et éviter les licenciements, en recourant au chômage partiel, aux instruments financiers proposés par l’Etat (avec le Prêt Garanti par l’Etat, ou PGE, à hauteur de 2,3 millions d’euros) mais aussi à ceux des Régions. Le groupe Cryla a ainsi obtenu un Prêt Rebond de 150 000 euros auprès de la Région Bourgogne Franche-Comté, qui a contribué à la réorientation stratégique de son activité.
Le Prêt Rebond est un dispositif proposé par quinze Régions en France, avec le soutien de Bpifrance, un organisme de financement public qui complète les dotations régionales. Adressé aux TPE-PME, ce prêt permet aux entreprises ayant plus d’un an d’existence et confrontées à des difficultés conjoncturelles liées à la crise du Covid-19 d’obtenir des liquidités, de 10 000 à 300 000 euros. Leur remboursement s’étale sur sept ans, avec deux ans de délai après l’obtention du crédit.
Un dispositif qui aide aussi (et surtout) les petits entrepreneurs
“Évidemment, pour un groupe de notre envergure, le Prêt rebond ne représente pas un énorme changement, mais un entrepreneur qui fait 500 000 euros de chiffres d’affaire vous tiendrait un tout autre discours”, analyse Thierry Bisiaux. Un regard partagé par les créateurs de cet instrument financier, comme en témoigne Marie Adeline-Peix, directrice exécutive des partenariats régionaux et de l’action territoriale chez bpifrance : “Jusqu’ici, les dispositifs que nous mettions en place avec les Régions bénéficiaient plutôt aux PME et aux TPE de pointe. La particularité du Prêt Rebond, qui le rend très adapté à une crise comme celle du Covid-19, c’est qu’il touche une cible d’entreprises très large. On est sur des typologies de projets et d’emprunteurs beaucoup plus petits qu’habituellement. Sur la formule digitale du Prêt Rebond [démarches 100 % numérisées et accès aux fonds en 5 jours, NLDR], 95% des entreprises bénéficiaires emploient moins de 10 salariés. Pour le Prêt Rebond classique, celles-ci représentent 63 % des prêts consentis.”
Du côté de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui a apporté son expertise juridique à l’élaboration du Prêt Rebond pour permettre la mobilisation de fonds européens sur cet outil, le chef du pôle politique de cohésion européenne Philippe Cichowlaz “rattache la question des Prêts Rebonds à l’idée de créer de la simplicité, à être le trait d’union entre l’Union Européenne, les Régions et les entreprises”. Directeur Général de l’ANCT, Yves Le Breton estime que la mise en place de démarches 100 % numériques a facilité l’accès des entrepreneurs au Prêt-Rebond : “C’est l’un des grands succès avec ce dispositif. Ainsi, il a pu toucher aussi bien des sous-traitants de l’aéronautique que des commerces de proximité. Cette accessibilité aux petites entreprises à des fonds européens, c’est la vraie nouveauté.”
Financer la transition numérique des activités
Dans le cas du groupe Cryla, “le Prêt Rebond est venu en appoint, il nous a permis de poursuivre nos investissements”, affirme Thierry Bisiaux. Il a permis de financer la numérisation des activités, un investissement à hauteur de 250 000 euros sur deux ans. Une fonction également remplie par le Prêt Rebond auprès des entreprises de taille plus développée, observe Marie Adeline-Peix : “Ce dispositif donne aux entrepreneurs un ballon d’oxygène que certains vont utiliser pour payer leurs fournisseurs, payer leurs salariés ou digitaliser leurs services. C’est justement tout son intérêt, on n’a pas de contrainte administrative sur l’usage, la situation d’urgence est telle que l’enjeu est d’éviter aux entreprises de péricliter, on leur apporte le moyen de financer pour passer la crise et investir sur d’autres modes de commercialisation et de distribution, avoir de la trésorerie. Cela leur permet de pouvoir continuer à avancer, d’éviter de cesser leurs investissements parce qu’ils anticipent une crise plus longue.”
Soit exactement ce à quoi se destine le groupe Cryla, comme le confirme Thierry Bisiaux : “Pour nous, la solution passera par la diversification. C’est une démarche qu’on a engagée depuis de nombreuses années déjà. Auparavant, nous dépendions à 80 % des commandes d’entreprises du secteur de l’aéronautique. Aujourd’hui, nous sommes à 55 %. Nous comptons poursuivre en ce sens, en prospectant de nouveaux clients dans le luxe, le médical, le ferroviaire ou les drones.”