Covid-19 : Une premiere : la Commission encourage les État à contrôler les IDE – latribune.fr

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 Par Vincent Brenot, Pierre Sellal et Emmanuel Weicheldinger 

OPINION. Le 25 mars 2020, la Commission européenne a publié… des orientations relatives, principalement, aux investissements directs étrangers et à la protection des actifs stratégiques européens. Cette communication doit retenir l’attention de toute entreprise active en France dont l’activité est stratégique au sens du code monétaire et financier, et tout spécialement celles dont le cours de bourse serait actuellement soumis à une grande volatilité ou une sous-évaluation du fait de la crise boursière consécutive à la pandémie Covid-19. Par Vincent Brenot et Pierre Sellal, associés au sein du cabinet August Debouzy et Emmanuel Weicheldinger, avocat chez August Debouzy.

Le 25 mars 2020, la Commission européenne a publié, comme elle l’avait annoncé, des orientations relatives, principalement, aux investissements directs étrangers (IDE) et à la protection des actifs stratégiques européens.

Cette communication  doit retenir l’attention de toute entreprise active en France dont l’activité est stratégique au sens du code monétaire et financier (CMF), et tout spécialement celles dont le cours de bourse serait actuellement soumis à une grande volatilité ou une sous-évaluation du fait de la crise boursière consécutive à la pandémie Covid-19. En effet, ces entreprises sont, dans le contexte actuel, particulièrement susceptibles d’être la cible d’opérations qui pourraient, immédiatement ou de façon différée, modifier leur actionnariat majoritaire dans un sens non souhaité.

De ce fait, la France et les autres États membres (EM) risquent de perdre le contrôle d’actifs critiques et stratégiques, qui sont non seulement essentiels pour répondre aux besoins, notamment sanitaires, de leurs citoyens, mais dont l’activité sera aussi déterminante pour la reprise économique.

Le « Règlement de 2019 »

A cet égard, la Communication rappelle que les EM peuvent limiter, dans le respect du droit de l’UE, les IDE qui créent de tels risques. Elle observe notamment que les situations d’urgence sanitaire font partie des risques pour la sécurité et l’ordre public visés par le règlement n° 2019/452 du 19 mars 2019, établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union (le « Règlement de 2019 »), qui entrera en vigueur le 11 octobre 2020.

La Commission demande donc aux EM de mettre pleinement en œuvre leurs dispositifs de contrôle des IDE. Elle leur recommande d’y procéder en ayant pour objectifs d’assurer que les cibles des IDE contrôlés demeurent résilientes et puissent continuer à répondre aux besoins des citoyens de l’UE, afin de sauvegarder, de façon générale, les capacités stratégiques de l’économie européenne. Les EM sont également invités à contrôler chaque IDE au regard de ses conséquences potentielles pour l’ensemble de l’Union.

La France dispose d’ores et déj des outils pour répondre à cette demande et donc protéger les entreprises françaises stratégiques susceptibles d’être les cibles d’IDE non souhaitables.

Adapter aux enjeux telle qu’une pandémie

Les règles françaises ont justement été profondément rénovées en 2019. Elles soumettent à autorisation préalable du ministre chargé de l’économie certaines opérations de prise de participations ou d’acquisition réalisées par des investisseurs étrangers ou des investisseurs français établis à l’étranger dans des entités de droit français (y compris les sociétés européennes) qui exercent certaines activités stratégiques. La liste des activités considérées comme stratégiques au sens de la réglementation française sur les IDE a été élargie pour l’adapter aux enjeux contemporains.

Ainsi, peuvent notamment être considérées comme de telles activités, celles relatives à la santé publique, à la lutte contre l’utilisation illicite d’agents pathogènes ou toxiques, à l’approvisionnement en énergie ou en eau, à l’exploitation des réseaux et services de transport, aux communications électroniques ou encore à certains produits agricoles. Les entreprises qui n’arriveraient pas à déterminer leur statut au regard de cette réglementation peuvent saisir pour avis les services du ministre chargé de l’économie.

Le ministre chargé de l’économie peut refuser son autorisation ou la soumettre à des conditions. Ces dernières peuvent avoir pour objet, par exemple, assurer la pérennité et la sécurité, sur le territoire national, des activités protégés, ou encore d’assurer le maintien des savoirs et savoir-faire de l’entité cible et faire obstacle à leur captation. Il dispose également d’un pouvoir d’injonction. Enfin, il peut aussi prendre des mesures conservatoires, telles que suspendre, restreindre ou interdire temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs liés aux activités stratégiques

Compte tenu du contexte de crise sanitaire, la Communication met logiquement un accent particulier sur les entreprises actives dans le secteur de la santé, qui produiraient par exemple des produits médicaux ou des équipements de protection ou encore poursuivraient des activités de recherche médicales (vaccins notamment). Elle souligne que tout IDE non souhaitable dans ces secteurs est susceptible d’avoir des répercussions négatives pour toute l’Union européenne, tant les EM sont interdépendants.

Fidèle à sa démarche dans cette période de crise, la Commission entend surtout accompagner les EM. Son action propre sera donc limitée et s’inscrira, au moment opportun, dans le cadre du Règlement, contrairement à ce qu’elle a fait en matière d’aides d’État, où elle a, mais parce qu’elle en a juridiquement la compétence, pratiquement mis en congé les règles habituelles.

Ainsi, la Commission émettra notamment des avis, dont les EM devront tenir le plus grand compte, lorsqu’elle estimera qu’un IDE sera susceptible de porter atteinte à des projets ou des programmes présentant un intérêt pour l’Union. La Communication indique en particulier que la Commission exercera un contrôle plus approfondi (au titre de l’article 8 du Règlement de 2019) pour les entreprises, spécialement dans le secteur sanitaire, qui ont reçu ou recevront, par exemple dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, des subventions dans le cadre du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020.