La convention citoyenne demande au gouvernement que la sortie de crise ne se fasse pas « au détriment du climat » – aefinfo.fr

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À l’issue de deux jours de réunion par visioconférence « agités », les 3 et 4 avril, les 150 membres de la convention citoyenne pour le climat ne sont parvenus qu’avec difficulté à se mettre d’accord sur l’extension de leur mandat à la prise en compte de la crise économique et sanitaire en cours. Ils ont finalement décidé de transmettre au gouvernement, vendredi 10 avril, une déclaration assortie de 50 mesures présentant leurs travaux et leur exigence de voir les enjeux climatiques figurer dans le futur plan de sortie de crise. Mais ces mesures ne sont pas rendues publiques.

La déclaration des 150 citoyens, transmise au gouvernement et rendue publique le 10 avril 2020, porte sur la contribution de la convention citoyenne au plan de relance. « Nous nous exprimons, car la crise que nous traversons n’est apparemment pas sans lien avec le dérèglement climatique et la dégradation de l’environnement […] Même si la crise sanitaire est soudaine et que nous n’y étions pas préparés, il nous paraît crucial d’agir, d’apporter notre pierre à l’édifice et à la dynamique de sortie de crise », écrivent-ils, à l’issue d’un week-end « agité », selon les propos de la coprésidente du comité de gouvernance de la convention citoyenne pour le climat, Laurence Tubiana.

Les citoyens étaient en effet réunis en ligne, via l’outil de visioconférence Zoom, vendredi 3 et samedi 4 avril. Ce qui devait être leur ultime week-end de réunion, pour un vote sur les mesures de réduction des émissions à soumettre au gouvernement, a été transformé, en raison des mesures de confinement, en une réunion de travail intermédiaire à distance sur la prise en compte de la crise économique et sanitaire liée au coronavirus. Leur réunion finale à Paris est reportée à une date encore inconnue, en juin ou en septembre.

« Souhaitez-vous contribuer au plan de sortie de crise ? », « si oui, quel degré de précision souhaitez-vous apporter à cette contribution ? » et « souhaitez-vous y joindre quelques-unes des mesures travaillées jusque-là » ? Le vendredi matin, Thierry Pech, l’autre coprésident du comité de gouvernance, a introduit les débats afin que les quelque 120 citoyens présents en ligne ou par téléphone au cours du week-end, décident de leur contribution au plan de sortie de crise. Puis deux économistes, Benoit Leguet (I4CE) et Patrice Geoffron (université Paris-Dauphine), ont présenté leurs récents travaux sur un plan de sortie de crise favorable au climat (lire sur AEF info) ainsi que la liste des mesures proposées par les citoyens lors de la précédente session jugées « compatibles » avec un plan de relance économique. Ces mesures ont été identifiées en fonction de trois critères : leur efficacité au regard de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, leur contribution à la relance de l’activité économique et leurs effets sanitaires bénéfiques.

Malentendu au cours du week-end

C’est sur un malentendu que se sont poursuivis les travaux des citoyens dans la journée de vendredi et de samedi, en séance plénière ou en petits groupes d’une trentaine de personnes : comment communiquer avec plusieurs semaines d’avance sur des projets de mesures qui n’ont pas encore été adoptées ou rejetées par les citoyens, puisqu’elles ne seront votées que lors de la septième et dernière session à Paris ? Cette question, qui a peiné à trouver une réponse, a bien failli enrayer le processus en devenant un sujet de préoccupation persistant sur le forum de discussion en ligne ou sur la boucle de messagerie WhatsApp des citoyens. « Si on ne communique que sur quelques mesures, on va donner une impression d’inachevé », a avancé Muriel, vendredi après-midi. « Le groupe WhatsApp était en feu vendredi soir et certains criaient à la manipulation », a prévenu Yolande, samedi.

Il a fallu l’intervention à plusieurs reprises de quelques membres du comité de gouvernance, du rapporteur général Julien Blanchet ou encore du garant Cyril Dion pour recadrer le processus puis décider de procéder à plusieurs votes. « On ne vote pas les mesures aujourd’hui, ce sont simplement des pistes de réflexion qui expriment votre désir de contribuer au plan de sortie de crise. Si on laisse passer le train du plan de sortie de crise, on risque d’arriver un peu tard », a tenté de rassurer Thierry Pech. De son côté, la directrice de la Fondation européenne pour le climat, Laurent Tubiana, a alerté sur « l’urgence de la situation ». « Ce n’est pas de gaieté de cœur que l’on a convoqué ce débat. Le train est en train de partir. Je comprendrais que vous disiez désirer ne pas prendre de risque, on est au cœur du dilemme ».

Une déclaration et 50 mesures

Du dimanche 5 avril au mardi 7 avril, les citoyens ont donc été invités à voter sur leurs préférences et à finaliser une déclaration commune. Ils ont approuvé à une très grande majorité (104 voix pour, 10 contre) une déclaration écrite par leurs soins au cours du week-end et intégrant leurs préoccupations quant au plan de sortie de crise (lire l’encadré ci-dessous). En revanche, ils ont refusé de communiquer au grand public quelques-unes des mesures sectorielles en cours de travail (71 voix pour, alors que la majorité absolue avait été placée à 76 voix, 44 voix contre) mais ont retenu 50 mesures compatibles avec le plan de relance sur les 150 qu’ils avaient préparées lors des sessions précédentes. Ces mesures seront donc transmises uniquement au gouvernement dans un premier temps mais pas aux médias ni à l’ensemble de la société française.

« Face à l’urgence, certaines de nos mesures permettraient de contribuer à la fois à une relance économique, à réduire les émissions de gaz à effet de serre et, indéniablement, à améliorer notre santé et notre bien-être collectifs, tout en tenant compte des populations les plus fragiles », expliquent les citoyens dans leur déclaration. Ces 50 mesures concernent entre autres la rénovation énergétique des bâtiments, la transformation du parc de véhicules, ou encore le développement des circuits courts.

La contribution de la convention citoyenne au plan de sortie de crise

« Nous nous exprimons, car la crise que nous traversons n’est apparemment pas sans lien avec le dérèglement climatique et la dégradation de l’environnement […] La crise du Covid-19 nous interroge sur les effets d’une crise environnementale à venir. Il ne faudrait pas, avec les mesures qui seront prises pour sortir de la situation sanitaire actuelle, que nous accélérions le dérèglement climatique », écrivent les 150 citoyens.

« Nous souhaitons que la sortie de crise qui s’organise sous l’impulsion des pouvoirs publics ne soit pas réalisée au détriment du climat, de l’humain et de la biodiversité. Nous demandons de ne pas reproduire les erreurs passées […] En ce sens, le court terme ne doit pas prendre le pas sur le long terme : les décisions actuelles doivent s’inscrire dans une démarche durable et de justice sociale qui profitera à toutes et tous et pour longtemps, sans pénaliser les plus démunis. Nous appelons nos décideurs à faire preuve de responsabilité politique et à assumer des choix courageux pour le futur. »

Les citoyens souhaitent ainsi que « la stratégie de sortie de crise nous prépare à l’avenir, c’est-à-dire à un modèle économique et sociétal différent, plus humain et plus résilient face aux futures crises, qu’elles soient sanitaires ou autre ». […] Ils demandent que « les financements mobilisés dans le cadre de la sortie de crise soient socialement acceptables, fléchés vers des solutions vertes et que les investissements se concentrent dans des secteurs d’avenir respectueux du climat ».

Dans l’attente de précisions sur la date de la septième et dernière réunion de la convention citoyenne pour le climat, le travail se poursuit. Le comité légistique, qui travaille sur la rédaction des mesures, doit rendre ses travaux d’ici au 15 mai. Des débats en ligne entre citoyens doivent aussi se poursuivre sur la question des financements ainsi que sur la Constitution.