Des lobbyistes profitent de la crise actuelle pour affaiblir des politiques environnementales – aefinfo.fr

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Selon les études récentes de deux ONG, des groupes de lobbying tirent profit du chaos causé par la pandémie pour appeler à reporter ou affaiblir des réglementations environnementales. InfluenceMap, qui a publié ses premiers résultats début avril, est en train d’analyser le lobbying des industriels et des think tank sur les politiques climatiques. Greenpeace USA, dans une note de fin mars, alerte sur le lobbying en cours pour mettre en avant les sacs plastique à usage unique et stopper leur interdiction.

Selon l’ONG britannique InfluenceMap, qui a publié une note début avril 2020, les lobbyistes sont « très actifs » pendant la période du Covid-19. « Une partie de cette activité est dédiée à obtenir des soutiens pour les industries les plus touchées, mais une autre tendance émerge sur l’urgence climatique. »

« Même si les émissions de gaz à effet de serre chutent de manière temporaire avec la réduction de l’activité économique, les décisions politiques et économiques prises pendant la crise pourraient avoir des impacts à long terme », prévient InfluenceMap, qui juge ainsi important de surveiller de près le lobbying du secteur des énergies fossiles.

Le secteur pétrole et gaz très actif

L’ONG compte observer de manière continue le lobbying pour des interventions financières des gouvernements qui seraient avantageuses pour la production de combustibles fossiles et/ou contraire aux recommandations du Giec sur le climat et le lobbying sur les politiques et réglementations climatiques, dont les efforts pour retarder des mesures de politique climatique.

InfluenceMap a déjà pu observer quelques tendances. Le secteur du pétrole et gaz apparaît le plus actif sur ces deux types de lobbying, demandant à la fois un soutien financier et une dérégulation en réponse à la crise du Covid-19. La dérégulation des politiques climatiques, par le biais d’un retardement ou un blocage, semble être la priorité des associations industrielles dans plusieurs pays dont les États-Unis, le Canada et l’Australie.

American Petroleum Institute, regroupant des industriels américains du gaz et du pétrole, demande que les exigences de reporting environnemental de l’EPA (Environmental Protection Agency) soient annulées. Des entreprises canadiennes en Alberta, dont de nombreuses compagnies pétrolières, appellent à reporter l’augmentation prévue de la taxe carbone fédérale. Le groupe de lobbying automobile européen ACEA a signalé dans une lettre envoyée à la Commission européenne le 26 mars qu’il demanderait un délai pour la mise en conformité avec la réglementation européenne sur les émissions des véhicules. Une réclamation qui ne fait pas l’unanimité auprès de tous les membres de l’association, notamment « des constructeurs automobiles allemands BMW, Daimler et VWhave », signale l’ONG.

Marché ETS questionné

Les politiques d’ambition de long terme, comme le Green deal européen, n’ont pas encore été remises en question par les entreprises à cause du Covid-19. Néanmoins, il pourrait y avoir des répercussions. Par exemple, la mise à jour du système d’échange de quotas d’émission de l’UE pourrait être contestée, avec des associations qui demandent déjà plus de flexibilité dans la déclaration des émissions vérifiées dans le cadre du système.

L’enquête de l’ONG révèle que dans certains États américains, plusieurs think tanks financés par des industriels et fondations conservatrices attaquent sur les réseaux sociaux les tentatives d’alignement des interventions financières liées au Covid-19 avec les préoccupations climatiques. D’autres ont écrit au congrès américain pour dissuader de l’inclusion de critères environnementaux dans les incitations fiscales en réponse à la crise du Covid-19.

Prioriser les sacs plastique

Greenpeace USA relève de son côté dans une note du 26 mars que certains groupes industriels américains utilisent le Covid-19 pour faire du lobbying afin que l’interdiction des sacs plastique soit suspendue. « Des think tanks et organisations, financés par le secteur pétrochimique, comme Competitive Enterprise Institute, Manhattan Institute, and American Energy Alliance, profitent de l’anxiété ambiante pour faire circuler de nouvelles études alertant les consommateurs sur l’utilisation des sacs réutilisables par rapport à la prolifération du virus et appeler à la priorisation des sacs plastique à usage unique. »

« Plastics, l’association industrielle du plastique, a envoyé une lettre au ministère américain de la santé l’exhortant à faire une déclaration publique sur les bénéfices pour la santé et sécurité de l’utilisation de sacs plastique à usage unique, alors qu’une recherche récente montre que le Covid-19 peut survivre plus longtemps sur les surfaces plastiques », signale l’ONG.