Combien y a-t-il d’immigrants et de demandeurs d’asile en France et en Europe ?

Un article publié par Le Monde – Les Décodeurs


La gestion des flux migratoires est un thème de prédilection de la droite et de l’extrême droite pour les élections européennes.


Des « flux migratoires incontrôlés » selon Les Républicains, des « migrants fraîchement débarqués » mieux traités que les retraités modestes, selon une intox soigneusement entretenue par Marine Le Pen et le Rassemblement national : la droite et l’extrême droite s’efforcent d’installer le thème de l’immigration au cœur de la campagne européenne.

Les flux migratoires et le nombre de demandes d’asile ont largement évolué depuis la crise de 2015, avec des effets différents en France et dans les autres pays d’Europe.

En France, l’étude des flux d’arrivée montre que les frontières sont franchies par des profils tout à fait divers. Et en premier lieu, par des « nationaux » : les personnes nées en France, ou de nationalité française nées à l’étranger, qui reviennent vivre en France représentent déjà à eux seuls 29 % des « entrées ». Ces données sont calculées par l’Insee à partir du recensement de la population, en comparant deux années consécutives.

Parmi les étrangers qui ont immigré en France en 2017, les plus nombreux sont les Africains (36 %) quasiment à égalité avec les citoyens des autres pays de l’Union européenne (35 %), les Asiatiques, Américains et Océaniens étant nettement moins représentés.

La majorité du flux d’immigrés qui arrivent chaque année en France (247 000 en 2017) provient donc de pays non européens, les ressortissants de l’UE n’en constituant qu’un tiers. La proportion est la même que l’ensemble des étrangers qui sont établis sur le territoire français : 2,4 % de ressortissants de l’UE pour 4,6 % issus de pays tiers.

Au sein des pays d’Europe, les situations sont très contrastées en matière d’immigration, entre des Etats qui comptent très peu d’étrangers (0,6 % en Roumanie ou Pologne) et un pays très ouvert comme le Luxembourg, dont près de la moitié de la population vient d’ailleurs (40,7 % d’Européens, 6,9 % de pays tiers). Par rapport à ses voisins, la France se situe en dessous de la moyenne pour l’accueil des étrangers.

Plusieurs Etats attirent particulièrement les ressortissants des autres pays membres : Chypre (12,9 % d’Européens), l’Irlande (8,9 %), la Belgique (7,8 %), le Royaume-Uni (5,5 %)… Toutefois, dans l’ensemble de l’Europe, les ressortissants des pays tiers sont légèrement plus nombreux (55 %) que les immigrés issus d’un autre pays de l’UE.

Avec 2,4 % d’Européens et 4,6 % de non-Européens, la France accueille moins d’étrangers que la moyenne de l’UE

Proportion de citoyens étrangers dans chaque pays de l’Union européenne au 1er janvier 2017.

Source : Eurostat

2. Les demandes d’asile augmentent en France, mais baissent dans l’ensemble de l’Europe

Davantage que les immigrés intraeuropéens, ce sont les réfugiés et demandeurs d’asile qui concentrent les critiques les plus virulentes de l’extrême droite. En effet, de nombreux migrants menacés dans leur pays d’origine, en fonction de leur situation personnelle (persécution liée à leur race, religion, opinion politique…) ou à cause de la guerre, cherchent à gagner l’Europe et à y obtenir le statut de réfugié, en déposant une demande d’asile.

En France, le nombre de demandeurs d’asile est en hausse constante et rapide : l’ensemble des premières demandes et réexamens a presque doublé depuis 2014, passant de 65 000 à près de 123 000. Les principales nationalités à déposer des dossiers sont les Afghans, Albanais, Géorgiens, Guinéens et Ivoiriens.

Toutefois, seuls 27 % des dossiers ont abouti en 2018 à une admission du demandeur d’asile, soit encore moins que l’année précédente (30 %). Les Afghans ou les Syriens obtiennent presque tous le statut protecteur de réfugiés, alors qu’il est refusé à la plupart des Albanais ou des Algériens, qui immigrent plus fréquemment pour des motifs économiques.

Les demandes d’asile en forte hausse en France

Total des premières demandes d’asile et réexamens (hors mineurs) enregistrées chaque année par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ainsi que des décisions positives de l’Ofpra et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Les chiffres pour 2018 sont provisoires.

Au niveau européen, le pic de la crise migratoire s’est plutôt produit en 2015 et 2016, avec un afflux de migrants fuyant la Syrie. On recensait 1,2 million de personnes par an venant chercher asile dans l’Union européenne. L’Allemagne concentrait alors les demandes (près de 750 000 en 2016). Les années suivantes, la vague migratoire a reflué, mais les demandes d’asile ont progressé dans les pays d’arrivée des migrants, sur les rives de la Méditerranée : en Italie, Grèce, et plus récemment en Espagne, qui est la nouvelle voie d’arrivée des migrants.

En théorie, le règlement européen de Dublin oblige tout réfugié arrivant dans l’Union européenne à demander l’asile dans le pays où il arrive. Mais certains ne souhaitent pas s’y installer, et cherchent à rejoindre des Etats qu’ils estiment plus attractifs (Allemagne, pays scandinaves). Des programmes de relocalisation de migrants ont été lancés par l’Union européenne, avec des résultats mitigés, et la réforme de la convention de Dublin reste un sujet épineux au sein de l’UE.

Après le pic de 2015-2016, les demandes d’asile ont reflué dans l’UE, mais augmenté en France, Grèce ou Espagne

Évolution du nombre de demandes d’asile dans l’ensemble des 28 pays de l’Union européenne. Les cinq États dénombrant le plus de dossiers ont été isolés pour ce graphique.

Source : Eurostat

La France subit avec décalage la hausse des demandes d’asile, car elle constitue un « pays de rebond » : de nombreux migrants venus d’un autre pays européen y déposent des dossiers, parfois après avoir subi des refus ailleurs. En 2018, 37 % des demandeurs d’asile étaient des « dublinés », qui étaient passés par un autre Etat-membre avant d’arriver en France.


Crédits photos : Agathe Dahyot / Le Monde