Audition compliquée pour Sylvie Goulard au Parlement européen – EURACTIV.fr


Les partis de droite et de gauche ont concentré leurs questions sur les enjeux d’intégrité plutôt que d’évoquer le fond des dossiers.

La candidate française Sylvie Goulard, proposée pour le poste du marché intérieur a subi un interrogatoire animé, devant les commissions du marché intérieur, de l’Industrie, des affaires juridiques et des affaires culturelles. Un feu croisé de questions qui ont plus porté sur ses activités passées et son intégrité que sur son portefeuille et ses compétences en matière de politique industrielle, de défense, de marché unique ou des enjeux culturels.

Une situation qui s’explique par un Parlement européen divisé, et des premières auditions compliquées. Les élus de droite du parti populaire européen ont été les plus agressifs à son égard, alors que le PPE prend mal le fait qu’un de ses candidats ait déjà été désavoué par la commission des affaires juridiques, qui a d’emblée éliminé le candidat hongrois, mais aussi une candidate du parti socialiste roumain.

« C’est un règlement de compte, le PPE et les sociaux-démocrates ont perdu des candidats, ils veulent se venger sur un candidat Renew » souffle une source au Parlement européen.  Le chef de parti de Renew, Dacian Ciolos, avait déjà indiqué qu’il n’entrerait pas dans des négociations d’alcôve, contrairement à ce que les chefs de parti ont l’habitude de pratiquer au Parlement européen. Pas question pour lui de gérer en amont des auditions le sort des commissaires.

Le résultat n’est pas des plus productifs, puisque l’audition ne s’est pas tellement porté sur le fond du portefeuille de la candidate, la plupart des candidats des deux plus grands partis posant des questions sur sa collaboration avec le think-tank américain Berggruen lorsqu’elle était eurodéputé, une question évoquée pour la première fois sur Euractiv en 2014.

L’eurodéputé Les Républicains Geoffroy Didier s’est étonné des montants importants de sa rémunération auprès de ce think-tank . Or selon sa propre déclaration d’intérêt, l’élu déclare lui-même 10.000 euros par mois en tant qu’avocat, en plus de sa rémunération d’eurodéputé, ce qui le place dans une situation comparable.

De nombreuses questions ont aussi porté sur la démission d’un de ses collaborateurs, alors que la justice française poursuit plusieurs membres de son parti d’alors, le Modem , soupçonnant des emplois fictifs. La candidate a expliqué avoir à la demande du secrétaire général du Parlement européen remboursé  45.000 euros, somme correspondant à la rémunération sur quelques mois de son collaborateur lors de la fin de son contrat.

« Un usage existe en France, depuis les années 1990, selon lequel tout ministre, à partir du moment où il serait mis en examen, devrait démissionner », a-t-elle expliqué, ajoutant que « dans les institutions européennes, un tel usage n’existe pas » tout en indiquant qu’elle tirerait les conséquences si elle était mise en examen, ce qui n’est pas le cas pour l’instant.

Sur le fond, la candidate a montré qu’elle avait sérieusement travaillé ces dossiers, et s’est offert le luxe de répondre en quatre langues aux questions des candidats, affichant des compétences linguistiques auxquelles peu de candidats à la Commission actuelle peuvent prétendre.

Elle a en revanche eu peu de temps pour s’exprimer sur les autres sujets durant les trois heures d’audition, si ce n’est quelques mots sur l’intelligence artificielle, l’objectif de neutralité carbone de l’UE, le diesel gate l’industrie de la défense ou encore l’audiovisuel, des échanges détaillés en direct ici.

Interrogée par l’élu allemand Christian Ehler sur le fait qu’il faudrait un Hercule féminin pour pouvoir gérer trois directions générales de la Commission, la candidate a répondu par une réplique qui a néanmoins fait rire l’assemblée : « Wir Schaffen dass » a-t-elle répliqué, répétant la célèbre phrase d’Angela Merkel sur la question de l’accueil des réfugiés.

Elle a aussi convaincu sur son engagement européen en conclusion, en insistant sur la nécessité de lutter contre les frontières, et en citant Jean Monnet sur la nécessité d’unir les nations : l’assemblée a terminé l’audition en l’applaudissant.

Le coordinateur de la commission Industrie a réagi en indiquant  qu’il demandait une nouvelle audition et des questions écrites de la commissaire ; les autres commissions ont embrayé, comme les différents groupes politiques à l’exception de Renew qui a sans surprise confirmé son soutien à sa candidate.



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