Allemagne : les ambitions européennes de la nouvelle coalition au pouvoir

Grain de sel Gabriel : Le départ d’Angela Merkel a laissé place en Allemagne à une coalition tripartite inédite entre les sociaux-démocrates allemands (SPD), les Verts et le parti libéral (FDP),qui place Olaf Scholz en successeur de la chancelière qui a dirigé l’Allemagne pendant 16 années. Le 24 novembre, les trois partis ont finalisé leur accord de coalition. Alors que la conférence sur l’avenir de l’Europe se poursuit, la dimension européenne de leur programme aura un impact considérable sur la marche de l’Europe et l’avenir de la relation franco-allemande.

Le futur chancelier s’est déjà prononcé en faveur d’une fédération européenne.

L’Opinion a décrypté les 178 pages du contrat de coalition (voir article in extenso), nous avons sélectionné des aspects qui nous semblent les plus déterminants pour l’Avenir de l’Europe.

Après deux mois de négociations, les sociaux-démocrates d’Olaf Scholz se sont mis d’accord avec les écologistes et les libéraux sur un programme de gouvernement. L’épais contrat de coalition (178 pages), intitulé Oser plus de progrès, détaille comment l’Allemagne veut s’adapter à la nouvelle donne climatique, numérique, démographique après les seize ans de pouvoir d’Angela Merkel. La feuille de route doit encore être validée par les instances des trois formations.

Europe

La nouvelle coalition allemande est prête à réformer l’Europe et à rouvrir les Traités, avec à l’horizon, l’objectif d’un État fédéral européen. Dans le fonctionnement de l’UE, Olaf Scholz et ses troupes veulent remettre au premier plan la méthode communautaire, qui accorde plus de poids aux institutions européennes, sans se priver de l’inter-gouvernemental, privilégié par Angela Merkel. Dans l’optique des élections européennes de 2024, la coalition se prononce pour des listes « en partie transnationales » et des Spitzenkandidaten pour désigner le ou la prochaine chef de l’exécutif européen, ce qui devrait déplaire à Emmanuel Macron. Autre motif de déception pour l’Elysée, il n’est question que d’une « simplification » du Pacte de stabilité, pas d’une réforme profonde comme réclamée à Paris. Pour aller par contre dans le sens du président français, le futur gouvernement allemand plaide pour une plus grande souveraineté stratégique européenne dans les domaines de l’énergie, de la santé, des matières premières et le numérique.

SPD, Verts et libéraux veulent se montrer plus pointilleux sur l’Etat de droit et conditionner le versement des enveloppes du plan de relance à certaines conditions, comme l’indépendance de la justice.

Relations franco-allemandes

Les symboles sont importants : lors de son allocution mercredi, Olaf Scholz a cité la France avant les Etats-Unis dans la liste des partenaires privilégiés pour la politique étrangère du futur gouvernement. Le contrat de coalition appelle de ses vœux « un nouveau dialogue stratégique » avec Paris.

Climat

La neutralité climatique est le fil rouge du programme gouvernemental, jusque dans la politique étrangère, ont souligné mercredi les responsables écologistes. D’après Robert Habeck, co-chef des Verts, les mesures listées dans le contrat de coalition permettent de dépasser l’objectif de réduction des émissions de CO2 (-65% d’ici 2030). Pour y parvenir, l’Allemagne doit décupler la production d’énergie renouvelables. L’objectif est fixé à 80 % d’électricité verte en 2030, contre 65 % dans les plans actuels. 2 % du territoire doit être consacré à l’énergie éolienne, les toits se couvrir de panneaux solaires. La durée des procédures d’autorisation, un des freins actuels, divisé par deux. 15 millions de voitures électriques devront circuler outre-Rhin à la fin de la décennie. La coalition veut devenir un marché majeur pour l’hydrogène et suggère la création d’une Union européenne de l’hydrogène vert. La sortie du charbon sera anticipée de 2038 à 2030, « dans l’idéal ». Il n’est pas question de revenir sur la sortie du nucléaire, qui doit être achevée l’an prochain.

Industrie

Le futur gouvernement entend accompagner l’industrie allemande sur le chemin de la neutralité carbone, la « plus grande transformation depuis plus d’un siècle », d’après Olaf Scholz. Le chancelier in spe promet une « décennie de l’investissement » et des instruments (contrats de différence…) pour garantir la compétitivité des entreprises jouant le jeu de la transition verte. La coalition propose même de créerune sorte d’union douanière du carbone, ouverte à tous les pays. Ce club serait doté d’un prix plancher du carbone et d’un mécanisme d’ajustement aux frontières communs.

Finances publiques

Le SPD d’Olaf Scholz et les Verts ont dû renoncer à leurs projets de hausses d’impôt afin de s’assurerla participation des libéraux du FDP au gouvernement. La coalition a attribué le portefeuille des Finances au FDP, partisan d’une certaine orthodoxie des finances publiques. Olaf Scholz s’est engagé à un retour à la règle d’or en 2023, après la parenthèse provoquée par la crise sanitaire.

Défense

Le contrat de coalition réaffirme la volonté d’engagement de l’Allemagne pour le maintien de la paix. Les interventions extérieures devront comporter un plan de sortie, à la lumière du fiasco afghan. Ce dernier fera l’objet d’une commission d’enquête parlementaire.

La majorité s’engage à doter l’armée allemande de drones armés. Leur mission sera limitée à la protection des troupes allemandes. Les assassinats ciblés sont proscrits. Le SPD avait bloqué une telle décision au sein du précédent gouvernement. La majorité a finalement écarté la possibilité de sortir de la force de dissuasion nucléaire de l’Otan. Elle prévoit de remplacer les chasseurs Tornado, arrivés en bout de course.

Droit de vote

Les trois formations se sont entendues pour un abaissement à 16 ans de la majorité électorale pour les élections européennes et législatives. Toutefois, pour les législatives, la mesure nécessite une modification de la Loi fondamentale. Or, la coalition ne dispose par de la majorité des deux tiers requise, même en s’alliant avec la gauche radicale de die Linke, favorable au vote à 16 ans. Par ailleurs, une commission va se pencher sur une réforme du droit électoral pour empêcher un gonflement supplémentaire du Bundestag et favoriser la parité homme-femme. Elle étudiera aussi une extension à cinq ans de la législature et une limitation du nombre de mandats à la tête du gouvernement.

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Kak_Allemagne_coalition_conséquences_France_web 24/11/2021