Une étude invite l’UE à ne pas négliger le nucléaire pour atteindre ses objectifs climatiques – EURACTIV.fr

Les sources d’énergie renouvelables ne seront pas suffisantes pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, c’est ce qu’affirment des eurodéputés qui s’appuient sur une nouvelle étude pour prôner un retour au développement de l’énergie nucléaire. Un article d’Euractiv Italie.

Le rapport intitulé « Road to EU Climate Neutrality by 2050 » (En route vers la neutralité climatique de l’UE d’ici à 2050), publié le 5 février, a été commandé par les groupes centriste (Renew Europe) et conservateur (ECR) du Parlement européen. Il offre une analyse des coûts et de l’espace requis par les centrales éoliennes et solaires d’une part, et par les centrales nucléaires d’autre part, dans deux pays : la République tchèque et les Pays-Bas.

Des plans jugés insuffisants

Ce document, rédigé par un groupe d’experts issus de divers secteurs – et soumis au processus d’évaluation par les pairs – critique vivement les plans de réduction des émissions mis en place jusqu’à présent, estimant qu’ils ne permettront pas d’atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris de 2015 (limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle).

Pour y parvenir, il faudrait selon les auteurs « une réduction considérable des émissions d’ici à 2030 et la neutralité carbone d’ici à 2050 environ. Cela nécessiterait des transformations sans précédent des systèmes énergétiques, industriels, urbains et agricoles, ainsi que des mesures visant à obtenir des « émissions négatives » en éliminant du CO2 de l’atmosphère ». Aujourd’hui, cependant, « il n’existe aucun plan ou aucune voie plausible » pour y arriver.

« Si l’on considère toutes les émissions liées à l’utilisation d’énergie (et donc pas seulement à la production d’électricité) », poursuit le rapport, « il est clair que l’objectif visant à atteindre zéro émission en quelques décennies en utilisant les technologies actuellement disponibles est irréalisable ». En outre, les sources d’énergie renouvelable ne suffiraient pas à satisfaire la demande énergétique de tous les pays européens.

La commodité de l’énergie nucléaire

Le rapport, qui analyse la situation de la République tchèque et des Pays-Bas, conclut que la production d’énergie nucléaire est plus économique que celle produite par le solaire et l’éolien, tant en termes d’espace requis que de coûts.

Le nucléaire menacé d’obsolescence d’ici 20 ans

La concurrence de l’électricité renouvelable bon marché, les préoccupations en matière de sécurité et les coûts des nouvelles centrales accélèrent le crépuscule de l’énergie nucléaire, sauf en Russie et en Chine où elle bénéficie toujours d’un important soutien de l’État.

Le vice-président de la Commission chargé de la transition écologique, Frans Timmermans, avait formulé une mise en garde sur ce point en octobre dernier. Il avait déclaré que les pays qui voulaient se concentrer sur l’énergie nucléaire devaient « être conscients des niveaux d’investissement massifs dont ils vont avoir besoin, et des coûts sur l’ensemble du cycle de vie » des centrales.

Des affirmations que l’étude remet en question. « Dans presque tous les scénarios réalistes », écrivent ses auteurs, « l’énergie nucléaire est moins chère que l’énergie éolienne et solaire en termes d’euros par MWh, tant en République tchèque qu’aux Pays-Bas, et qu’il s’agisse des taux du marché ou d’un taux d’intérêt nul ». De plus, l’avantage économique de l’énergie nucléaire augmente lorsque les coûts inhérents au système sont ajoutés à l’équation, et croît encore lorsque les taux de pénétration sont plus élevés que ceux de l’énergie éolienne et solaire.

Un soutien de l’UE à l’énergie nucléaire ?

Lucas Bergkamp, qui a rédigé le document, souligne que les énergies renouvelables sont soumises à une grande variabilité et peuvent parfois produire de l’énergie inutile. Actuellement, celle-ci est réduite lorsque la demande est inférieure à l’offre.

D’après lui, les politiques envisagées par la Commission européenne pour stocker l’énergie renouvelable excédentaire dans des batteries ou l’utiliser pour produire de l’hydrogène reposent sur des avancées technologiques qui n’ont pas encore eu lieu : « Il n’est pas possible, du moins dans un avenir proche, d’avoir un système de stockage de l’énergie qui permette d’alimenter tout un pays en ayant recours à des batteries. »

Dès lors, estime-t-il, une autre source d’énergie, comme le nucléaire ou les combustibles fossiles, demeurera nécessaire pour assurer un approvisionnement de base en électricité.

Jusqu’à présent, la Commission a adopté une approche indirecte à propos de l’énergie nucléaire, en affirmant qu’il appartenait aux États membres de l’UE de décider de leur propre bouquet énergétique. Bien que la Commission reconnaisse que l’énergie nucléaire ne produit que de « faibles émissions de carbone », l’UE n’apporte aucun soutien politique à cette source d’énergie, en raison de la résistance farouche de pays tels que l’Autriche.

Mais selon l’eurodéputé néerlandais Robert Roos, du groupe ECR, la Commission devrait maintenant « reconsidérer la manière dont elle veut atteindre la neutralité climatique » en réintroduisant l’énergie nucléaire dans le panachage de ses politiques. « J’aime l’idée d’éliminer progressivement les combustibles fossiles », relève-t-il, « mais je ne pense pas que la direction que nous avons prise soit la bonne et la Commission doit reconsidérer sa stratégie ».

Davantage d’investissements dans l’énergie éolienne

La stratégie de l’exécutif européen mise en revanche largement sur les énergies renouvelables, comme le montrent les données publiées par WindEurope, l’association qui regroupe les entreprises européennes actives dans le secteur éolien. En effet, malgré la pandémie de Covid-19, 26,3 milliards d’euros ont été investis en Europe en 2020 dans la construction de nouveaux parcs éoliens qui seront achevés dans les prochaines années.

Selon Giles Dickson, le PDG de WindEurope, il s’agit « d’un énorme vote de confiance dans l’éolien offshore. Les investisseurs voient qu’il s’agit d’une infrastructure bon marché, fiable et résistante, et que les gouvernements en veulent davantage. Ces investissements créeront des emplois et de la croissance : chaque nouvelle turbine génère 15 millions d’euros de recettes induites. Nous prévoyons que les 77 000 personnes qui travaillent dans ce secteur en Europe aujourd’hui seront au nombre de 200 000 d’ici à 2030 ».

Aujourd’hui, en Europe, 25 GW d’énergie éolienne sont produits chaque année, à partir de 116 centrales offshore situées dans 12 pays : 40 % d’entre elles se trouvent au Royaume-Uni. Des chiffres encore éloignés des objectifs fixés par l’UE, qui prévoit d’atteindre 60 GW d’ici à 2030 et 300 GW en 2050, mais les signaux sont encourageants.

Plusieurs pays, dont la Pologne, la Grèce, l’Espagne, l’Irlande et les pays baltes, ont adopté des plans pour créer de nouveaux parcs éoliens. De plus, en 2020, six accords majeurs pour acheter de l’énergie provenant de l’éolien offshore ont été signés par de grandes sociétés, dont Nestlé, Amazon et Deutsche Bahn.

« Il nous faut maintenant poursuivre sur notre lancée », conclut Giles Dickson : « Pour exploiter pleinement le potentiel éolien en Europe, nous avons besoin de trois choses : un cadre législatif cohérent pour les projets offshore, une meilleure planification de l’espace maritime et des procédures d’autorisation simplifiées. »

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