Pour une force européenne de la santé ! – EURACTIV.fr

De la crise que nous traversons, se dégage déjà le profond besoin d’une véritable Europe de la santé. La réponse se devra d’être à la hauteur du défi.

Véronique Trillet-Lenoir, médecin de formation, est une eurodéputée (LREM) membre de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) au Parlement européen et une porte-parole sur la santé à la délégation Renaissance.

En quelques semaines, l’Europe est devenue l’épicentre de la pandémie COVID-19, alarmante pour la santé des citoyens européens, mais aussi pour l’économie et l’emploi. Progressivement, mais inégalement, l’épidémie gagne l’ensemble des 27 États membres.

Elle révèle, une fois de plus, la fragilité de l’Union européenne en matière de santé publique. Les États membres conservant d’importantes prérogatives d’organisation des soins, l’Union européenne ne dispose que d’une compétence d’appui. Son pouvoir limité de coordination et sa périlleuse dépendance pharmaceutique aux autres grandes puissances entravent la réactivité de ses réponses.

Recommandations du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), assistance aux ressortissants, financement de la recherche, mise en réserve de matériels médicaux, contrôle des frontières et exemples réconfortants de transferts de patients entre États membres : les efforts entrepris ne compensent malheureusement pas la disparité des systèmes de soins nationaux et l’hétérogénéité des mesures prises, la fragilité des stocks sanitaires, le manque de solidarité, le refus de coopération sur les matériels, leur rétention ou, pire, leur détournement et les fermetures brutales de couloirs aériens et de frontières.

Il aura malheureusement déjà fallu plusieurs crises sanitaires (vache folle, SRAS, Médiator, prothèses mammaires PIP) pour qu’on en vienne à renforcer la législation européenne, ou à créer de nouvelles agences. Nous devrons donc être plus ambitieux. Il ne s’agira plus d’ajuster un système, mais plutôt d’entamer sa refonte en profondeur.

Même si l’heure n’est pas encore au bilan, nous pouvons déjà tirer quelques leçons et proposer des solutions. D’abord pour maîtriser l’urgence actuelle, mais aussi pour inventer un dispositif de santé robuste et anticiper les crises sanitaires ultérieures.

Créons une Force européenne de la santé pour poser les fondements d’une politique commune souveraine et innovante !

Dotons l’Union européenne d’une coordination plus opérationnelle

À court terme, l’interopérabilité des systèmes de santé nationaux est indispensable, elle devrait pouvoir s’appuyer sur le « corps médical européen », pourtant créé à cet effet. Achats groupés, échanges coordonnés de matériel, mobilisation des professionnels de santé, transports de patients en vue de soins transfrontaliers devront être mieux anticipés.

À moyen terme, les agences sanitaires européennes devront disposer d’un vrai pouvoir d’évaluation et de contrôle de leurs recommandations. Elles seront ainsi à même de constituer un levier décisionnel, un solide réseau d’expertise capable d’activer rapidement des plans de santé publique.

Un portail européen facilitera les échanges sur les données épidémiologiques, les recommandations de pratiques et l’état des stocks médicaux. Des informations validées et des alertes éventuelles transmises aux citoyens permettront de lutter efficacement contre la désinformation.

Restaurons la souveraineté européenne en matière de santé

Pour lutter contre les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux, il conviendra d’organiser le rapatriement sur le territoire européen de la fabrication de principes actifs (80 % actuellement hors Union européenne), de préserver les médicaments de première nécessité en prévoyant des réserves mobilisables et d’inciter les industriels de la santé à relocaliser les sites de production en Europe tout en favorisant des technologies innovantes et réactives.

Renforçons la coopération européenne en matière de recherche

Des essais cliniques européens sont déjà en cours. Ils devront privilégier le pragmatisme et la promulgation rapide des résultats. Les progrès de la science pourront ainsi bénéficier à un maximum de patients dans les meilleurs délais.

Adossés aux réseaux déjà structurés et aux futures universités européennes, de larges consortiums pourront être financés. Leur recherche devra porter sur les diagnostics, les thérapeutiques et les vaccins, mais aussi sur les mécanismes des crises sanitaires (environnementales, alimentaires, infectieuses…), en s’appuyant sur l’intelligence artificielle.

Ce scénario impliquerait sans doute, pour les États membres, le renoncement à certaines de leurs prérogatives au bénéfice d’une gestion efficace de la santé publique à l’échelle européenne. Ce serait le prix à payer pour bâtir l’Europe de la santé.

Ainsi nous répondrons, de manière réactive et coordonnée, à l’attente qu’ont les citoyens d’une Europe protectrice et solidaire.

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