« Nous devons veiller à ce que la crise sanitaire ne devienne pas une crise de sécurité » – EURACTIV.fr

L’OTAN doit contribuer à la gestion de la crise du COVID-19 tout en maintenant ses opérations en cours, car les menaces antérieures à la pandémie n’ont pas disparu, affirme son secrétaire général Jens Stoltenberg, dans un entretien accordé à Euractiv.com.

Le Norvégien Jens Stoltenberg assume la fonction de secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) depuis mars 2014. Avant cela, il a notamment été Premier ministre de son pays de mars 2000 à octobre 2001.

Vous avez qualifié le COVID-19 d’« ennemi commun invisible ». Quels sont les efforts déployés pour coordonner la réponse de l’UE et de l’OTAN face à cette crise ?

L’OTAN et l’UE coopèrent étroitement dans la lutte contre le COVID-19. Une réunion des ministres de la défense de l’OTAN aura bientôt lieu par vidéoconférence sécurisée, et Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, y prendra part. Je demeure également en contact étroit avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et avec le président du Conseil européen, Charles Michel. Il existe également une coordination active entre le personnel de nos institutions.

Quels enseignements à long terme l’OTAN pourrait-elle tirer de la pandémie en matière de préparation à une guerre bactériologique ou aux menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires ?

L’OTAN est une organisation qui s’est toujours préparée aux crises, elle a développé des moyens qui peuvent être déployés en réponse à une attaque armée et à des menaces militaires. Nous constatons maintenant que ces compétences sont aussi très utiles pour soutenir les efforts civils dans la lutte contre une crise sanitaire, telle que la pandémie de coronavirus. Vous avez pu observer comment le recours à la structure de commandement et à différents mécanismes de l’OTAN ont permis d’assurer l’acheminement en Europe de grandes quantités d’équipement en provenance du monde entier, comme des combinaisons de protection ou du matériel médical pour aider les membres de l’alliance à faire face à cette crise.

Nous possédons également des hôpitaux de campagne qui ont été transportés et mis en place pour aider les alliés à affronter la pandémie. Nous avons aussi développé nos aptitudes en matière d’évacuation médicale au fil des ans, en Afghanistan notamment, pour transporter des soldats grièvement blessés. Aujourd’hui, nous utilisons le même matériel, les mêmes compétences en Europe pour transporter les personnes infectées vers des hôpitaux où elles vont pouvoir être prises en charge.

Lors de la dernière réunion ministérielle de l’OTAN, vous avez fait état de menaces qui pourraient passer inaperçues pendant que le monde entier est focalisé sur la pandémie. Qu’est-ce qui vous inquiète le plus ?

À l’heure actuelle, nous sommes tous concentrés sur les défis imminents auxquels la crise du coronavirus nous confronte. C’est bien sûr aussi le cas de l’OTAN, qui aide les alliés à y faire face. En même temps, nous savons que les menaces et les défis qui existaient avant la crise du COVID-19 n’ont pas disparu.

La menace terroriste, l’instabilité au Moyen-Orient, en Syrie, en Afrique du Nord, les cybermenaces, mais aussi les défis que provoque la mutation de l’équilibre mondial des pouvoirs avec la montée de la Chine, ou une Russie plus affirmée, qui est responsable d’une violation continue de la souveraineté de l’Ukraine et de la Géorgie, deux nations européennes. Il ne fait aucun doute nous devons nous occuper de la pandémie de COVID-19, mais en même temps, nous devons nous assurer que la crise sanitaire ne se transforme pas en crise de sécurité. Outre sa participation à la gestion de la crise du coronavirus, l’OTAN doit maintenir ses missions et ses opérations ainsi que son état de préparation.

C’est la raison pour laquelle nous maintenons nos groupements tactiques dans la partie orientale de l’alliance et dans les pays baltes. Parallèlement, nous poursuivons nos activités de police aérienne et notre lutte contre le terrorisme international avec notre mission en Afghanistan ou en contribuant à stabiliser les Balkans occidentaux, avec notre mission au Kosovo. Nous devons être présents sur les deux fronts en même temps : lutter contre le COVID-19, mais aussi faire face aux autres défis et menaces auxquels nous sommes confrontés.

L’Europe pourrait être confrontée à une grave récession après la pandémie. L’OTAN sera-t-elle prête à reconsidérer la question des contributions nationales et notamment de l’objectif de consacrer 2 % des dépenses à la défense ?

Nos tâches et nos préoccupations principales à l’heure actuelle sont de sauver des vies. Nous avons également tous conscience que la pandémie de COVID-19 aura de graves conséquences économiques et que l’ampleur de ces répercussions dépendra notamment de la durée de la crise. À ce stade, nous avons d’une part constaté que les menaces auxquelles nous sommes confrontés n’ont pas disparu avec la crise du COVID-19, et d’autre part que les moyens et les compétences militaires comme le transport aérien, la médecine militaire, la logistique ou d’autres modes de transports sont tous pertinents pour faire face à une crise sanitaire.

Investir dans les forces armées n’est donc pas seulement pertinent pour répondre à une menace militaire, cela permet à la société civile de se doter de capacités renforcées qui peuvent être utilisées lors de crises comme celle-ci. C’est précisément ce que font les alliés de l’OTAN à l’heure actuelle : nous voyons constamment des militaires venir en aide aux travailleurs de la santé qui sont en première ligne.

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