Loi Pacte : ce que l’Europe a inspiré au gouvernement français

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) est débattu à partir de ce mardi 25 septembre à l’Assemblée nationale. Allemagne, Scandinavie, Italie, Royaume-Uni… le gouvernement français souhaite mettre en place un certain nombre de dispositifs qui existent déjà dans les pays voisins. Et pourquoi pas « montrer l’exemple » sur d’autres points, selon Roland Lescure (LaREM), le président de la commission des affaires économiques de la chambre basse du parlement.

Le projet de loi Pacte, relatif à la croissance et la transformation des entreprises, est étudié à partir de ce mardi 25 septembre à l’Assemblée nationale, en procédure accélérée (une seule lecture par chambre).

Principal objectif du gouvernement : faciliter la création et la vie des entreprises françaises, parfois plus compliquées que celles de leurs voisines européennes.

Outre de nombreuses dispositions d’adaptation du droit français au droit de l’Union européenne, certaines mesures très discutées font ainsi écho à des dispositifs qui existent déjà dans d’autres pays de l’UE et du monde.

« La France s’inscrit dans une globalisation assumée mais pas naïve« , commente Roland Lescure, le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Ce député de la majorité est aussi l’un des auteurs du rapport publié mi-septembre au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Pacte.

Le gouvernement souhaite, en premier lieu, doper la création et le développement des entreprises tricolores. La comparaison est souvent faite avec l’Allemagne, où les entreprises s’agrandissent plus facilement qu’en France. Que prévoit le projet de loi Pacte pour améliorer la situation ?

On voit effectivement qu’il y a beaucoup plus d’entreprises de 49 salariés en France qu’outre-Rhin. La barrière des 50 salariés est très difficile à franchir chez nous alors qu’en Allemagne, il y a moins de seuils fiscalo-sociaux (seuils d’effectifs salariés à partir desquels les entreprises doivent remplir certaines obligations fiscales et sociales, NDLR).

La loi Pacte va donc permettre de supprimer et simplifier plusieurs seuils en France. Et la mesure emblématique, c’est qu’on donne cinq ans aux entreprises pour se mettre en conformité avec le nouveau seuil qu’elles ont franchi.

On va aussi créer un guichet unique qui fait qu’en 2021, on pourra créer son entreprise en quelques clics et quelques jours seulement […]. On se rapproche donc d’autres pays européens, pas seulement de l’Allemagne, dans lesquels la création et la croissance des entreprises est plus simple.

Vous mentionnez aussi, par exemple, les pays scandinaves…

Oui. En Europe du Nord, au Danemark, quand un chef d’entreprise souhaite pérenniser son entreprise, il peut créer ce qu’on appelle une « fondation actionnaire » qui détiendra l’entreprise à sa mort et la développera de manière indépendante.

Cela n’existe pas en France. Actuellement, sauf exception, si vous avez une entreprise sans héritier, il faut la vendre (quitte à ce que son activité s’arrête, NDLR). Donc on va créer un statut de « fonds de pérennisation » qui permettra, désormais, de continuer à la développer. L’idée, c’est de pérenniser le capitalisme familial, qui peut jouer un rôle très fort dans l’économie, comme on le voit en Allemagne.

D’une façon générale, la loi Pacte contient beaucoup de mesures de transposition du droit européen dans le droit français (par exemple sur la facturation électronique, la mobilité des travailleurs ou le dépôt des marques). Avec ces dispositions, va-t-on vers plus d’intégration économique ?

L’intégration économique a déjà eu lieu. Aujourd’hui, le premier partenaire de la France, c’est l’Europe, c’est l’Allemagne. Mais effectivement, il faut s’assurer que les lois suivent les faits. Donc il y a beaucoup de transposition de directives dans la loi Pacte.

Les détails seront discutés en séance à partir du 25 septembre, mais on va notamment mettre en place l’obligation, au sein des entreprises, de diffuser la rémunération des principaux dirigeants, la rémunération moyenne en dehors des dirigeants, et le ratio des deux.

À terme, ces informations seront disponibles partout en Europe. Nous sommes tous convaincus que la transparence sur les rémunérations est un élément très important dans le monde d’aujourd’hui, où les inégalités de revenus croissent.

La loi Pacte veut consacrer le rôle « social et environnemental » des entreprises. Y a-t-il des modèles parmi nos voisins ?

La loi instaure un dispositif à plusieurs étages qui vise à rendre les entreprises plus responsables. Avec la modification du Code civil notamment, toutes les entreprises devront s’interroger sur l’impact social et environnemental de leurs activités. On a aussi introduit un amendement qui crée un nouveau statut de « société à mission », pour les entreprises qui souhaitent avoir une mission sociétale au-delà de l’enrichissement des actionnaires, comme le recrutement de personnes en situation de handicap ou une politique de recyclage par exemple. Cela existe sous d’autres formes en Italie, en Angleterre ou aux États-Unis. Donc l’idée, là encore, c’est de tenir compte de tout ce qui existe dans le monde, de ne pas faire quelque chose de gallo-français…

Mieux associer les salariés aux résultats de leurs entreprises, avoir un but social, être plus transparent… L’éthique est à la mode ?

Je pense qu’il y a une lame de fond mondiale, et particulièrement en Europe. D’abord, la demande sociétale pour des entreprises plus responsables est présente. Il y a aussi une demande de la part des épargnants qui souhaitent que leurs fonds soient placés sur des produits qui profitent davantage à la société et à l’environnement. Les entreprises elles-mêmes sont donc en train de comprendre qu’elles doivent évoluer.

Au-delà de la tradition nordique qui a toujours été plus avancée que le reste de l’Europe, je pense que c’est vraiment quelque chose qui est en train d’émerger partout.

Dans d’autres domaines, vous affirmez que c’est la France qui pourrait donner des idées à ses voisins… 

Oui, dans la loi Pacte, il y a beaucoup de dispositions sur des sujets nouveaux, comme les plateformes d’échange de devises virtuelles (le Bitcoin par exemple, NDLR), sur lesquelles l’Europe est aujourd’hui assez peu présente. En France, on souhaite mettre en place un agrément facultatif de l’Autorité des marchés financiers, pour les plateformes qui souhaiteraient en quelque sorte se faire « valider ». L’idée, c’est que l’on puisse montrer l’exemple, et pourquoi pas convaincre nos amis européens d’avoir des dispositifs similaires.

On a aussi le Fonds pour l’innovation et l’industrie. On va céder des participations dans les entreprises publiques, comme Aéroports de Paris (ADP), la Française des jeux et Engie. L’objectif, c’est de créer un fonds qui sera doté d’une dizaine de milliards d’euros pour financer l’innovation de rupture, c’est-à-dire la recherche fondamentale sur l’intelligence artificielle ou les véhicules autonomes par exemple. Là encore, c’est un projet français, mais qu’on espère pouvoir généraliser au minimum au niveau franco-allemand, où des discussions ont déjà eu lieu.

S’agissant de ces cessions de capital, peut-on les rapprocher des nombreuses privatisations (parfois décriées) qui ont eu lieu ces dernières années en Grèce ou au Portugal par exemple ?

Oui, dans le sens où l’on repense un peu partout le rôle de l’État. On souhaite que l’État se désengage d’un point de vue actionnarial, mais tout en continuant d’assurer la régulation économique, sécuritaire et environnementale de ces entreprises.

S’agissant des recettes, ce qui compte ce n’est pas tant les dividendes, c’est surtout la fiscalité. Alors oui, on s’inspire d’un certain nombre de choses qui ont été faites ailleurs en Europe, mais on s’inspire aussi des erreurs qui y ont été faites, y compris en France, pour les corriger. La manière dont les autoroutes ont été privatisées s’est par exemple traduite par de vrais débats sur la tarification et son évolution. Dans la loi Pacte, un processus est donc envisagé pour garantir une bonne adéquation entre les coûts et les tarifs, qui seront revus tous les 5 ans.

La loi Pacte prévoit enfin de mieux contrôler les investissements étrangers en France. Nos partenaires le font-ils déjà ?

L’objectif, c’est de garder l’attractivité de la France, mais dans une logique qui ne soit pas complètement naïve. On a notamment créé une délégation parlementaire pour suivre les procédures d’autorisation préalables mises en place par le gouvernement (pour protéger les entreprises stratégiques françaises, NDLR). Cela existe ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni.

En fait, la France s’inscrit dans une globalisation assumée mais pas naïve. Tous les grands pays avec lesquels nous sommes en compétition aujourd’hui le font également.

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