Les Vingt-Sept acceptent de reporter le Brexit… au 12 avril



Actualité


21.03.2019

Marie Guitton, à Bruxelles

Le Royaume-Uni espérait reporter au 30 juin sa sortie de l’Union européenne. Jeudi 21 mars, les Vingt-Sept n’ont accepté de repousser le Brexit qu’au 12 avril. Ce délai sera prorogé au 22 mai si, la semaine prochaine, l’accord de retrait déjà rejeté deux fois par les députés britanniques est ratifié. A défaut, le no deal s’imposera-t-il ?

Les Européens se sont prononcés sur un report du Brexit jeudi 21 mars à Bruxelles - Crédits : Conseil européen

Les Européens se sont prononcés sur un report du Brexit jeudi 21 mars à Bruxelles – Crédits : Conseil européen

Les Européens sont restés inflexibles, ce jeudi 21 mars à Bruxelles.

Le 12 mars, les députés britanniques avaient rejeté une seconde fois l’accord de sortie qu’elle avait négocié avec Bruxelles. La Première ministre Theresa May avait donc fini par demander, mercredi, un report du Brexit au 30 juin 2019. Ainsi la menace imminente d’un no deal, le rétablissement brutal des frontières dans la nuit du 29 au 30 mars, se serait-elle éloignée…

Mais la réponse de Donald Tusk, le président du Conseil européen, est tombée ce jeudi dans la soirée, après plus de cinq heures de débat entre les chefs d’Etat et de gouvernement : dans un premier temps, le « bord de la falaise » ne sera repoussé que jusqu’au 12 avril.

Aucune prise de risque en vue des élections européennes

C’est à cette date, en effet, que le Royaume-Uni est contraint par sa loi électorale de dire s’il prévoit de participer aux élections européennes ayant lieu six semaines plus tard. Avant le sommet, la Commission européenne avait donc prévenu, par la voix de son président Jean-Claude Juncker, qu’un report au 30 juin représenterait un « risque juridique et politique » pour l’UE.

Si le Royaume-Uni, après avoir passé son tour aux élections européennes de mai, avait finalement décidé de rester dans l’UE (une décision qui lui revient unilatéralement jusqu’au dernier moment), l’absence de représentants britanniques au Parlement de Strasbourg aurait en effet menacé le bon fonctionnement des institutions, selon une source européenne interrogée par Toute l’Europe. Sans en arriver là, si le Brexit avait été reporté au 30 juin, les Britanniques résidant dans d’autres Etats membres auraient peut-être pu faire valoir le fait qu’ils étaient toujours des citoyens de l’Union pour réclamer le droit de voter entre le 23 et le 26 mai, selon une source élyséenne.

Les Vingt-Sept ont donc décidé de jouer la prudence en n’accordant un report que jusqu’au 12 avril… le temps d’y voir plus clair.

Une possibilité d’extension au 22 mai en cas de ratification de l’accord

Si la Chambre des communes finit par valider, d’ici au 12 avril, l’accord de retrait dévoilé en novembre dernier, la sortie pourra être repoussée jusqu’au 22 mai, à la veille des élections européennes, ont précisé jeudi soir les Vingt-Sept.

On serait alors sûr que le Royaume-Uni sortirait de l’Union européenne. Il n’aurait besoin que d’un report « technique » du Brexit pour se préparer à mettre en œuvre ce « deal« , qui prévoit notamment l’instauration d’une période de transition jusqu’à fin 2020 pour organiser plus sereinement la suite des relations (commerce, circulation des voyageurs, etc.).

L’accord de retrait en 8 points clés

Vers un nouveau vote à la Chambre des communes ?

Selon toute vraisemblance, si elle préfère les options des Européens à un no deal le 29 mars, Theresa May remettra donc, dans les prochains jours, l’accord sur le Brexit à l’ordre du jour de la Chambre des communes. Mais a-t-il une chance d’être approuvé par les députés qui l’ont déjà rejeté massivement à deux reprises, le 15 janvier et le 12 mars ?

A la veille du sommet européen à Bruxelles, la Première ministre s’est de nouveau mise à dos une partie des députés de son pays, en les accusant d’être responsables de l’impasse actuelle. A son arrivée au Conseil européen jeudi, elle a néanmoins répété qu’elle « [travaillait] toujours à ce que le Parlement valide cet accord pour que nous sortions de manière ordonnée« . Pour convaincre les députés récalcitrants de l’adopter, elle ne cesse en effet d’agiter un double épouvantail. Celui du no deal, qui effraie particulièrement les europhiles. Et celui d’un report plus long du Brexit, qui déboucherait probablement sur sa démission et d’autres conséquences imprévisibles… comme l’organisation éventuelle d’un nouveau référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE : une perspective à faire blêmir les partisans d’un Brexit dur. 

De son côté, le président de la Chambre des communes John Bercow avait prévenu mardi qu’il ne soumettrait pas une nouvelle fois au vote cet accord de retrait s’il n’était pas « substantiellement » amendé. Mais la donne pourrait avoir changé, maintenant qu’il est assorti d’une promesse de report du Brexit au 22 mai.

Et si l’accord est à nouveau rejeté ?

Rien ne garantit toutefois que l’accord de retrait, et son fameux backstop nord-irlandais, soient approuvé in extremis.

Brexique, le lexique du Brexit

Dès lors, que se passerait-il ? « En cas de vote négatif, nous irions au no deal« , a précisé Emmanuel Macron jeudi après-midi, en arrivant à Bruxelles. Mais à mesure que la perspective d’un divorce brutal se rapprochera, il est probable que cette fermeté s’infléchisse. La chancelière allemande Angela Merkel a ainsi répété ce jeudi qu’il faudrait se battre « jusqu’à la dernière minute » pour éviter un no deal.

Une dernière possibilité pourrait alors s’inviter à la table des Vingt-Sept, qui se réuniraient probablement en sommet extraordinaire avant le 12 avril : celle d’un report long du Brexit.

Dans une note interne consultée par l’AFP, la Commission européenne a d’ores et déjà évoqué cette éventualité : dans ce cas, la date de sortie du Royaume-Uni devrait être repoussée au moins jusqu’à la fin de l’année 2019, selon l’exécutif européen. Le temps de trouver une vraie alternative au no deal ?

Avant d’envisager le « scénario » d’un report long, et tout ce qu’il pourrait impliquer, il faudrait déjà savoir « si le Royaume-Uni souhaite ou non participer aux élections européennes du 23 au 26 mai« , a rappelé jeudi, en amont du sommet, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez. Un nouveau choix cornélien. Et proche de l’absurde pour un pays qui a choisi, il y a près de trois ans maintenant, de quitter l’Union européenne.

Par ailleurs, « s’il est prêt à participer aux élections européennes, il faudra alors qu’il nous dise pourquoi il sollicite une extension plus longue« , a ajouté une source élyséenne à l’issue du Conseil européen. « S’il n’y a pas de vote favorable la semaine prochaine, on demandera au Royaume-Uni de clarifier ses projets. La seule chose qui pourrait justifier une extension longue, c’est un plan nouveau.« 

Theresa May n’a pas été en mesure de le fournir depuis le mois de novembre dernier.

Jeudi, une pétition pour annuler le Brexit a réuni plus d’un million de signatures outre-Manche, à peine une journée après avoir été lancée sur le site du Parlement britannique. De quoi lui donner de nouvelles idées ? En cas de report long, la Première ministre proposerait plus probablement sa démission…



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