Les Restos du Cœur plaident pour un plan européen de lutte contre la pauvreté



Actualité


26.09.2018

Marie Guitton

Alors que 40 millions d’Européens vivraient en situation de « grande pauvreté », selon les Restos du Cœur, les associations caritatives s’inquiètent d’une forte réduction du Fonds européen d’aide aux plus démunis après 2020. En pleine crise migratoire, et à l’aube des élections européennes de mai prochain, elles réclament un véritable « plan européen de lutte contre la pauvreté ». « Solidarité ou pas », telle est la question pour Patrice Blanc, le président des Restos du Cœur, interrogé par Toute l’Europe au lendemain d’une consultation citoyenne organisée à Paris le 25 septembre.

Les ministres de l'Europe et des Solidarités ont participé à la consultation citoyenne du 25 septembre sur la pauvreté. Crédits : @NathalieLoiseau / Twitter

Les ministres de l’Europe et des Solidarités ont participé à la consultation citoyenne du 25 septembre sur la pauvreté. Crédits : @NathalieLoiseau / Twitter

« On espère que des manifestations comme les consultations citoyennes sur l’Europe permettront de montrer que l’Union européenne, ça peut aussi être un espace de solidarité ».

L’appel des Restos du Cœur pour renforcer la lutte contre la pauvreté, environ soixante-dix personnes s’en sont emparé mardi 25 septembre à Paris, lors d’un dialogue avec Nathalie Loiseau et Agnès Buzyn, les ministres françaises chargées respectivement de l’Europe, et des Solidarités et de la Santé.

Les bénévoles des Restos du Cœur, mais aussi du Secours populaire, de la Croix rouge et de la Fédération des banques alimentaires (antennes françaises et européennes) ont notamment fait part de leurs « inquiétudes sur le montant du futur budget de l’Union européenne », en cours de négociation pour la période 2021-2027.

Doté de 3,8 milliards d’euros pour la période 2014-2020, l’un des principaux outils de l’Europe sociale, le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), pourrait en effet bientôt fusionner avec le Fonds social européen (FSE), dont les crédits s’élèvent pour la même période à 80 milliards d’euros dédiés plus généralement à la promotion de l’emploi et de l’inclusion sociale.

Or l’enveloppe prévue pour ce « FSE+ », qui regroupera en outre plusieurs autres fonds, pourrait ne représenter « que » 89,7 milliards d’euros, si les propositions de la Commission européenne pour le prochain cadre financier 2021-2027 sont acceptées. Le FEAD, pour sa part, pourrait n’être abondé qu’à hauteur de 1,8 milliard d’euros sur ces sept années, si le montant minimum envisagé (de 2% des crédits du FSE+) est retenu in fine. Une baisse que dénonce Patrice Blanc, le président bénévole des Restos du Cœur, dont l’organisation reçoit chaque année 26 millions d’euros du FEAD, soit plus de 13% de ses ressources, afin d’acheter des produits alimentaires.

Les associations craignent également une complexification des dossiers à monter pour bénéficier du FEAD à l’avenir, un certain nombre d’acteurs locaux ayant déjà renoncé à solliciter le FSE dont la procédure est jugée « extrêmement lourde » et les contrôles « très bureaucratiques ».

En 2015, selon les derniers chiffres d’Eurostat, près d’un Européen sur six, soit 87 millions de personnes en Europe, vivaient sous le seuil de pauvreté (fixé à 60% du revenu médian de leur pays, soit 1 026 euros par mois aujourd’hui en France). Face à « l’urgence humanitaire », les bénévoles français, mais aussi espagnols, allemands ou italiens avec lesquels ils communiquent « régulièrement », plaident donc pour la mise en place d’un véritable « plan européen de lutte contre la pauvreté », comme l’explique Patrice Blanc, interrogé par Toute l’Europe.

Pauvreté : 87 millions d’Européens touchés

 

Les Restos du Cœur affirment que 40 millions de personnes en Europe sont en situation de « grande pauvreté ». Qu’est-ce que la grande pauvreté ?

Le seuil de pauvreté est d’environ 1 000 euros par mois en France. On voit notamment apparaître de plus en plus de retraités pauvres actuellement. Et aux Restos du Cœur, le revenu médian des personnes seules qui viennent nous voir est de l’ordre de 520 euros. Donc pour nous, c’est cela, la grande pauvreté.
Mais la pauvreté n’est pas seulement monétaire, c’est aussi l’isolement social, des personnes à la rue notamment. Les mamans à la rue avec leurs enfants, c’est encore plus dramatique. Et de nombreux mineurs étrangers isolés ne sont pas pris en charge dans plusieurs pays. En France, il y a une partie de ping-pong budgétaire entre les départements et l’Etat. Lorsqu’ils ne prennent pas leur responsabilité, compte tenu du parcours de vie de ces mineurs, on aboutit à une violation de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Une action européenne est donc essentielle pour pallier les lacunes des Etats membres ? Vous parlez des étrangers, y a-t-il une urgence humanitaire en Europe liée à la crise migratoire ?

Oui. Et la logique de la réponse est européenne. Les migrants font partie des personnes les plus démunies en Europe, et on le voit bien dans les centres d’accueil des associations. 
On espère que des manifestations comme les consultations citoyennes sur l’Europe permettront de montrer que l’Union européenne, ça peut aussi être un espace de solidarité. C’est là-dessus, à mon avis, que devrait s’engager la bataille des élections européennes : solidarité ou pas.

Quelles devraient être les principales mesures de ce « plan européen de lutte contre la pauvreté » que vous appelez de vos vœux ?

La plus importante, c’est celle qui a été évoquée lors de la consultation du 25 septembre : avoir un budget au moins équivalent au budget actuel pour le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), et qui permette de faire le lien entre l’aide alimentaire et l’inclusion sociale. Car il ne s’agit pas seulement de nourrir les personnes. Ce qui est important, petit à petit, c’est de construire des pistes pour les aider à s’en sortir.
Le deuxième point qui nous paraît très important, c’est que l’Union européenne favorise tout ce qui est en faveur du bénévolat (les services civiques par exemple, NDLR), parce que les sociétés se construisent et maintiennent leur unité sur cette intervention des bénévoles.
La troisième piste qui a été évoquée lors des consultations citoyennes, c’est comment – pour appuyer l’insertion par l’activité économique – on pourrait élargir un mécanisme comme Erasmus à des jeunes moins favorisés qui s’intègrent dans des projets de formation sur des métiers certes moins qualifiés, mais pas moins utiles. Ce qui existe pour les apprentis ne marche pas très bien, c’est encore trop modeste.

Le FEAD devait sortir 20 millions de personnes de la pauvreté en Europe, entre 2014 et 2020. L’objectif sera-t-il atteint ?

Je ne peux pas vous répondre au niveau de l’Europe. Au niveau de la France : non, il reste encore entre 8 et 9 millions de gens sous le seuil de pauvreté, mais il y en aurait encore plus si on n’avait pas cet outil…



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