Les politiques migratoires européennes face à la crise de 2015

Article rédigé par les étudiants du cours Citoyen, droit et politiques de l’Europe – fondamental de Droit à l’ESSEC : Margaux AMBROIS – Oksana BESNIER – Alix CHABAUD – Clara CHAPUS – Farès GHARBI – Chloé MARCHAL – Abiola OITCHAYOMI – Charles RENARD – Shruti UPADHYAY  avec la professeure Viviane de Beaufort

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Rappel des règles régissant les déplacements des personnes au sein de l’UE 

La première de ces règles est celle de la libre circulation des personnes, présente dans l’esprit des traités fondateurs. Ce sont la signature de l’Accord de Schengen en 1985 puis de l’Acte Unique Européen en 1986, qui définissent une Europe sans frontière, avec à une liberté de circulation des personnes, et non plus seulement des travailleurs. 

Le cadre de la politique migratoire de l’Union est déterminé par les titres IV et V du TFUE. C’est l’article 79, chapitre 2 du titre V qui énonce que  “L’Union développe une politique commune de l’immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu’une prévention de l’immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci “.

C’est en 1999 que le régime d’asile européen commun voit le jour, ayant pour but d’offrir aux demandeurs ainsi qu’aux bénéficiaires d’asile un statut uniforme et un degré égal de protection sur tout le territoire de l’Union. Au travers de trois directives et deux règlements, le RAEC fixe des normes et des procédures communes aux Etats membres de l’Union européenne en matière de protection internationale. Parmi ces textes du RAEC on peut notamment citer le « one stop, one shop » du règlement Dublin (aujourd’hui Dublin III) qui stipule que les demandeurs d’asile doivent être examinés dans le premier pays de l’Union où ils mettent le pied. 

Des règles face à la crise migratoire 

A partir de 2013, sur fond de conflits dans les pays du Moyen-Orient, les flux migratoires en direction de l’Europe deviennent de plus en plus importants pour atteindre leur paroxysme durant l’année 2015. Au début la gestion de la crise est essentiellement le fait d’initiatives unilatérales à défaut de politiques communes. Parmi ces réactions unilatérales, la réaction de l’Allemagne contraste : elle accueille 1.1 million de réfugiés en 2015. Ces derniers sont répartis par Land, en fonction de leur population et de leur richesse, et aidés par différents acteurs : les collectivités, les ONG, les citoyens… Grâce à ce système d’insertion, fin 2018, 400 000 de ces réfugiés sont intégrés sur le marché de l’emploi ou dans une formation. 

Ce n’est qu’ en avril 2015 qu’un sommet extraordinaire du conseil européen aboutit à la proposition d’un système de répartition des migrants dans les différents pays de l’UE à travers un système de quotas, qui ne sera malheureusement respecté que par très peu de pays. Certains comme la Hongrie décident de fermer leurs frontières. Lors de ce sommet extraordinaire, qui faisait suite à de nombreux accidents mortels en Méditerranée,  d’autres mesures communes ont été prises visant notamment à renforcer les opérations de sauvetage et de contrôle en Méditerranée. 

Une déstabilisation des schémas traditionnels

Les schémas et stabilité politiques internes traditionnels ont été rudement mis à l’épreuve par la crise migratoire dans les pays européens, notamment en Allemagne où la stabilité du gouvernement Merkel est fortement remise en question, à tel point qu’en juin le Bundestag a interrompu sa séance pour permettre la tenue de réunions de crise du [CDU et de son allié bavarois traditionnel le CSU]. Ces derniers, qui appartiennent au même groupe parlementaire, se sont réunies de manière séparée, un fait rarissime. La crise a surtout engendré des tensions entre les pays de l’Union quant à la prise en charge des migrants, en particulier entre la France et l’Allemagne lorsque  l’avenir de l’Aquarius [a semé] la discorde au sein de l’Europe.

Mais les conséquences de cette crise ne se cantonnent pas aux frontières de l’Union puisque celle-ci a recouru à la signature d’accords, notamment avec la Turquie, la Libye et d’autres pays d’Afrique afin de réduire l’immigration illégale, qui impliquent une coopération avec des partenaires pas toujours fiables, et engendrent des perturbations dans les pays de transit.

La principale remise en question des textes juridiques s’est faite autour règlement Dublin (aujourd’hui Dublin III), qui dispose que la Convention de Genève sur la prise en charge des migrants est applicable. En effet, les pays comme l’Italie et la Grèce en souffraient énormément, et c’est pour cela que le Premier ministre italien désigné Guiseppe Conte a déclaré que « Nous devons reprendre et développer les négociations avec l’Union européenne pour dépasser le règlement de Dublin et pour parvenir finalement à une gestion européenne du problème de l’immigration ».

La crise migratoire a enfin eu des conséquences sociales; elle est par exemple fortement corrélée à la montée des nationalismes dans de nombreux pays de l’Union (Dansk Folkeparti au Danemark, mouvement Jobbik en Hongrie, UKIP britannique, FPÖ en Autriche, FN enFrance, AfD en Allemagne), et ce malgré les exemples d’intégration de migrants réussie, comme en Allemagne qui a pourtant accueilli le plus grand contingent – « Je suis moi-même surpris que cela aille si vite », a affirmé le dirigeant de la fédération des patrons allemands BDA, Ingo Kramer dans une interview au quotidien régional Augsburger Allgemeine. « Sur les plus d’un million qui sont arrivés en particulier depuis 2015, 400.000 d’entre eux suivent une formation par alternance ou ont décroché un emploi », a-t-il ajouté, assurant: « oui nous réussissons l’intégration ».

Pistes de réflexion pour l’avenir

Certaines pistes sont à développer pour une meilleure intégration des migrants dans la société. On peut commencer par leur proposer des formations pour les diriger vers des secteurs économiques avec la plus grande demande de main-d’œuvre ainsi que des cours de langue pour accélérer leur autonomie. Il faut aider les migrants à accomplir leur but le plus rapidement possible ; une partie des migrants a pour objectif de gagner de l’argent ou de l’expérience professionnelle. Par ailleurs le fait de détériorer l’accueil des migrants en les plongeant dans la clandestinité et en les obligeant à mendier dans la rue contribue à augmenter le sentiment de haine et fait augmenter le populisme en Europe. Pour limiter ces impacts négatifs sur la société, nous devons maximiser l’intégration des migrants. Il conviendrait également de renforcer le principe de solidarité. En effet d’après l’Élysée, le couple franco-allemand souhaite proposer un accord fondé sur « le principe non négociable de solidarité » mais pouvant prendre plusieurs formes. Ainsi, un État qui n’accueillerait pas de réfugiés sur son territoire devra apporter son aide d’une autre manière, en finançant par exemple l’agence européenne de garde-frontières Frontex ou en prenant temporairement en charge des migrants. Il faut faire une harmonisation de l’intégration. Une Europe non à la carte. 

L’agence a en effet eu des difficultés pour faire face à la pression migratoire vers l’Europe, notamment lors de la crise de 2015-2016. Créée en 2004, l’agence Frontex, basée à Varsovie, reposait jusqu’alors sur le volontariat. Le Parlement européen a approuvé, le 17 avril 2019, le renforcement de l’Agence du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) en la dotant d’un corps permanent de 10 000 garde-frontières et garde-côtes à l’horizon 2027. Le renforcement de Frontex soulève cependant des inquiétudes en Espagne, en Italie, en Grèce et en Hongrie qui craignent que leur souveraineté soit menacée[7]

Plus globalement la crise migratoire fait appel à une meilleure gouvernance des flux, à l’encouragement d’une migration circulatoire et à un vrai travail de coopération visant à la création d’opportunités pour la jeunesse en Afrique [8]et la lutte contre les systèmes gérontocrates sont autant de défis que le PNUD encourage à relever. [9]


Voir aussi : https://europe.vivianedebeaufort.fr/?s=immigration+