Les pays européens vont ouvrir une école d’agents secrets


Les ministres de la Défense et des Affaires étrangères se sont mis d’accord sur 17 nouveaux projets d’armement et militaires dans le cadre de la coopération structurée permanente, dont l’ouverture d’un centre de formation pour les agents secrets.

Lors de leur réunion à Bruxelles, le 19 novembre, les 25 ministres européens ont ajouté à la liste 17 projets militaires dans le cadre de la coopération structurée permanente (CSP), conclue en décembre dernier.

La liste comprend des projets de formation, de développement des capacités, de capacités opérationnelles sur terre, en mer et dans les airs et de cyberdéfense.

Le projet d’école européenne des services de renseignement sera menée par la Grèce et basée à Chypre. Il aura pour but de former des agents de renseignement dans toute l’UE en coopération avec les agences de sécurité nationales et l’OTAN. Ses détracteurs soulignent déjà le fait que le centre de formation sera dirigé par deux des États membres les plus proches de la Russie.

Selon la liste des nouveaux projets, l’Allemagne développera aussi une nouvelle génération de drones pour surveiller la terre et la mer et cherchera à améliorer l’hélicoptère européen de combat, le Tigre Mk3, géré par la France, aux côtés de l’Espagne.

Parmi les autres projets se trouvent un véhicule blindé européen de combat d’infanterie, des équipes de réponse aux cyberattaques et un dirigeable de haute altitude pour la collecte de renseignement et la reconnaissance.

Coopération structurée permanente

La CSP a été lancée l’année dernière et est censée rapprocher l’UE d’une union commune de la défense. L’objectif est aussi de rendre l’UE plus souple et indépendante des États-Unis. Le Danemark, le Royaume-Uni et Malte ne participe pas dans les projets à cause de leur close d’exemption.

Le Danemark n’a jamais participé à la sécurité européenne commune ni à la politique de défense et Malte s’en est retiré car elle ne voulait pas respecter les critères d’éligibilité, qui entrainent une hausse régulière des dépenses dans la défense.

Le Royaume-Uni, réticent aux initiative de défense par le passé et s’apprêtant à quitter l’UE, ne participe pas non plus aux projets. Les autorités britanniques ont toutefois signalé leur intérêt à rester impliquées dans certaines initiatives après le Brexit.

Les plans britanniques pour une intégration rapide dans le nouveau pacte de défense de l’UE sont perturbés par les troubles politiques à Londres et l’incertitude autour des conditions du Brexit, affirment des diplomates européens.

L’UE devait annoncer d’ici à la fin de l’année les conditions pour que les pays n’appartenant pas à l’UE prennent part aux projets de la CSP.

La décision sur la participation du Royaume-Uni en tant qu’État tiers a été repoussée à décembre au plus tôt mais devrait probablement être prise l’année prochaine. Par ailleurs, Washington fait pression pour que des entreprises américaines aient l’opportunité de rejoindre certains des projets européens.

A la question de savoir si la CSP était les prémices d’une armée européenne, comme récemment discuté par Angela Merkel et Emmanuel Macron, plusieurs diplomates européens ont réagi avec scepticisme.

Armée européenne : un tabou est levé

Angela Merkel et Emmanuel Macron ont tous deux évoqués autour du 11 novembre l’idée d’une vraie armée européenne. Cette convergence inédite de la pensée et du verbe franco-allemands, qui a suscité l’ire américaine, marque un tournant.

 

Les pays d’Europe de l’Est, menés par Varsovie, insistent que le fait que la CSP doit compléter l’OTAN plutôt que le dupliquer ou le remplacer, a déclaré le ministre polonais de la Défense, Mariusz Błaszczak après la signature.

Il a ajouté que la Pologne avait décidé de participer aux prochains projets de la CSP mais avait aussi souligné que la coopération devrait être ouverte aux pays non membres de l’UE : « Je pense avant tout aux États-Unis, à la Norvège, mais aussi au Royaume-Uni après son départ de l’UE. »

Le Premier ministre néerlandais a quant à lui déclaré que rejoindre une force militaire européenne serait un pas de trop : « l’idée d’une armée européenne va trop loin pour les Pays-Bas. L’OTAN est et reste la pierre angulaire de notre politique de défense. »

Outre les 17 nouveaux projets de la CSP, les ministres de la Défense ont aussi décidé d’étendre leur centre de commande aux opérations militaires conjointes.

À l’avenir, il ne sera pas seulement en charge des missions de formation comme celles au Mali ou en Somalie, mais aussi de missions plus large comme l’opération en cours en Méditerranée pour combattre les passeurs.

Pour cela, un ensemble de 200 policiers, avocats et autres experts sera mis sur pied et pourra être déployé dans les 30 jours.

Les États membres ont aussi adopté des conclusions sur la mise en place d’un pacte en matière de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) civile, afin de renforcer la capacité de l’UE à déployer des missions de gestion de crise civile.

L’objectif de ces missions est de renforcer la police, l’état de droit et l’administration civile dans les situations militaires et précaires.

Selon le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, son pays veut s’assurer que la prévention de crise civile est « toute aussi importante » que la CSP dans la politique de sécurité et de défense commune.

Ainsi, Berlin a aussi accepté de mettre en place un centre pour la formation d’experts civils pour des missions de crise. La capitale abritera le « centre européen de prévention des crises », a indiqué le ministre.

Débat sur l’armée européenne

« Il y a d’autres étapes avant d’arriver à une armée européenne », a déclaré la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen dans une déclaration à Bruxelles, ajoutant que l’Europe doit également devenir plus rapide dans la prise de décision.

Pas plus tard que la semaine dernière, la chancelière allemande Angela Merkel a approuvé à Strasbourg le concept de défense européenne commune et le projet d’une « véritable armée européenne ». Elle n’avait jamais été aussi précise et s’est fait l’écho du président français qui a récemment plaidé en faveur d’une plus grande autonomie stratégique européenne en insistant pour que l’UE puisse « se protéger vis-à-vis de la Chine, de la Russie et même des États-Unis ».

En 1954, la tentative de créer une armée européenne par l’intermédiaire de la Communauté européenne de défense (CED) a échoué et, depuis lors, une politique de défense consolidée n’a plus fait l’objet de discussions. Pour les États membres ayant freiné des quatre fers, la principale crainte était de créer de dupliquer les capacités de l’OTAN.

Dans le contexte du Brexit, du président américain Donald Trump qui reproche aux pays européens de ne pas assez dépenser dans leurs armées, et avec l’évolution de la situation géopolitique, le débat a toutefois pris un nouvel élan.

Dans sa déclaration, Ursula von der Leyen s’est toutefois distancée de l’idée d’une « armée européenne ». Au cours du week-end, Berlin s’est efforcé de clarifier la position allemande à l’égard d’une approche européenne consolidée en matière de défense.

Dans une tribune pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, la ministre écrit : « Le chemin que nous avons parcouru mène pas à pas à une armée d’Européens. Cela signifie des forces militaires qui demeurent des responsabilités nationales, mais qui sont étroitement liées, uniformément équipées, entraînées et prêtes pour des opérations conjointes. »

Elle a souligné que la tentative de renforcer la coopération de l’UE en matière de défense visait à compléter, et non à affaiblir, la primauté de l’OTAN dans la défense collective européenne.

Le 20 novembre, les ministres européens des affaires étrangères et de la défense discuteront des relations UE-OTAN avec le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg.

L’un des principaux sujets sera la cybersécurité, l’UE et l’OTAN ayant lancé cette semaine « un exercice de gestion de crise civilo-militaire majeur à l’échelle européenne » pour tester comment l’Europe réagit à une attaque hybride d’un pays fictif qui cible des systèmes énergétiques, sanitaires et de communication, ont déclaré des responsables européens aux journalistes.

Le scénario est censé se concentrer sur « un pays qui n’est pas très éloigné de l’Union européenne et qui connaît des problèmes de stabilité ».



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