L’emploi et le social dans l’Union européenne

Publié par notre partenaire Toute l’Europe


Omniprésentes dans les débats publics nationaux, les questions sociales et d’emploi sont également une composante importante de la politique européenne. Afin de répondre à la demande de plus en plus pressante des citoyens pour la mise en œuvre d’une véritable Europe sociale, des efforts sont actuellement entrepris pour améliorer l’harmonisation sociale européenne et favoriser l’emploi.


L’Europe dans le monde

Par rapport au reste du monde, y compris au sein du groupe des pays les plus avancés sur le plan économique, l’Europe est une exception sur le plan social et de l’emploi.

Les droits sociaux y sont généralement plus importants (ou équivalents) que partout ailleurs. Cela est vrai s’agissant par exemple des congés maladie, qui sont souvent très développés sur le Vieux Continent, alors qu’ils sont à l’inverse quasi-inexistants aux Etats-Unis (sauf dans 3 Etats), ou encore des droits des femmes. En la matière, si de grands progrès sont encore attendus, l’Europe fait néanmoins partie des régions où les écarts de salaires sont les moins importants, où les femmes accèdent le plus aux fonctions exécutives en entreprise ou en politique, et où le droit à l’avortement est reconnu (sauf quelques exceptions notables).

De la même manière, en matière de droit du travail, l’Europe se distingue du reste du monde. Si d’importantes disparités existent entre les pays, certains d’entre eux ont en effet mis en place des systèmes très protecteurs, à l’instar de ceux du Danemark, de la France ou encore des Pays-Bas. En revanche, les taux de chômage en Europe sont souvent plus élevés que ceux des autres pays occidentaux. En moyenne au sein de l’Union européenne, 6,5 % des actifs sont sans emplois, alors que le taux de chômage se situe à 3,8 % aux Etats-Unis et 2,3 % au Japon (chiffres : Eurostat, avril 2019).

La situation en Europe

En matière d’emploi et de droits sociaux, l’Europe se situe donc globalement à l’avant-garde dans le monde, mais connaît de fortes disparités d’un Etat membre à l’autre. Ces dernières s’expliquent principalement par le fait que les institutions européennes ne disposent pas de compétences étendues dans ces domaines, et que les situations économiques varient fortement suivant les pays.

Le taux de chômage moyen de l’UE s’élève à 6,5 %. En constante diminution depuis 2013, il varie de 1,9 % en République tchèque à 18,5 % en Grèce. Plusieurs pays peuvent donc se targuer d’avoir atteint une situation de plein emploi, à l’instar de l’Allemagne, de la Hongrie, de Malte, des Pays-Bas et de la Pologne. Tandis que d’autres demeurent confrontés au chômage de masse, vestige de la crise économique de 2008 : outre la Grèce, cela concerne l’Espagne et l’Italie. La situation est identique s’agissant du chômage chez les moins de 25 ans. La moyenne européenne s’élève à 14,6 % et les chiffres varient de 5,6 % en Allemagne à 39,7 % en Grèce. Au total, dans 10 Etats membres sur 28, le taux de chômage des jeunes dépasse le seuil des 15%.

Au-delà des chiffres du chômage, d’autres indicateurs témoignent des disparités européennes sur les questions sociales. Parmi ceux-ci, l’existence et le montant du salaire minimum. 22 Etats membres sur 28 en prévoient un, tandis que son montant varie considérablement en fonction notamment du niveau de vie : il est d’environ 2 000€ bruts au Luxembourg et de 1 500€ en France et en Allemagne, contre environ 285€ en Bulgarie. De la même manière, le coût de la main d’œuvre n’est pas le même partout en Europe. Il culmine à 42,5€ de l’heure au Danemark, se porte à 36€ de l’heure en France, et chute à 25,7€ au Royaume-Uni, mais tombe à 11,7€ en Estonie et à 9,4€ en Pologne. e nombre d’Européens confrontés à la pauvreté diverge également d’un territoire à l’autre. En 2015, plus de 20 % de la population en Roumanie, en Bulgarie, en Espagne ou en Lituanie, vit avec un revenu inférieur à 60 % du revenu médian. Mais ce taux de pauvreté est inférieur à 10 % en République tchèque.

Enfin, de fortes disparités existent aussi en Europe concernant les droits des femmes. Les disparités salariales demeurent par exemple très fortes en Estonie (26 points de pourcentage d’écart) ou encore en Allemagne (21 points), mais apparaissent moins élevées en Roumanie (3,5 points) ou en Italie (5 points). Autre élément de comparaison potentiel, le droit à l’avortement n’est pas équivalent dans l’ensemble des 28 Etats membres : il est ainsi encore interdit ou fortement limité en Irlande, Pologne, à Malte ou Chypre, alors qu’il est autorisé (parfois avec demande de justification) dans les autres pays.

Politique

Les politiques sociales et d’emploi n’ont acquis leur dimension européenne qu’assez tardivement, à partir des années 1980. Avant cela, ces questions relevaient exclusivement de la sphère nationale.

A partir de 1985 et de l’arrivée de Jacques Delors à la tête de la Commission européenne, l’UE lance le « dialogue social européen« . Pour la première fois, les syndicats de salariés et le patronat européens se rencontrent. En 1989, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux est adoptée, permettant la mise en œuvre d’accords-cadres contraignants, comme sur le congé parental, le travail à temps partiel ou encore les contrats à durée déterminée.

La lutte contre le chômage devient également un sujet de préoccupation majeur pour l’Union européenne. En 1993 est créé le réseau EURES, qui permet d’échanger les offres et demandes d’emplois au niveau européen et qui favorise la mobilité des travailleurs. Puis, en réaction à la crise économique et financière de 2008, est lancée la Garantie européenne pour la jeunesse, dont l’objectif est de garantir à tous les moins de 25 ans un emploi, un stage ou une formation dans les quatre mois suivant la fin de leurs études ou de leur dernière expérience professionnelle. Depuis 2014, indique la Commission européenne, 14 millions de jeunes ont pu bénéficier du dispositif, dont 9 millions avec un emploi.

Enfin, les droits sociaux font partie des priorités de l’actuelle Commission européenne, présidée depuis 2014 par Jean-Claude Juncker. En 2017, est ainsi présenté le Socle européen des droits sociaux, qui reconnaît la nécessité de rééquilibrer les considérations économiques et budgétaires avec les enjeux sociaux et réaffirme que « tous les Européens doivent bénéficier d’un accès égal au marché du travail, avoir droit à des conditions de travail équitables et jouir d’une protection sociale adéquate« .

En 2018, l’épineuse révision de la directive sur les travailleurs détachés a également abouti, après deux ans de négociations. Est consacré le principe « à travail égal, rémunération égale sur un même lieu de travail« . Les conventions collectives du pays d’accueil seront appliquées, tandis que le détachement sera limité à 12 mois. Enfin, la création d’une Autorité européenne du travail (AET), dont l’objectif sera l’encadrement de la mobilité des travailleurs, a été entérinée en février 2019.

Enjeux et perspectives

La révision de la directive sur les travailleurs détachés et la création de l’AET s’inscrivent dans la lutte contre le dumping social permis dans l’UE par des écarts de développement encore importants entre les Etats membres. Ce sujet brûlant est source de ressentiment et de défiance de la part des citoyens vis-à-vis du projet européen. En effet, si la révision de la directive sur le détachement des travailleurs a été menée à bien en 2018, elle est jugée insuffisante par de nombreuses formations politiques, notamment en France. La plupart d’entre elles insistent sur la nécessité d’inclure également le paiement, par les entreprises, des charges sociales du pays d’accueil et non de provenance des travailleurs.

De plus, le transport routier est exclu du champ d’application de cette directive. L’établissement de nouvelles règles spécifiques à ce secteur sont actuellement en discussion au niveau européen et si un accord semble désormais à portée de main, il ne pourra être concrétisé avant la fin de l’année 2019 en raison de l’interruption des travaux parlementaires avec les élections européennes.

Plus généralement, les institutions européennes cherchent à remédier à ce qui est vu comme une absence d’Europe sociale. Mais si ceci leur est régulièrement reproché, elles pâtissent paradoxalement d’un manque de compétences formelles en la matière comme par exemple pour la création d’un SMIC européen. Une part accrue du budget européen, pour la période 2021-2027 devrait ainsi être consacrée aux dépenses sociales, notamment dans le cadre du programme « EU Invest », qui va succéder au Plan Juncker pour l’investissement. Mais il est vrai que les avancées se dessinent lentement, qu’il s’agisse de la révision de la coordination des systèmes de sécurité sociale actuellement bloquée, ou de la directive devant permettre une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie privée dont l’ambition s’est vue largement réduite par certains Etats membres.

Au niveau national, depuis plusieurs années, la tendance majoritaire, est à la libéralisation des marchés du travail et à l’assouplissement du droit du travail afin de faire baisser le chômage. De telles politiques ont été menées au Royaume-Uni sous l’égide de Tony Blair, en Allemagne avec Gerhard Schröder, ou encore en Italie sous la direction de Matteo Renzi. Dans ces pays, cette stratégie semble avoir porté ses fruits avec la réduction sensible des taux de chômage mais, selon certains économistes, au prix d’une hausse de la précarité et du temps partiel. Le débat sur les avantages et inconvénient de ce qui est appelé la « troisième voie » est encore en cours aujourd’hui, d’autant qu’Emmanuel Macron, dans une certaine mesure, s’en inspire pour réformer le marché du travail en France.