[Le Récap’ des européennes] Un référendum le 26 mai : l’idée qui divise la majorité



Actualité


07.02.2019

Marie Guitton

Au cœur de la campagne cette semaine : des critiques qui fusent sur l’idée d’organiser un référendum national le jour des élections européennes. Mais aussi la difficulté de LaREM à constituer une liste d’ouverture, tandis que le PCF a fini par se lancer seul, la gauche échouant toujours à se rassembler.

Emmanuel Macron, Ian Brossat et Alain Juppé - Crédits : Wikicommons / Flickr

Emmanuel Macron, Ian Brossat et Alain Juppé – Crédits : Wikicommons / Flickr

En marge du grand débat national, LaREM prépare sa liste

L’absence de l’Europe dans le « grand débat national » a fait mouche ces dernières semaines. La liste de Gilets jaunes (Ralliement d’initiative citoyenne, RIC) menée par Ingrid Levavasseur pour les européennes a perdu plus de candidats qu’elle n’en a gagné. Et c’est désormais l’idée d’organiser un référendum le 26 mai, en même temps que les élections, qui risque d’éclipser les enjeux de ce scrutin, selon ses détracteurs.

Interrogé par plusieurs médias le 31 janvier, le président de la République Emmanuel Macron a en effet indiqué qu’une telle option était ouverte. Il s’agirait d’une consultation de l’ensemble des Français sur plusieurs questions soulevées lors du grand débat national. Et notamment, précisent certains commentateurs, les institutions françaises (nombre de parlementaires, reconnaissance du vote blanc, etc.). Mais le sujet divise aussi bien dans l’opposition que dans le camp gouvernemental. Plusieurs proches du chef de l’Etat jugent en effet ce calendrier peu opportun, comme le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, sa consœur aux Affaires européennes Nathalie Loiseau ou le premier ministre Edouard Philippe.

Une circonspection que partage également Alain Juppé, le maire de Bordeaux, que peine décidément à mettre dans son filet La République en marche (LaREM) en vue des européennes. Chaque voix compte, alors qu’un sondage OpinionWay-Tilder donne le RN et LaREM au coude à coude, avec respectivement 22 % et 20 % des intentions de vote. La République en marche multiplie donc les échanges avec les juppéistes Jean-Pierre Raffarin, Dominique Bussereau ou encore Franck Riester. Alors qu’un discours du chef de l’Etat sur l’Europe est attendu pour la fin du mois de février, Laurent Hénart, coprésident du Mouvement radical, a lui aussi appelé à rejoindre En Marche en vue des élections européennes. Mais comment rassembler tous ces noms sur une même liste… sauf à leur permettre de siéger dans des groupes différents une fois au Parlement européen ?

La possibilité serait envisagée, selon le président du Sénat Gérard Larcher cité par l’Opinion, alors que les transfuges de la droite conditionneraient leur ralliement à une alliance entre LaREM et le Parti populaire européen (PPE), au sein duquel siègent les Républicains… mais aussi les élus hongrois du Fidesz, le parti de Viktor Orban contre lequel Emmanuel Macron, qui a prêté allégeance aux libéraux de l’ADLE, a justement voulu réunir un bloc « progressiste ».

Dans ce contexte, le parti présidentiel peine à dégager une tête de liste qui convaincrait aussi bien son aile droite que son aile gauche. Le candidat désigné ne sera pas nécessairement un membre de LaREM, a prévenu son secrétaire général, tandis que de nouveaux noms circulent désormais, jusqu’à Edouard Philippe et Nathalie Loiseau, par ailleurs ancienne conseillère au cabinet d’Alain Juppé dans les années 1990, lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères.

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Le PCF lance sa campagne, mais reste ouvert à des alliances

Les adhérents du Parti communiste français (PCF) ont de leur côté validé la liste que leur a soumis en fin de semaine dernière le conseil national du parti. Dans un contexte de profondes divisions de la gauche, le PCF a finalement décidé de partir seul. Mais conduite par Ian Brossat, sa liste serait à « l’image de la vie réelle » et « du monde du travail« , réunissant des syndicalistes comme l’ancienne ouvrière textile affiliée CGT Marie-Hélène Bourlard, des Gilets jaunes et d’autres personnalités de la société civile comme Lassana Bathily, héros de la prise d’otage de l’Hyper Cacher en janvier 2015, ou Mamoudou Bassoum, médaillé d’or de taekwondo… 

Les eurodéputés sortants Patrick Le Hyaric, directeur de L’Humanité, et Marie-Pierre Vieu figurent quant à eux en troisième et quatrième position. De quoi lancer une campagne sur les thématiques habituelles du parti : l’emploi, le pouvoir d’achat ou les inégalités. Mais alors que le PCF n’est crédité que de moins de 3% des intentions de vote, la possibilité de faire fusionner cette liste avec celle du fondateur de Génération-s, Benoît Hamon, ne serait toujours pas exclue, le dépôt officiel des candidatures n’ayant lieu qu’entre le 23 avril et le 3 mai.

De même, Boris Vallaud, le porte-parole du Parti socialiste (PS) qui se donne jusqu’au début du mois de mars pour trouver des alliés, a déclaré jeudi qu’il n’était pas « trop tard » pour une union de la gauche modérée aux européennes. Mais alors que l’écologiste Yannick Jadot a exclu fermement toute possibilité d’alliance, le PS – accusé de jouer le jeu du PPE avec son groupe S&D au Parlement européen – reste infréquentable aux yeux des autres partis de gauche. C’est donc bien le premier secrétaire du parti Olivier Faure qui pourrait prendre la tête d’une liste socialiste esseulée.

Le RN, ennemi commun de LFI et LaREM

Eux, vraiment rien ne les rassemble… si ce n’est leur opposition au RN. Le leader d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, qui ne ménage pas ses critiques vis-à-vis d’Emmanuel Macron, s’est ainsi vivement attaqué au bilan du parti de Marine Le Pen sur son blog, l’accusant de vouloir récupérer le mouvement des Gilets jaunes malgré son immobilisme notable au Parlement européen. Pour La France insoumise, l’enjeu est de taille quand on sait que les voix basculent facilement entre l’extrême gauche et l’extrême droite françaises, qui se retrouvent parfois sur les questions économiques et bien souvent sur leurs critiques des institutions.

LaREM, elle, tente de s’imposer auprès de tous les électeurs modérés comme le seul rempart face aux extrémismes. Une cellule spéciale devrait ainsi être mise sur pied mi-février pour contrer le RN, et travailler main dans la main avec un autre département en cours de construction, dédié à la lutte contre les fake-news. « Dans un paysage politique toujours en recomposition, c’est la responsabilité de La République en marche d’être le barycentre du bloc démocratique« , a ainsi déclaré le délégué général du parti, Stanislas Guérini.

Les patrons font des propositions concrètes

Entre ces mille divisions et déchirements, où sont les idées concrètes pour l’Europe de demain ? Cette semaine, ce sont les patrons qui ont donné le ton. Mardi 5 février, le Mouvement des entreprises de France (Medef) a ainsi lancé une campagne nommée « Merci l’Europe« … qui sonne plus officieusement comme un « merci, mais… »

En effet, si le patronat appelle les pro-européens à se mobiliser lors des élections de mai, il exhorte aussi les dirigeants à « corriger » les défauts de l’UE. Aussi bien le manque de convergence fiscale que le retard technologique face aux géants américains du numérique. Mais également ses règles « démodées » en matière de concurrence, qui ont récemment empêché la fusion entre Siemens et Alstom pour constituer un « champion » européen face à la Chine…

La veille, la Confédération française des petites et moyennes entreprises (CPME) avait elle aussi fait ses propositions à l’adresse des candidats aux élections européennes : onze actions concrètes en faveur des TPE-PME européennes, afin de leur permettre de suivre la transition numérique et écologique, ou de s’adapter à l’évolution de la main d’œuvre par exemple.

On s’entraîne à danser la valse à Bruxelles

Pendant ce temps, les tractations se poursuivent dans les couloirs de Bruxelles dans le cadre du grand mercato à venir : la redistribution des postes-clés de l’UE. Selon Le Point, des rumeurs circulent sur la volonté du premier ministre néerlandais Mark Rutte de remplacer Donald Tusk à la tête du Conseil européen. A défaut d’obtenir la Commission européenne, Frans Timmermans, le Spitzenkandidat (tête de liste) des sociaux-démocrates, viserait de son côté le poste de haut représentant pour les Affaires étrangères. Le gouverneur de la banque de France, François Villeroy de Galhau, pourrait quant à lui présider la BCE, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel éviterait une fin de mandat difficile en se recyclant à la tête de la Commission européenne…

Mais à ce stade, il ne s’agit-là que d’une fiction, le français Michel Barnier étant également donné comme un candidat sérieux à la tête de l’exécutif européen, tandis qu’Annegret Kramp-Karrenbauer, très proche d’Angela Merkel à laquelle elle a succédé à la tête de la CDU fin décembre, a défendu mardi soir le Spitzenkandidat allemand du PPE, Manfred Weber, à ce poste.

Plus terre à terre, la Commission européenne a, pour sa part, publié des consignes le 6 février à destination des commissaires qui souhaiteraient se présenter aux élections européennes. Ceux-ci peuvent ainsi rejoindre une liste à condition de continuer à temps plein leurs travaux de commissaires, de ne pas mélanger les genres et de ne pas profiter des moyens de la Commission pour faire campagne.



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