[Le Récap’ des européennes] J-30 avant le vote

Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe


Dans la campagne cette semaine : qui des libéraux ou des populistes aura la troisième place au Parlement ? En France, les débats peinent à redémarrer à un mois du scrutin, éclipsés par Notre-Dame et le grand débat. La République en Marche et le Rassemblement national restent collés-serrés dans les sondages, tandis que la gauche espère toujours se rassembler.


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Emmanuel Macron et Matteo Salvini se disputent la troisième place au Parlement

Manfred Weber - Crédits : Michael Lucan / Wikimédia CommonsLe Parti populaire européen (PPE), dont le candidat à la présidence de la Commission européenne Manfred Weber vient de lancer sa campagne à Athènes, est pour l’heure le grand favori des sondages. D’après les estimations réalisées par Poll of Polls et Politico, le PPE pourrait obtenir près de 175 sièges. La droite conservatrice est suivie par les sociaux-démocrates (S&D) menés par Frans Timmermans, crédités d’un peu plus de 145 sièges. Mais la bataille pour être la troisième force politique au Parlement européen fait rage. Et dans ce combat, libéraux pro-européens et populistes eurosceptiques, voire europhobes, se font face.

Les premiers, réunis au sein de l’ADLE, pourraient sortir considérablement renforcés du scrutin du 26 mai. Selon les projections de sièges effectuées par Poll of Polls et Politico, si les futurs eurodéputés La République en marche (LaREM) rejoignent le groupe à l’issue des élections, ce dernier deviendrait la troisième force politique au Parlement européen, avec près de 100 parlementaires. A cet effet, RFI rapporte que huit « ambassadeurs » du camp macroniste ont sillonné l’Europe pour échanger avec les représentants d’environ soixante formations politiques. 

A quoi ressemblera le futur Parlement européen ?

Les « marcheurs » auraient donc pour espoir d’agrandir considérablement le groupe des libéraux, dont ils souhaiteraient prendre la tête. Mais la volonté de leadership d’Emmanuel Macron agace au sein de cette famille et un compromis devra vraisemblablement être trouvé.

Néanmoins, l’eurodéputé Pascal Durand, transfuge d’Europe Ecologie – Les Verts (EELV) aujourd’hui sur la liste « Renaissance » de LaREM, « espère que non seulement les Verts, mais aussi qu’une partie des sociaux-démocrates vont [les] rejoindre et qu’une partie de la droite européenne aura envie de choisir la dynamique portée par la liste « Renaissance » plutôt que celle de Matteo Salvini [le ministre italien de l’Intérieur] ou de Viktor Orbán [le Premier ministre hongrois] ». Plus que jamais, les populistes eurosceptiques et europhobes constituent donc bien les principaux ennemis des libéraux dans cette campagne.

Car les nationalistes pourraient effectivement rafler la troisième place. Ils sont en tête des intentions de vote dans plusieurs pays, à l’instar du Forum pour la Démocratie (FVD) de Thierry Baudet aux Pays-Bas. Et au Royaume-Uni, où les élections européennes continuent d’être préparées, le nouveau Brexit Party de Nigel Farage domine toujours les sondages, même si à l’inverse le parti anti-Brexit Change UK s’impose également dans la campagne.

Dans ce contexte, les eurosceptiques et europhobes au Parlement européen devraient eux aussi sortir renforcés. Du moins temporairement, en attendant que le Royaume-Uni et ses députés quittent bien l’Union européenne. De son côté, la France se prépare à la participation des britanniques au scrutin, qui aurait un impact sur le nombre de ses eurodéputés : un projet de loi a été présenté mercredi 24 avril en Conseil des ministres. 

Mais dans tous les cas, les futurs élus hostiles à l’Union européenne parviendront-ils à s’allier pour peser sur la ligne politique de l’hémicycle européen ? Rien n’est moins sûr. Nigel Farage a toujours refusé de rejoindre le groupe ENL au Parlement européen, lequel comporte le Rassemblement national. En effet, pour l’ancien chef du parti europhobe UKIP, qui comptait parmi les principaux protagonistes de la campagne du « Leave » avant le référendum sur le Brexit en 2016, « l’ADN » du parti de Marine Le Pen est lié à l’antisémitisme.

Les dernières projections de sièges du Parlement européen, datées du 18 avril, donnent 62 eurodéputés à l’ENL. Mais Mme Le Pen et Matteo Salvini, le leader de la Ligue italienne également membre du groupe europhobe, cherchent à multiplier les alliances avec d’autres partis nationalistes en Europe. Si celles-ci aboutissent, le groupe parlementaire d’extrême droite pourrait atteindre jusqu’à 88 sièges, d’après les calculs du JDD. A un mois des élections, rien n’est donc joué.

Entre Notre-Dame et la conclusion du grand débat, la campagne reprend doucement en France

Nathalie Loiseau - Crédits : Flickr CC BY 2.0S’il est toujours en tête dans les sondages, le parti de la majorité (La République en Marche) peine à rassembler les Français au-delà de son camp. En effet, selon une enquête réalisée par Harris interactive et Epoka pour Le Figaro, si 9 « marcheurs » sur 10 estiment que Nathalie Loiseau a la capacité de porter la voix de la France dans les instances européennes, seulement 36 % des Français partagent cet avis. Qui plus est, la tête de liste de La République en Marche (LaREM) est mise en difficulté par les révélations de Mediapart quant à sa présence sur une liste d’extrême droite, pendant ses années étudiantes à Sciences Po. La candidate s’en est expliquée, plaidant une « connerie de jeunesse » et égratignant le média à l’origine des révélations. « Aujourd’hui, j’ai encore plus la rage, encore plus envie de gagner. Je suis déterminée à battre l’extrême droite », a-t-elle également déclaré.

En seconde position, au coude-à-coude avec LaREM dans les sondages, le Rassemblement national (RN) a récolté plus de 4 millions d’euros grâce à son « emprunt patriotique » auprès des sympathisants.

Dans son manifeste de 75 pages présenté le 15 avril à Strasbourg, Marine Le Pen a donné un ton « vert » à son discours. Abandonnant l’idée d’un « Frexit » ou d’une sortie de la zone euro, elle entend ainsi faire de « l’Europe des Nations » la « première civilisation écologique » du monde.

Jean-Luc Mélenchon - Crédits : MathieuMD / Wikimédia CommonsA l’autre extrême, Jean-Luc Mélenchon appelle la gauche à se fédérer. Déjà partisan d’un nouveau « Front populaire » un an auparavant, le leader de La France insoumise estime toujours qu' »aucun débat n’est impossible » et espère bien rassembler « au service d’une tâche en commun« , si les élections européennes lui « en donnent la force« .

Même son de cloche chez le candidat du Parti communiste français (PCF), Ian Brossat, qui a exhorté, mardi 23 avril, les autres têtes de liste de gauche à éviter de se « taper dans les pattes« . « De Raphäel Glucksmann jusqu’à Mélenchon« , le candidat communiste appelle la gauche à trouver le « chemin du rassemblement » après les européennes. De son côté, la tête de liste Place publique / Parti socialiste, Raphäel Glucksmann, veut généraliser le programme Erasmus, actuellement réservé selon lui à une « élite« , à tous les jeunes de 16 à 25 ans.

A droite enfin, François-Xavier Bellamy (Les Républicains) a effectué son premier meeting de campagne à Caen mardi 23 avril, en présence de Gérard Larcher, d’Hervé Morin et de Laurent Wauquiez. Devant environ 500 personnes, ce dernier s’est lancé dans un plaidoyer pour l’Europe de « la civilisation » et de « l’identité« . Une stratégie qui vise notamment à casser la dichotomie façonnée par le parti présidentiel entre « progressistes » et « populistes« .

Et aussi…

En France, les candidats commencent à déposer leurs listes. Le dépôt des listes de candidats aux européennes a commencé mardi 23 avril et se poursuivra jusqu’au 3 mai. Ce qui pousse les petites listes n’ayant pas encore réunis 79 candidats à accélérer leur préparation. Notamment les Gilets jaunes, qui n’ont pour l’heure déposé aucune liste, leur rassemblement sous une bannière commune semblant par ailleurs de plus en plus improbable.   

Elections européennes 2019 : les listes des candidats français

Florian Philippot, fondateur des Patriotes, crédités à moins de 3 % dans les sondages, propose par ailleurs une alliance de dernière minute avec François Asselineau, leader de l’Union Populaire Républicaine (UPR) également partisan du « Frexit« .

Les intentions de vote se confirment, l’abstention aussi. Si, en France, LaREM et le RN sont toujours au coude-à-coude dans les intentions de vote (d’après le sondage quotidien de l’IFOP avec respectivement 22 % et 20,5 % le mercredi 24 avril), une forte abstention semble également se profiler. Rien d’exceptionnel a priori : le scrutin ne mobilise traditionnellement que peu l’intérêt des Français.

Européennes : pourquoi l’abstention est-elle si forte ?

Sauf que le taux de participation prévu n’est que de 40,5 % au mercredi 24 avril. Ce qui constitue, s’il venait à se concrétiser, un niveau plus bas qu’en 2014, quand 44 % des inscrits s’étaient déplacés. En cause : le grand débat et l’incendie de Notre-Dame, qui ont ces dernières semaines mobilisé l’attention. On assiste donc, ironise Le Monde, à une « drôle de campagne« … en attendant, à un mois du scrutin, la « guerre éclair » ?

La désinformation préoccupe toujours. A l’approche du scrutin, Jean-Claude Juncker promet de nouveau que la Commission européenne luttera contre la désinformation, semblant cette fois viser plus particulièrement le gouvernement hongrois…

De leur côté, les réseaux sociaux tentent également d’agir. Vigilent, Facebook a néanmoins décidé d’assouplir ses règles en faveur des institutions européennes. La société s’était en effet engagée à n’autoriser la diffusion des publicités politiques dans un pays de l’UE qu’à condition que son instigateur soit enregistré dans ce pays. Mais son vice-président Nick Clegg a proposé que le Parlement européen, les groupes politiques qui y sont aujourd’hui représentés, ainsi que les partis politiques paneuropéens enregistrés à Bruxelles puissent lancer des campagnes de publicité à l’échelle de l’Union pendant un mois, même s’ils ne sont pas présents physiquement dans chacun des vingt-huit pays concernés.

YouTube compte pour sa part labelliser les contenus issus de sources gouvernementales, toujours dans l’optique de permettre aux internautes de mieux se prémunir des fake news. Ces labels de transparence seront lancés en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Pologne.


Crédits photo : acilo / iStock