[Le Récap’ des Européennes] Britanniques, extrême-droite, Gilets jaunes… tous en route vers le Parlement européen ?



Actualité


11.04.2019

Boran Tobelem & Steven Kakon

Cette semaine dans la campagne : une probable participation des Britanniques aux élections européennes, un appel de Matteo Salvini pour rassembler l’extrême-droite, et des Gilets jaunes divisés sur la stratégie à adopter.

Crédits : Conseil européen 2019 / France 24 / Parlement européen / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

De gauche à droite et de haut en bas : Theresa May à la sortie du Conseil européen, les têtes de listes françaises sur le plateau de France24, le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini et le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki. Crédits : Conseil européen 2019 / France 24 / Parlement européen / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

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Vers une participation des Britanniques au scrutin européen le 23 mai ?

Theresa May à Bruxelles le 11 avril après le Conseil européen - Crédits : Conseil européen Lors du Conseil européen qui s’est tenu le 10 avril, les Vingt-Sept ont accepté de repousser le Brexit au 31 octobre. En accordant un sursis supplémentaire au Royaume-Uni afin d’éviter le no deal ce vendredi, ils ont ainsi ouvert la voie à une participation du pays aux prochaines élections européennes. Une possibilité à laquelle Londres, plongée dans le chaos politique, se prépare : lundi dernier, la Première ministre Theresa May avait déclaré qu’en cas de nouveau report du Brexit, ce scrutin pourrait avoir lieu le 23 mai au Royaume-Uni.

D’ici là, les Britanniques ont toujours, et cela reste l’objectif affiché par Theresa May comme par ses homologues européens, la possibilité de quitter l’Union européenne si l’accord de retrait est accepté par les députés. Mais rien n’indique que le blocage constaté à la Chambre des communes pourra être levé avant le 22 mai prochain, veille du potentiel scrutin au Royaume-Uni. Un scénario qui ne réjouit pas les Européens : Donald Tusk, le président du Conseil européen, a demandé aux Britanniques de ne pas « perdre de temps« . Trois ans après le vote du Brexit, l’élection d’eurodéputés britanniques serait un sacré paradoxe…

Les dirigeants européens acceptent un report jusqu’au 31 octobre 2019

Sans vote sur l’accord, le Royaume-Uni sera néanmoins tenu de respecter ses obligations s’agissant des élections européennes, sans quoi un no deal Brexit à la date du 1er juin 2019 serait constaté.

Si de nouveaux eurodéputés britanniques sont élus cette année, ils jouiront de tous leurs droits de parlementaires tant que leur pays restera membre de l’UE, a expliqué Antonio Tajani, le président du Parlement européen. Ils quitteraient toutefois leurs sièges une fois le Brexit conclu, laissant la place aux eurodéputés supplémentaires dont devaient bénéficier certains Etats membres dont la population a augmenté. Dit autrement, le passage de 74 à 79 représentants français pourrait donc attendre quelques mois avant d’entrer en vigueur.

Tous les évènements depuis le Brexit

L’heure du rassemblement pour les droites populistes européennes

Matteo Salvini - Crédits : Parlement européen / Flickr CC BY-NC-ND 2.0Le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini entend bien peser au Parlement européen lors de la prochaine mandature. Entouré de Jörg Meuthen, du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), d’Olli Kotro, des Vrais Finlandais, et d’Anders Vistisen, du Parti populaire danois, le leader de la Ligue italienne d’extrême droite a lancé, lundi 8 avril à Milan, un appel pour une alliance des nationalistes en vue des élections européennes de mai. Un rassemblement intitulé « l’Europe du bon sens », dont l’objectif est de constituer un groupe important avec d’autres formations politiques au sein du futur Parlement. Si la dimension européiste du slogan a pu provoquer la surprise, l’opposition « aux eurocrates, aux-biens-pensants et aux banquiers qui gouvernent l’Union depuis trop longtemps et qui sont en train de couler le rêve européen » demeure bien l’orientation essentielle. La campagne européenne de Matteo Salvini se poursuivra le 18 mai lors d’un meeting au sein duquel Marine Le Pen est cette fois conviée.

Mais ces mouvements parviendront-ils à surmonter leur diversité pour s’unir ? Partageant d’évidentes similitudes comme l’euroscepticisme, l’hostilité à l’islam ou le rejet du multiculturalisme, les extrêmes droites européennes n’en sont pas moins traversées par d’importantes lignes de fracture, qualifiées de « différences » par Matteo Salvini. Au point de compromettre la formation d’un groupe capable d’influer sur les choix de la Commission européenne. Quand le PiS polonais et la Ligue mettent en avant les racines chrétiennes de l’Europe, le Rassemblement national défend la laïcité. Même son de cloche pour les questions relatives à la politique économique ou l’immigration, qui risquent de porter préjudice à la conclusion d’un accord entre la Ligue italienne et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Le parti allemand a donné son coup d’envoi à la campagne samedi 6 avril à Offenbourg, mais les sondages lui sont pour le moment moins favorables.  

Actuellement, l’extrême-droite siège dans au moins trois groupes au Parlement européen. Si la Ligue de M. Salvini et le Rassemblement national sont membres du groupe Europe des nations et des libertés (ENL), les invités finlandais et danois de M. Salvini appartiennent au groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE). Quant au Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, dont M. Salvini se dit très proche, il siège au sein du Parti populaire européen (PPE).

Financement des partis : les électeurs à la rescousse

Pendant ce temps en France, face à des banques frileuses, voire réfractaires à prêter de l’argent aux partis pour qu’ils financent leurs campagnes électorales (l’invalidation des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy et les obligations de contrôle renforcées depuis 2016 sont passées par là, jugeait en février Le Point), plusieurs formations ont récemment fait le choix de se tourner vers leurs militants et sympathisants.

Une entreprise qui s’est révélée très fructueuse pour La France insoumise (LFI), créditée de 8,5% des intentions de vote par l’IFOP : son « emprunt populaire« , lancé le 31 mars, a dépassé en une dizaine de jours les deux millions d’euros récoltés. Les soutiens du mouvement sont en effet invités à prêter au minimum 400 euros via une plateforme dédiée au financement de la campagne. Une somme rétrocédée (sans intérêts) « dès réception du remboursement de la campagne par l’Etat« , indique à l’AFP Bastien Lachaud, directeur de campagne de LFI (l’Etat rembourse les dépenses de campagne à partir de 3% de votes obtenus au scrutin européen).

Après LFI, c’est le Rassemblement national (RN), à 21% d’intentions de vote dans le sondage IFOP, qui a sollicité un emprunt, qualifié quant à lui de « patriotique« , auprès de ses électeurs. « Comme pour d’autres listes d’opposition, qui sont dans le même cas, aucune banque n’accepte, comme par hasard, de nous prêter la somme nécessaire pour mener notre campagne« , a déclaré Marine Le Pen dans une vidéo lançant l’initiative le 7 avril, tout en fustigeant « le Système« . La présidente du RN appelle les sympathisants de son parti à prêter 1 000 euros a minima, avec un intérêt de 5%. Une démarche du même type avait déjà été effectuée par le parti pour les législatives de 2017.

D’autres formations politiques, aux prévisions électorales plus modestes, ont également pris le parti de se tourner vers le portefeuille des particuliers. C’est notamment le cas de Benoît Hamon et de son mouvement Génération.s, crédité à 3% par l’IFOP (ce qui a lui valu le refus des banques, a expliqué le trésorier du mouvement au Huffpost). L’ancien candidat à la présidentielle devrait donc lancer dans la semaine une « banque citoyenne » en ligne, qui permettra à ses sympathisants de lui prêter de l’argent, de lui donner de l’argent, ou encore de s’engager à lui donner l’argent si Génération.s n’atteint pas les 3% de votes nécessaires au remboursement de la campagne par l’Etat.

Enfin, Nicolas Dupont-Aignan, à 4,5% selon l’IFOP, est entré en campagne lundi 8 avril pour son parti Debout la France (DLF) avec pour thème le « courage de défendre les Français« . Il espère quant à lui emprunter les 500 000 euros qui lui manquent aux Français. Ayant essuyé de nombreux refus des banques, il a déjà pu récupérer 1,5 million d’euros de prêts et de dons de ses sympathisants en interne.

Mais l’emprunt populaire n’est pas la panacée pour les partis, rappelle France Inter : celui lancé par le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) de Philippe Poutou n’a pas permis à la formation politique d’obtenir les fonds suffisant à une participation aux européennes, auxquelles elle a décidé de renoncer…

 

Et aussi…

Yannick Jadot, François-Xavier Bellamy et Raphäel Glucksmann sur le plateau de France 24Les débats sur les européennes s’enchaînent : après le débat sur France 2 du 4 avril, qualifié de cacophonique par la presse et dans lequel l’immigration a occupé une place dominante au détriment de l’écologie, cinq têtes de listes françaises se sont de nouveau affrontées sur France 24 et RFI mardi 9 avril. Un nouveau rendez-vous qualifié cette fois « d’enrichissant dans une ambiance courtoise« . Au menu de la discussion entre les têtes de liste présentes Manon Aubry (LFI), François-Xavier Bellamy (LR), Raphaël Glucksmann (Place Publique-PS), Yannick Jadot (EELV) et Nathalie Loiseau (LREM) : économie, frontières et politique agricole commune. Le protégé de Marine Le Pen, Jordan Bardella, a refusé de participer après avoir jugé que l’organisation n’était pas satisfaisante.

Ce qu’il faut retenir du grand débat des européennes sur France 2

Dès le lendemain, mercredi 10 avril, l’Union européenne a fait une nouvelle fois parler d’elle pendant trois heures lors d’un débat sur Europe 1 et CNews. Ce sont cette fois Laurent Wauquiez (LR), Marine Le Pen (RN), Olivier Faure (PS), David Cormand (EELV) et Nicolas Dupont-Aignan (DLF) qui ont débattu de fiscalité, de pouvoir d’achat, de sécurité, d’écologie et d’immigration.

Une gauche toujours désunie : Au moins six listes de gauche se présentent aux élections européennes en France : La France insoumise, Lutte ouvrière, Europe Ecologie-Les Verts, Parti communiste français, Génération.s et Place publique-Parti socialiste. Pourtant une majorité d’électeurs d’EELV et de PP-PS considèrent, selon un récent sondage Harris Interactive/Agence Epoka, que les projets politiques des deux listes sont proches. Une dispersion qui pourrait encore s’accentuer à l’issue du scrutin :  si Raphaël Glucksmann, qui mène la liste PP-PS, siègerait personnellement avec le groupe des sociaux-démocrates (S&D) au Parlement européen, ce n’est pas le cas de sa colistière Aurore Lalucq, qui rejoindrait… les écologistes.

Elections européennes : qui sont les têtes de liste en France ?

Les Gilets jaunes en ordre dispersé : les élections européennes divisent considérablement les Gilets jaunes. Alors que plusieurs listes issues du mouvement sont en cours de formation, nombreux sont ceux qui refusent tout rapprochement avec les institutions européennes. Réunis à Saint-Nazaire le 7 avril, 700 Gilets jaunes représentant 235 groupes locaux ont ainsi condamné « toutes les tentatives de constitution de liste politique au nom des Gilets jaunes« .  Quant aux autres qui seraient tentés par l’élection du 26 mai, ils ont jusqu’au 3 mai pour déposer leurs listes. Plusieurs assurent être en mesure de rassembler 79 candidats d’ici cette date. Frédéric Mestdjan, porte-parole de la liste « Ralliement d’initiative citoyenne » (RIC), a ainsi annoncé l’éventualité d’un rapprochement entre deux ou trois listes.

Renaud Camus, « théoricien » de la thèse conspirationniste du « grand remplacement », lance lui aussi sa liste intitulée « La ligne claire ». A ses côtés : Karim Ouchikh, président du parti identitaire Souveraineté, identités et libertés (SIEL) et soutien de Marine Le Pen à la présidentielle de 2017.

Pour Valéry Giscard d’Estaing, les élections européennes provoquent une « agitation inutile« . L’ancien président français, connu pour son européisme, ne rechigne pas à livrer son point de vue sur les échéances électorales européennes. Dans une interview donnée au Parisien le 5 avril dernier, il estime que celles-ci donnent lieu à une « agitation » hors de propos, qui ne correspond pas à la finalité de l’élection. « Il faut être clair : il ne s’agit ni d’un référendum, ni d’une élection constituante. J’espère que l’on va revenir à des choses plus normales, sinon il y aura des déceptions« , prévient l’ex-chef de l’Etat.

Le Parlement européen a mis en ligne le site resultats-elections.eu, qui compile les résultats des élections européennes, passées et présentes. L’espace sera mis à jour en temps réel au cours de la nuit électorale du 26 mai.

La campagne #ouijevote finalement autorisée par Twitter. Après avoir refusé de diffuser la campagne du gouvernement français incitant à la participation électorale, le réseau social, qui considérait dans un premier temps qu’elle contrevenait à la nouvelle loi sur les fake news, a fini par revenir sur sa décision jeudi 4 avril.

Le chef du gouvernement polonais Mateusz Morawiecki - Crédits : Olaf Kosinsky / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0En Pologne, l’opposition attaque le PiS. L’opposition du centre et de la gauche, qui a formé une « Coalition Européenne » le 6 avril dans l’objectif de conquérir les sièges du Parlement européen le 26 mai, craint que le bras de fer du gouvernement conservateur et eurosceptique de Mateusz Morawiecki avec l’UE ne mène à un « Polexit« . Le Parti Droit et Justice (PiS), actuellement au pouvoir, tente également de mettre toutes les chances de son côté à quelques semaines du scrutin : le Parlement polonais a approuvé, jeudi 4 avril, le versement d’une prime à près de 10 millions de retraités. Proposée un mois plus tôt par Jaroslaw Kaczynski, chef du PiS, la mesure a été qualifiée « d’opération électorale » par l’opposition.

Un référendum organisé en Roumanie le jour des élections européennes. En conflit avec le pouvoir socialiste, le Président de centre-droit Klaus Iohannis a annoncé fin mars la tenue d’un référendum le 26 mai sur la réforme de la justice en cours. Celle-ci pourrait conduire à l’amnistie de membres du pouvoir pour faits de corruption.

 

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