Le Pacte sur les migrations, un texte non contraignant qui suscite la panique

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Peu ambitieux et déjà validé, le Pacte sur les migrations de l’ONU qui doit être signé le 10 décembre prochain à Marrakech génère un vent de panique en Europe. Notamment en France et en Belgique.

En septembre 2016, partant du principe qu’aucun État seul ne peut espérer s’attaquer à la question migratoire, l’assemblée générale des Nations unies a décidé de mettre en place un Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. L’idée était de refléter les intérêts des pays d’origine, de transit et d’arrivée, en termes de sécurité et de frontières, mais aussi des migrants eux-mêmes, par le biais d’organisations qui protègent leurs droits.

Le texte du pacte a été signé par les États de l’ONU en septembre 2018, sans controverse majeure. Et pour cause : le document est « non contraignant », et souligne que les pays gèrent eux-mêmes leurs frontières « selon le principe de la souveraineté nationale et dans le respect des obligations prévues par le droit international ».

Selon le ministère des Affaires étrangères français, il s’agit surtout d’un recueil de bonnes pratiques dans lequel « les États s’engagent, dans les grands principes, à davantage coopérer dans la gestion des flux migratoires ». Avec ses dix ambitions et 23 objectifs, le texte promeut la coopération, le respect des droits de l’Homme et la lutte contre le trafic d’êtres humains.

Pour le  Comité international de la Croix-Rouge, le Pacte permettra surtout de favoriser plus de dignité et de sécurité pour les migrants.  « Si nous sommes conscients des dures épreuves qui vont la plupart du temps de pair avec la migration, nous sommes aussi persuadés que le Pacte mondial peut apporter des solutions. Il favorisera une meilleure prise en compte des aspects humanitaires de la migration, tout en permettant aux États de maintenir leur capacité à la gérer », indique le CIRC, qui ajoute que le texte pourrait « contribuer à renforcer la protection des migrants, réduire leurs vulnérabilités et faire respecter leurs droits ».

Pourtant, on assiste actuellement à une levée de boucliers partout dans le monde, où les partis d’extrême droite se mobilisent depuis des mois. Ainsi, huit pays de l’Union ont annoncé qu’ils ne signeraient pas le Pacte lors de la réunion prévue les 10 et 11 décembre à Marrakech.

Sans surprise, les pays du groupe de Visegrád (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), qui appliquent généralement des politiques anti-migrants, ne souhaitent plus ratifier le Pacte. Ils sont rejoints par la Croatie, la Slovénie, la Bulgarie et l’Autriche, ainsi que, hors-UE, la Suisse. Et la controverse fait rage dans d’autres pays.

Complotisme français

En France, la question ne fait pas débat au niveau de l’État. Sur son site, le ministère des Affaires étrangères explique en quoi consiste le texte et rétablit certaines vérités sous forme de « vrai ou faux ».

Le sujet n’a cependant pas échappé à certains membres du mouvement des gilets jaunes, qui estiment qu’il s’agirait d’une abdication de la France sur sa souveraineté.

Selon un des messages les plus relayés sur les réseaux sociaux, « Macron profite de la situation de crise sociale pour nous vendre, il faut tout faire pour l’empêcher de partir ». D’autres appellent au renversement du gouvernement avant le 10, afin d’empêcher le « grand remplacement », ou assurent que « l’ONU prévoit l’arrivée de 480 millions de migrants pour détruire l’Europe ».

Marine Le Pen a d’ailleurs appelé « solennellement »  Emmanuel Macron à ne pas signer ce « pacte diabolique ».

Crise belge

En Belgique, la question a entrainé une crise gouvernementale grave, menaçant de faire tomber l’exécutif, suite au refus du parti nationaliste flamand, la N-VA de ratifier le texte. Les nationalistes avaient également lancé une campagne de désinformation immédiatement dénoncée par les organisations d’aide aux migrants.

Sur les images circulées par la N-VA, on lit cette information complètement fantaisiste : « Pacte des Nations Unies sur les migrations = accès aux droits sociaux, y compris pour les immigrés clandestins » ou « Pacte des Nations Unies sur les migrations = priorité à la préservation de la culture des migrants ».

Jan Jambon, ministre de l’Intérieur et membre du parti nationaliste, a admis une « erreur de communication ». Les images ont disparu du site du parti, qui indique que sa campagne a été « mal comprise ».

Le Premier ministre, Charles Michel, ne parvenant pas à trouver un consensus au sein de la coalition sur le Pacte onusien, a posé la question au parlement, qui a voté le 6 décembre pour la ratification du texte à Marrakech.

La ratification d’un accord international dépend cependant du gouvernement, et la N-VA continue de s’y opposer violemment. Le Premier ministre a annoncé qu’il se rendrait tout de même à la conférence, afin de ne pas laisser vide la chaise de la Belgique, même s’il n’a pas le mandat de signer le Pacte.

Autriche et Visegrád

Conformément à son attitude anti-migrants, la Pologne ne compte pas ratifier le pacte à Marrakech. Dans u communiqué, le gouvernement jour sur les peurs irrationnelles qu’a fait naitre le texte depuis le rejet des États-Unis : le document ne correspond pas aux « exigences de la Pologne concernant la confirmation de garanties suffisantes quant à son droit souverain de décider qui est autorisé à rester sur son territoire et la distinction entre migrants légaux et illégaux ».

Mariusz Błaszczak, le ministre à la Défense, a même déclaré que le Pacte « ne ferait qu’intensifier la crise ».

L’intention de la Slovaquie de ne pas signer le texte a entrainé des remous au sein du gouvernement. L’actuel ministre des Affaires étrangères, Miroslav Lajčák, a présenté sa démission parce que son pays se retirait du Pacte. Il était président de l’assemblée générale de l’ONU lors de l’adoption du texte.

Le président, Andrej Kiska, a décidé de « prendre le temps de penser » à cette démission, qui surprend. Le Premier ministre, Peter Pellegrini, a pour sa part assuré ne pas croire à cette possibilité.

En Autriche, pays qui a fait campagne contre l’accord, la question de la distinction entre migrants légaux et illégaux a aussi été présentée par le gouvernement comme une raison clé du rejet du Pacte onusien. Tout comme l’idée que le texte ferait de la migration un droit.

Italie

En Italie, la controverse a aussi poussé le gouvernement à demander l’avis de son parlement. Sous les pressions de la droite dure, et notamment du ministre de l’Intérieur issu de la Lega, Matteo Salvini, Rome ne participera donc pas à la rencontre de Marrakech. Matteo Salvini estime que le Pacte « met dans le même panier clandestins illégaux et réfugiés ».

Le Premier ministre, Giuseppe Conte, issu du Mouvement 5 étoiles, a déclaré être « favorable » au pacte, mais être heureux d’attendre une décision des élus. « Le Pacte sur les migrations est tout à fait compatible avec notre stratégie », a-t-il ajouté.

Côté Lega, on assure que le parlement voterait contre le Pacte, mais on rejette le vote à l’année prochaine. Vu qu’aucune date n’a été fixée pour un débat parlementaire avant la conférence de Marrakech, et certains accusent donc le gouvernement de vouloir mettre cette histoire sous le tapis pour ne pas provoquer de crise gouvernementale.

Le 3 décembre, Raffaele Fitto, eurodéputé du CRE faisait remarquer que le vote devrait avoir lieu « dans le courant de la semaine, sinon il ne servirait à rien ».

« Privons les Salvini, Le Pen et Wilders de leurs munitions : lançons une vraie solidarité entre pays européens en matière d’immigration », argue pour sa part Enrico Letta, ancien Premier ministre italien et actuel directeur de la Fondation Delors. Habituellement discret sur les affaires internes, il appelle aujourd’hui à plus de coopération sur ce thème « crucial » pour l’avenir de l’UE. Il fait aussi le rapprochement avec ce qui s’est passé au plus fort de la crise, en 2015, quand l’Italie, la Grèce et l’Allemagne n’avaient pas pu compter sur leurs partenaires de l’Union.

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