Le hard Brexit, un divorce particulièrement pénible pour certaines régions


Alors que la date du Brexit approche, les secteurs économiques tentent de s’organiser. Certaines zones d’Irlande, de la France, de l’Allemagne risquent d’être les pays les plus touchés.

Si le Royaume-Uni sort de l’UE sans accord, le pays pourrait perdre jusqu’à 9,3 % de son PIB.

Étant donné les liens économiques, sociaux et politiques entre le Royaume-Uni et l’UE, le Brexit pourrait être douloureux pour toute l’Europe. Certaines régions connaitraient des turbulences particulièrement fortes dans le commerce, une augmentation des droits de douane ou des perturbations dans leur chaine d’approvisionnement.

Selon une récente étude commanditée par le Comité des régions, l’Irlande, l’Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas seraient les États membres les plus affectés.

La République d’Irlande serait la plus grande victime collatérale du Brexit. 14 % des exportations irlandaises vont au Royaume-Uni, ce qui signifie que l’impact économique pourrait être aussi grave pour l’Irlande que pour le Royaume-Uni.

Mais pour Dublin, les conséquences sont aussi sociales et politiques, puisque la paix en Irlande du Nord est aussi mise en péril.

France

En France, les régions des Hauts-de-France et de Bretagne sont les principales portes d’entrée européennes du Royaume-Uni, tant par le tunnel sous la Manche que par les liaisons maritimes. Ce sont les deux régions qui ont les liens socio-économiques les plus forts avec la Grande-Bretagne.

L’impact du Brexit dans ces régions touche plusieurs secteurs car le Royaume-Uni est l’un des principaux investisseurs étrangers pour les entreprises de la région et un client important pour les fournisseurs de biens et services.

« Dans les régions les plus proches du Royaume-Uni, nous sommes particulièrement préoccupés par l’incertitude qui pourrait survenir à partir du 29 mars », assure François Decoster, vice-président du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais-Picardie et président du groupe interrégional sur le Brexit du Comité des régions.

Il regrette également la situation « schizophrénique » dans laquelle se trouvent désormais les régions. En effet, elles doivent se préparer à un scénario de non-accord tout en gardant un œil sur une éventuelle décision de la Chambre des communes permettant un retrait ordonné du Royaume-Uni de l’UE.

Selon lui, la période de négociation de deux ans prévue à l’article 50 du traité de l’UE est trop courte, même s’il y a deux ans, elle paraissait très longue.

L’économie française sera également touchée dans des secteurs comme l’agroalimentaire, la plasturgie – l’Auvergne abrite le pneumaticien Michelin – et l’industrie des véhicules de transport.

Toutefois, la France a également le potentiel d’attirer des entreprises qui pourraient quitter le Royaume-Uni en raison de Brexit.

Belgique

Une autre porte d’entrée vers l’Europe est la Flandre, en Belgique, qui a des liens maritimes et commerciaux étroits avec le Royaume-Uni.

Une grande partie du PIB de la Belgique provient des exportations et des échanges de marchandises transitant par les ports flamands. Et une grande partie de ces exportations sont destinées au Royaume-Uni. Mais cela fonctionne aussi dans l’autre sens : 78 % de toutes les exportations britanniques vers l’Europe arrivent au port de Zeebrugge en Belgique.

Avec le Brexit, les ports belges deviendront une frontière extérieure de l’UE et les liens commerciaux des deux côtés de la Manche seraient menacés une fois les contrôles aux frontières et les tarifs douaniers rétablis. Le divorce avec l’UE pourrait également affecter la coopération dans la lutte contre l’immigration clandestine.

La Flandre ne sera pas la seule région de Belgique affectée. Wavre, capitale du Brabant wallon près de Bruxelles, abrite le siège de Glaxo Smith Kline, une importante société pharmaceutique britannique. Son avenir pourrait être remis en question après le Brexit.

Allemagne

En Allemagne, le Land de Hesse sera le plus durement touché. Le Royaume-Uni est le troisième marché de la Hesse puisqu’il représente 7,5 % de l’ensemble de ses exportations, mais aussi l’un de ses principaux points d’entrée pour les importations.

Une perturbation des relations commerciales avec le Royaume-Uni pourrait avoir un impact majeur pour l’une des régions les plus riches de l’UE, en particulier dans des secteurs tels que l’industrie automobile, les produits chimiques et pharmaceutiques, les produits électrotechniques et les machines.

Sans parler de l’intense échange financier entre la City et Francfort, le cœur financier de l’Allemagne. Francfort pourrait toutefois bénéficier du Brexit et devenir plus attrayante que Londres en tant que prestataire de services financiers et plaque tournante internationale pour les entreprises multinationales.

En Allemagne également, la ville de Stuttgart abrite des acteurs mondiaux tels que Daimler, Porsche, Bosch, IBM et Hewlett-Packard ainsi que des petites et moyennes entreprises fortement orientées vers l’exportation. Niederbayern abrite le plus grand site de production de BMW et la plus grande usine chimique du monde se trouve à Rheinhessen-Pfalz.

Une éventuelle perturbation des relations commerciales avec le Royaume-Uni constituerait une charge pour ces entreprises.

La Basse-Saxe entretient également des liens économiques étroits avec le Royaume-Uni, où vivent de nombreux citoyens britanniques. Le gouvernement leur a demandé de demander la citoyenneté et les demandes ont triplé au cours des derniers mois, selon Birgit Honé, ministre des Affaires fédérales et européennes de l’État.

Bien que le Brexit risque d’affecter un large éventail de secteurs en Basse-Saxe, la pêche est l’une des principales préoccupations de la ministre. « Les zones dans lesquelles les pêcheurs de Basse-Saxe peuvent pêcher se trouvent à la frontière britannique et ne seront plus accessibles en cas de Brexit dur, donc leurs emplois sont vraiment menacés », a-t-elle dit. « Un Brexit sans accord serait une catastrophe. »

Irlande

En Irlande, les secteurs des machines, de l’électronique, de l’industrie pharmaceutique et surtout de l’agroalimentaire sont les secteurs économiques qui risquent d’être les plus durement touchés par le Brexit.

«  Le Brexit a déjà un impact économique important », soutient Michael Murphy, conseiller municipal de Tipperary et chef de la délégation irlandaise au Comité des régions. Selon lui, la volatilité de la livre sterling a déjà un impact sur les entreprises qui exportent vers le Royaume-Uni.

Selon l’étude du Comité des régions, si le commerce irlandais, en général, dépend moins du Royaume-Uni que par le passé, dans certains secteurs, cette dépendance a augmenté au fil des années.

« Mais en dépit de toutes les préoccupations concernant les défis économiques, le plus grand défi de tous est d’assurer la paix sur l’île d’Irlande », affirme Michael Murphy. Des représentants des deux côtés de la frontière se sont en effet dits préoccupés par l’impact possible du Brexit sur le processus de paix.

« Nous ne voulons pas revenir aux jours sombres du passé », a souligné Michael Murphy. L’UE a défendu le filet de sécurité visant à préserver l’intégrité du marché unique et à éviter une frontière physique en Irlande, malgré les efforts constants de Londres pour s’en débarrasser. « L’Europe ne laissera pas tomber l’Irlande, j’en suis convaincu », a-t-il insisté.

Aucun gagnant

Du tourisme en Espagne et des milliers d’emplois en jeu à Gibraltar, au plus d’un million de citoyens polonais au Royaume-Uni, en passant par les investissements à Malte, le secteur agroalimentaire en Grèce, la mode en Italie et l’électronique en République tchèque, les régions et les pays de toute l’Europe vont souffrir dans une certaine mesure des conséquences du départ du Royaume-Uni.

Les résultats de l’étude du Comité des régions révèlent que « la plupart des régions perdraient probablement leur position actuelle dans certains secteurs en termes de commerce, d’investissements directs ou de possibilités de migration pour les travailleurs, les étudiants ou les chercheurs » en raison du Brexit.

En d’autres termes, il n’y aura « aucun gagnant ». Toutefois, pour les régions les plus solides, le Brexit pourrait être l’occasion d’attirer des entreprises quittant le Royaume-Uni. Pour les régions dont l’économie est moins dynamique et moins diversifiée, il peut représenter un défi beaucoup plus important.



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