Le Brexit est-il encore réversible ?

Les négociations sur les termes de la sortie britannique de l’Union européenne avancent et le scénario du No Deal (sortie « nette », sans accord sur la relation future entre Londres et l’Union) fait l’objet de débats intenses à Londres et à Bruxelles. À l’inverse, peut-on alors imaginer que les Britanniques fassent demi-tour ?

Bruno Tertrais est directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. Cette tribune a initialement été publiée sur Ouest-France.

La négociation sur les termes de la sortie britannique de l’Union européenne commence à ressembler à ce jeu dangereux immortalisé dans le film La fureur de vivre : les deux protagonistes foncent vers l’abîme en espérant que l’autre sera le premier à freiner – et donc à perdre.

La ligne de Bruxelles est inflexible : le Royaume-Uni peut devenir « la Norvège » (être intégré dans l’espace économique européen), ou il peut être « le Canada » (n’avoir qu’un simple accord de libre-échange avec l’UE), mais Londres ne peut pas disposer d’un statut à la carte qui verrait les Britanniques bénéficier des règles communautaires qui leur conviennent tout en rejetant les autres.

L’UE en position de force

L’attitude de Londres, précisée dans un document gouvernemental adopté au mois de juillet, est aujourd’hui tout aussi rigide : en tant qu’ex-pays membre, la Grande-Bretagne devrait bénéficier d’un statut sur mesure. Et notamment de la libre circulation des marchandises et des capitaux sans se voir imposer celle des services et celle des personnes, choisissant ainsi celles des « quatre libertés » fondamentales du Marché unique qui lui siéraient le mieux.

Mais l’Union européenne, représentée par le Commissaire français Michel Barnier, est en position de force. Elle a choisi de préserver son unité et la cohésion des règles de l’ensemble européen, plutôt que de négocier un accord « à la carte » qui ouvrirait une boîte de Pandore, plusieurs pays membres pouvant alors être tentés de renégocier les termes de leur propre appartenance à l’UE. De même que les autres États bénéficiant d’un statut d’association ou de partenariat avec l’Union…

Remords

C’est pour cela que le scénario du No Deal (sortie « nette », sans accord sur la relation future entre Londres et l’Union) fait l’objet de débats intenses à Londres et à Bruxelles. Les « Brexiters » les plus acharnés y sont prêts. Mais pas le gouvernement britannique. En effet, ce scénario ruinerait les chances d’une transition en douceur vers le statut de pays non-membre. Ses conséquences économiques seraient désastreuses, même si elles sont peut-être exagérées par le gouvernement britannique, y compris pour faire pression sur Bruxelles : ruptures de stocks, files d’attente interminables aux frontières, fortes tensions avec l’Irlande du Nord, mécontentement de l’Écosse…

Devant l’impasse, peut-on alors imaginer que les Britanniques fassent demi-tour ? Ce n’est pas inconcevable, mais cela passerait logiquement par un second référendum. L’opinion semble avoir évolué. Une enquête détaillée publiée au cours du mois d’août a montré que 112 circonscriptions (sur un total de 632) avaient changé de camp depuis 2016, essentiellement en raison des remords de nombreux électeurs travaillistes ayant voté « non » à l’époque.

Vers un nouveau référendum ?

Mais un nouveau référendum risquerait d’aggraver les divisions et les tensions. D’autant plus qu’il porterait alors non plus sur le principe – on ne pose pas la même question aux électeurs deux fois de suite – mais sur les modalités de la sortie de l’Union. Il ne donnerait sans doute aucune légitimité claire au camp vainqueur…

Le scénario du No Deal n’est pas le plus probable. Mais celui du retour en arrière ne l’est pas non plus. Il reste la possibilité de prolonger, par consensus, la période de négociation… Alors que les deux principaux leaders britanniques, la Première ministre Theresa May et le leader travailliste Jeremy Corbyn, sont de plus en plus affaiblis. Tout ceci n’augure rien de bon, ni pour l’Europe ni pour le Royaume-Uni.

Un article publié par notre partenaire Euractiv.