Le bras de fer France-Allemagne reflète des visions politiques différentes – EURACTIV.fr


L’opposition entre France et Allemagne sur la nomination du président de la Commission est le reflet de conceptions politiques radicalement différentes. Pour la France, le traité, et le meilleur candidat priment, alors que pour l’Allemagne, la démocratie est prioritaire.

« Macron ne comprend pas comment l’Europe fonctionne. Il se plante à chaque fois. Il faut qu’il apprenne ! ». Pour ce député d’outre-Rhin fraîchement élu, le blocage sur les nominations des principaux postes européens relève d’une mauvaise connaissance des mécanismes de coalition qui priment à la fois au niveau européen et dans certaines démocraties nordiques, comme en Allemagne. Et au Parlement européen.

Voter pour Manfred Weber, qui a été choisi pour la tête de la droite européenne, ne pose aucun problème à ses opposants politiques directs en Allemagne, qui abhorrent pourtant ses positions. Le fait que le choix démocratique des citoyens européens l’ait confirmé à la tête du principal groupe politique est un élément bien plus important que toute autre considération.

Pour Emmanuel Macron au contraire, qui accorde depuis son arrivée au pouvoir une priorité nette à la décision plutôt qu’au débat, et profite largement des pouvoirs réduits du Parlement en France, prendre en compte la volonté du Parlement européen n’était a priori pas à l’agenda.

« Les traités sont clairs, ce sont les chefs de l’Etat qui proposent un président de la Commission, qui est ensuite élu par le Parlement européen » répète-t-on à l’envi à l’Elysée.

Le vendredi 21 juin, lors de sa conférence de presse de cloture du sommet, Emmanuel Macron a réitéré cette position : « Ce qui est démocratique c’est de respecter nos Constitutions, de respecter les règles qu’on s’est donnés nous-mêmes dans les traités. Il y a un espèce d’air ambiant qui voudrait que le Conseil n’exerce plus ses fonctions. Seuls ceux qui sont autour de la table du Conseil sont élus démocratiquement, ils ne sont pas moins légitimes que des parlementaires européens pour décider de cela ! »

L’Allemagne commence à défendre les listes transnationales

Côté allemand, l’insistance sur le candidat Manfred Weber s’appuie justement sur la légitimité démocratique du Parlement européen, et du candidat représentant le groupe le plus fort. Qui se trouve, certes, être allemand.

C’est seulement en entendant la voix de deux ténors du Parlement européen que l’Allemagne a envisagé de reconsidérer son soutien sans faille à Manfred Weber : lorsque les sociaux-démocrates et les libéraux ont officiellement indiqué qu’ils ne soutenaient pas le candidat du PPE, la situation a changé.

Angela Merkel a néanmoins affirmé, à sa sortie du Conseil européen jeudi soir dans la nuit, qu’elle tenait au système des Spitzenkandidat.

« Nous sommes à mi-chemin. Si nous ajoutions aussi les listes transnationales, nous aurions un processus transparent » a-t-elle ajouté, soutenant cette idée chère à Emmanuel Macron qui lie systématiquement Spitzenkandidat et listes transnationales.

Pour lui en effet, les « Spitzenkandidat » n’ont aucune légitimité pour les citoyens européens, qui ne votent pas pour eux puisqu’ils en ignorent l’existence. Ainsi, aucun candidat de la droite européenne n’a fait campagne pour Manfred Weber comme leader si ce n’est en Allemagne.

Le président français avait tenté de faire basculer les choses en février 2018, en tentant de mettre en place une petite part de listes transnationales dans les élections européennes. Ce que le Conseil européen avait refusé faute de majorité.

Revers pour Macron sur les listes transnationales

Les eurodéputés se sont accordés pour modifier la composition du Parlement dans la foulée du Brexit. Mais l’idée d’une liste transnationale pour les élections de 2019, portée par Macron, n’a pas remporté les suffrages.

Des différences aplanies

Malgré l’absence de résultat sur les nominations, au Conseil européen, France et Allemagne ont chacune lâché du lest à la marge.

« On est dans un système parlementaire, qui suppose des accords et des compromis. Ce n’est pas la crise ou le succès, on avance», assurait jeudi une source élyséenne.

Le pas en avant en faveur des listes transnationales montre aussi le souhait de progrès de l’Allemagne.

 

 



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